Homélies des messes
Homélie du père Justin, IIème dimanche du TO, Jn 2,1-12
Chers frères et sœurs, nous sommes entrés dans le Temps Ordinaire, qui est un temps liturgique très important, très spécial, où nous sommes appelés à nous nourrir particulièrement de la Parole de Dieu et à faire résonner cette Parole dans notre vie de tous les jours, dans notre vie ordinaire.
C’est un temps durant lequel nous ne fêtons pas les grands évènements de la vie de Jésus, mais où nous recevons son enseignement à travers la lecture des quatre Évangiles et particulièrement de l’Évangile de l’année en cours.
C’est un temps aussi où nous lisons une grande partie des livres de l’Ancien Testament. Comme dans l’Évangile que nous avons proclamé, celui des Noces de Cana, nous sommes appelés à remplir les jarres de pierre avec de l’eau – c’est-à-dire à nous nourrir de la lecture de l’Ancien Testament – et cette eau sera changée en vin – nous obtiendrons une meilleure intelligence de l’Évangile.
Quand nous lisons et méditons la Parole, nous devons toujours tenir présent à l’esprit certains principes. L’un des plus importants est que nous devons nous laisser surprendre par l’Écriture, par la Parole.
Très souvent les auteurs bibliques nous surprennent, notamment les Évangélistes. Ils le font pour nous faire entrer dans le mystère, dans un enseignement plus profond qui vient de Jésus et qu’ils entendent nous transmettre.
Et j’ai cru remarquer que nous n’aimons pas être surpris, être déroutés à la lecture de l’Évangile, parce que cela signifie que nous n’avons pas la réponse à certaines questions et nous nous sentons en défaut. Bien souvent nous allons niés être surpris et nous allons essayer de passer outre, ou bien nous allons chercher une réponse rapidement pour mettre fin au malaise…
Au contraire ce malaise, cette incompréhension sont voulus par les auteurs bibliques et sont très riches et très importants pour la fécondité de notre lecture et de notre méditation. Il faut que nous acceptions de ne pas savoir, de nous laisser surprendre.
Et ce qu’il y a de très surprenant dans l’Évangile que nous avons proclamé aujourd’hui, c’est qu’il y a un signe qui nous parle de l’Eucharistie, dans le vin – l’eau transformée en vin anticipe un miracle plus grand qui est le vin transformé dans le sang du Christ – mais nous n’avons pas un signe eucharistique qui regarde le pain… Il ne s’agit pas de vouloir le trouver à tout prix, mais de se laisser surprendre, de se laisser désorienter.
Et puis une autre chose où nous devons accepter d’être surpris, c’est que Jésus emploie des paroles très dures pour parler à sa mère. Les paroles qu’il emploie sont vraiment dures. Cependant nous avons tellement de mal à accepter cette situation que nous avons atténué les paroles de Jésus dans la traduction.
Et pourtant Jésus emploie des paroles vraiment dures, il dit Femme, qu’est-ce qui est à moi et à toi ? comme pour dire Occupe-toi de ce qui te regarde…
Ces paroles sont dures et elles nous surprennent, cependant nous devrions aussi nous rappeler de l’Ancient Testament, en particulier du cycle d’Elie – Elie était un très grand prophète, très populaire, les épisodes bibliques de sa vie, peu nombreux, étaient très connus des contemporains de Jésus.
Et Elie un jour, durant une famine, se rend auprès d’une veuve, à Sarepta, qui vit dans la misère en compagnie de son fils – et Elie lui demande un pain. Elle lui répond qu’elle est tellement pauvre qu’une fois qu’elle aura confectionné un pain pour Elie, pour son fils et pour elle-même elle n’aura plus rien. Et Elie lui dit de ne pas s’en faire et de lui cuire malgré tout un petit pain pour lui.
Elle le fait et de jour en jour, de semaine en semaine, la farine dans la jarre ne désemplit pas et elle fait à manger pour eux trois pendant de nombreuses semaines – donc au passage on se retrouve avec un signe qui concerne aussi le pain !
Et puis, ensuite, le fils de cette veuve meure, et elle dit à Elie : Qu’est-ce qui est à moi et à toi homme de Dieu, tu es venu pour nous porter la ruine !?
C’était la croyance populaire que les prophètes apportaient plutôt des mauvaises nouvelles – et elle pense ça-y-est le prophète m’a apporté la ruine, mon fils est mort. Mais Elie ensuite le ressuscite…
Mais surtout nous nous rendons compte que Jésus a inversé les rôles. Ce n’est pas Marie, qui est veuve à ce moment et qui va perdre son fils bientôt comme cette femme, qui dit ces paroles que nous avons entendues, mais c’est Jésus qui les utilise. Jésus se met à la place de la veuve et Marie occupe par voie de conséquence la place du prophète Elie.
Et en effet on dit souvent que Marie est comme une prophétesse. Mais en réalité Marie est beaucoup plus qu’une prophétesse. Quand elle dit aux serviteurs Tout ce qu’il vous dira faites-le, ce sont les paroles de Dieu lui-même qu’elle emploie, ce sont les paroles de Dieu quand il envoie les prophètes dans le monde, et plus encore quand il envoie sa propre Parole, son propre Fils dans le monde : Tout ce qu’il vous dira faites-le…
Donc Marie occupe la même place que Dieu lui-même. Elle est Mère du Fils de Dieu, elle est épouse de l’Esprit Saint, et elle occupe la même place que Dieu le Père quand il envoie son Fils dans le monde.
Donc nous devons savoir quand nous lisons la Parole de Dieu que Marie est à nos côtés et nous dit Tout ce qu’il vous dira faites-le, ayez confiance en Dieu, ayez confiance en moi, ayez confiance en mon Fils, ayez confiance en vous par l’amour que Dieu a pour nous tous.
Le Fils exalte sa mère à un point que l’on peut à peine décrire, et en même temps il respecte son humilité et sa discrétion et cache l’exaltation extraordinaire de sa mère derrière des paroles dures en apparence envers elle.
Donc nous aussi nous devons savoir que seul le Fils peut vraiment exalter Marie, et en même temps si nous l’exaltons nous aussi c’est en accord avec le Fils et en cherchant toujours à ménager l’humilité et la simplicité de Marie.
C’est ainsi que nous ferons entrer véritablement Jésus et Marie dans notre vie de tous les jours, à travers la méditation de la Parole où nous découvrons qui ils sont réellement et qui nous sommes nous aussi – dans notre vie concrète.
Nous le voyons dans cet Évangile, le Seigneur a fait un premier signe pour quoi ? pour que les époux aient du vin, aient de la joie concrète à partager pendant leurs noces. Le Seigneur est glorifié et nous révèle sa gloire quand il entre dans notre vie la plus concrète et qu’il y participe, avec la médiation de Marie, pour nous donner la joie et que nous puissions la partager – même si tous ne savent pas d’où elle vient.