Mes chers frères et sœurs, chers enfants
En ce jour de Noël, j’aimerais vous partager quelques incompréhensions qui me traversent actuellement, car en effet, il y a beaucoup de choses qui me dépassent et que je ne comprends pas. Par exemple, je ne comprends pas comment il est devenu compliqué d’avoir des relations en vérité, entre nous et avec la nature. Nous savons que nous avons besoin les uns des autres, mais nous avons du mal d’aller à la rencontre les uns des autres, même au sein de la même famille. Tout est devenu compliqué dans le domaine relationnel ! Je ne comprends pas le fait que nous épuisons et maltraitons la planète, et pourtant nous refusons de changer notre modèle économique de surconsommation. Nous savons au plus profond de nous que nous avons besoin de Dieu, mais nous ne voulons surtout pas le laisser entrer dans nos vies : nous voulons le garder à distance. Des choses qui me dépassent ! Il y a tant de choses que je ne comprends plus.
Depuis que je suis arrivé en Europe, j’ai découvert et appris que Noël se fêtait toujours sous la neige et dans un grand froid. J’ai donc appris que l’Enfant-Jésus avait tellement froid à Bethléem car il devait neiger au moment de sa naissance. Ce n’est pas dans les évangiles. Mais, faisait-il vraiment froid à Bethléem quand Jésus est né ? Et du coup, comme vous, j’ai appris progressivement à associer la fête de Noël avec l’arbre de Noël (ca n’existe pas chez moi, une de mes première découvertes occidentale, comme l’existence du père Noël dont je n’avais jamais entendu parler avant mon arrivée en Italie !) et la neige qui tombe, le sol tout blanc ! Alors, après le repas de Noël, on imagine toute la famille, des grands parents aux petits enfants se rouler dans la neige, faisant la guerre des boules de neige, tous joyeux de faire une vraie belle guerre d’amour et de joie qui ne fait pas de morts parce qu’elle n’a que des vainqueurs car à la tout le monde est heureux d’avoir passé un bon moment ensemble !
Mais regardez le climat que nous avons !! Il n’y pas de neige ! Je suis allé vendredi célébrer les funérailles d’un ami en Ariège, et même là, un grand soleil. Il faisait 19 degrés. Le climat nous fait penser à Pâques, au printemps ! Cependant la télé continue à nous faire rêver avec des pubs d’un Noël sous la neige, des familles qui vont acheter, font des courses sous la neige… Nous savons que tout cela n’est pas vrai car ce n’est pas ce que nous vivons avec ce beau soleil qui nous accompagne. Tant mieux pour moi et dommage pour ceux qui ne peuvent imaginer Noël sans la neige. Vous voyez, comme les humains, le climat aussi est devenu fou. Mais, si le climat est devenu fou, n’est-ce pas aussi à cause de notre refus de nous convertir et de changer nos modes de vie qui fatiguent la planète ?
Il y a une autre chose que je ne comprends pas : c’est l’histoire des cadeaux de Noël. Quand j’étais petit, au fin fond du Congo, mes parents, comme mes catéchistes me disaient que c’est moi qui devais apporter des cadeaux à l’Enfant Jésus. Quand nous allions à la messe de Noël comme aujourd’hui, chacun devait prendre avec lui un cadeau à apporter à la Crèche pour l’Enfant Jésus. C’est lui, le nouveau-né qui avait besoin de cadeau… pas moi, ni les membres de la famille. Tout était focalisé sur l’Enfant de Marie. Alors, pendant le temps de l’avent, chacun faisait des économies, comme ce qu’on fait faire aux enfants du KT en carême, pour avoir une petite cagnotte à donner à l’Enfant Jésus. Le père Noël n’existait pas dans mon imaginaire d’enfance : c’est moi qui devais faire un cadeau à l’Enfant Jésus.
Et là, en arrivant ici en Occident, je découvre la ruée sur les cadeaux de Noël et tout le stress que cela génère ! Au lieu d’apporter un cadeau à Jésus, c’est chacun s’attend recevoir un cadeau. On s’endette pour les cadeaux, on se met en colère quand l’on n’a reçu le cadeau qu’on voulait, on boude quand les parents n’ont pas donné suite à la liste faite au père Noël, on râle quand le conjoint me donne un cadeau qui ne me plait pas et cela crée des conflits dans les familles…, et le au lendemain de Noël, on retrouve beaucoup de ces cadeaux sur le Boncoin ! Nous avons oublié que le plus beau des cadeaux, c’est cet amour, cette chaleur que nous partageons au sein de la famille, en fêtant simplement…. avec ces embrassade tendres et vraies autour d’un repas préparé avec amour…..
Je me rappelle qu’à Noël, quand j’étais petit, après la messe, nous faisions le tour du quartier, passant de maison en maison pour partager le repas. Noël était alors la fête du partage, car nous fêtions la naissance de Dieu qui vient partager notre humanité pour nous faire partager sa divinité. Et là aujourd’hui, chaque famille qui va se retrouver dans sa maison, chez soi avec les siens ! On ne va pas partager avec ses voisins, les personnes seules dans nos quartiers resterons bien seules ! On dit que Noël est la fête de la famille, mais je pense à ces gens sans famille qui n’auront même pas un coup de téléphone pour leur souhaiter un joyeux noël…. Je remercie cette paroissienne qui m’a demandé de moi trouver trois personnes seules à inviter chez elle pour le repas de Noël, ceux qui organisent ont aidé à préparer le Réveillon Solidaire dans nos paroisses, ces « chefs étoilés » du Périgord qui ont organisé un repas pour 200 personnes seules…
Noël nous appelle à entrer dans la contradiction de Dieu pour donner l’espérance à notre monde. Noël est la naissance d’un Dieu tellement différent de nous, tellement différent de celui que nous attendions. Nous nous attendions et nous voulons un Dieu puissant et Père pour toujours, mais à Noël, Dieu se révèle dans un petit bébé, un nouveau-né fragile et sans défense. On l’espérait vainqueur et libérateur des opprimés, nous le contemplons faible, rejeté et sans abris car il n’a trouvé une place dans l’auberge de Bethléem. Les prophètes l’avaient annoncé comme le prince de la Paix, mais nous le contemplons réfugié en Egypte fuyant la jalousie d’Hérode.
Noël restera pourtant toujours une très belle fête. Par elle, Dieu nous redit l’importance de la famille, cette cellule qui souffre beaucoup, mais qui reste le bien le plus précieux pour chaque être humain. Le premier cadeau que nous pouvons faire aux membres de notre famille aujourd’hui, c’est prier pour eux et leur dire combien ils comptent pour nous. Demandons à Jésus, Marie et Joseph de veiller sur chacune de nos familles et de nous bénir. Prions aussi l’Enfant-Jésus pour que la Paix règne, que cessent les conflits et les divisions dans nos familles et dans le monde. Qu’aucun enfant ne souffre des conflits entre adultes à Noël. Que Noël soit un cadeau de Joie et de Paix pour tous.
Que la fête de Noël soit une libération pour chacun de nous : libération de la rancœur pour embrasser l’Amour, libération de la violence pour entrer dans la Paix, libération des principes rigides pour entrer dans la miséricorde de Dieu, libération de la peur pour entrer et entretenir des relations vraies et confiantes avec les autres, libération de tout ce qui nous empêche d’être heureux. Que l’Enfant Jésus vous comble de ses bénédictions et qu’il remplisse vos familles de sa Tendresse infinie, pour que chacun de nous puisse en témoigner. Joyeux Noël et bonne fête à vous tous !