Homélie du Père Josselin du Jour de Noël (2020)
Jouer à l’ange…, mais pas pour tout !
A Noël, on a envie de jouer à l’ange. C’est quand même pas mal leur rôle dans la scénographie de Noël : ils descendent du ciel dans une grande lumière, ils débarquent dans un champ en pleine nuit, et ils annoncent une nouvelle merveilleuse, puis chantent Gloria. Ça en jette un peu, ce ne sont quand même pas des messagers de seconde classe ! Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut. Alors on aimerait bien être comme eux. D’ailleurs, j’espère que hier soir, vos pas aussi étaient beaux, lorsque dans la nuit, en sortant de l’église, vous annonciez la bonne nouvelle de la naissance du Sauveur à ceux que vous rencontriez ! Un sauveur nous est né, un Fils nous est donné, alléluia ! J’espère que vous étiez beaux comme les anges !
Mais attention à ne pas trop faire l’ange… Qui fait l’ange fait la bête, dit le dicton… Donc faire l’ange, oui, mais de façon bien humaine. Être messager de Dieu, être tourné vers Dieu, mais sans quitter notre condition d’homme. Car si le Verbe s’est fait chair, si notre Dieu s’est fait homme, ce n’est pas pour que nous devenions des anges, mais pour que nous devenions des hommes et des femmes plus accomplis, plus divins, en fait. Si le Verbe s’est fait chair, c’est que la condition humaine est belle malgré tout. Car ce n’était pas simple : il y avait les ténèbres qui voulaient l’arrêter, les siens qui ne l’ont pas accueilli, il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Bref, ce n’était pas facile. Mais si le Verbe s’est fait chair, c’est que notre condition humaine en valait la peine. Noël, c’est le salut du monde qui commence, c’est le Sauveur qui vient sauver les hommes pécheurs. Fête merveilleuse !
En prenant notre condition, Dieu nous dit que notre condition est belle. Ne rêvons pas la condition des anges, vivons la nôtre pleinement ! Si le Verbe s’est fait chair, si la Parole prend un corps, c’est que notre corps a un sens, c’est qu’il est marqué par l’intelligence. Et le sens de notre corps nous est donné par l’amour : notre corps est fait pour aimer. Par la Rédemption apportée par le Christ, notre corps doit retrouver sa pleine signification, celle de l’amour, afin que tout soit ordonné vers l’amour vrai dans notre corps. Ce n’est donc pas la peur du corps qui doit nous animer, bien au contraire. Nous devons l’accepter dans sa beauté et ses blessures, et laisser Jésus lui redonner toute sa signification. Le Christ, de la crèche au crucifiement nous dit que notre corps est fait pour aimer, fait pour le don.
Et par sa venue dans le monde, le Christ nous a laissé son Corps dans l’eucharistie, Corps qui n’est ainsi qu’amour. Toucher, voir, manger ce Corps ne conduit qu’à l’amour. Et tourne nos corps vers l’amour. Il est ainsi triste de voir que notre façon actuelle de faire, en temps d’épidémie, brouille les pistes. Entourer le Corps du Christ de gestes barrières, de désinfectant et de peur, ne dit plus notre foi en l’Incarnation et en la réalité de l’amour du Christ en son Corps. Quel témoignage chrétien donnons-nous sur le corps actuellement ? La question est très délicate, mais elle mérite d’être posée. A travers notre façon de nous comporter avec le corps du Christ, mais aussi à travers nos relations, nous courrons le risque de trahir notre foi et trahir le mystère de l’Incarnation. Noël nous invite à regarder la noblesse de notre corps, par celle, infinie, du Corps du Christ. En dehors de la situation actuelle, posons-nous un regard de méfiance sur le corps en tant que tel, ou posons-nous le regard de la rédemption ? Noël nous invite à regarder le corps comme vraiment marqué par le péché, mais déjà sauvé, et en route vers l’amour total. Et le Corps eucharistique nous dévoile cette plénitude d’amour.
Oui, le Verbe s’est fait chair pour que notre corps retrouve sa splendeur première, sa vocation originelle à l’amour total. Contempler le nouveau-né dans la crèche, contempler le Corps eucharistique, se laisser toucher, c’est avancer vers le ciel où nous est promise la résurrection de la chair.
Noël, c’est la joie, non pas d’être des anges, mais d’être rejoints dans notre humanité pour la sanctifier et la diviniser, et avec les anges, nous prosterner devant le Sauveur. Joyeux Noël !
Amen.