Homélie du Père Joseph du XXIV° dimanche du Temps Ordinaire, année B (2024)
Mes chers frères et sœurs !
Jésus se trouve dans un moment de calme et d’intimité avec ses disciples. Ils sont loin des dérangements et des bruits. C’est dans ces moment d’intimité qu’il est possible de poser les questions importantes, celles qui touche le cœur, pas celles que nous pouvons poser devant la télé, entre deux coups de téléphone, entre deux épisodes de votre série préférée ou à la mi-temps d’un match de foot ou de rugby. Certaines questions exigent d’être posées dans un cœur à cœur, en toute intimité avec un ami, son enfant, ses parents, son amoureux !
Au cours de ce cœur à cœur, Jésus pose une question décisive dont dépendra tout le reste : la foi, les choix, la vie… ! Il ne s’agit pas de faire un sondage d’opinion auquel les réponses sont multiples, prenant Jésus pour Jean-Baptiste, Elie ou un autre prophète passé. La question de Jésus exige une réponse qui vient du coeur « Et vous, que dites-vous ! » Parlez-moi de vous, pas des autres ! La question commence par « Et vous ! » Ne vous contentez pas d’une foi par oui dire, par tradition. « Et vous qui avez abandonné vos barques, avez tout quitté pour me suivre, vous qui avez cheminé avec moi depuis trois ans, que j’ai choisis un à un… qui suis-je pour vous ? »
Cette question est le cœur de foi chrétienne : qui est Jésus pour toi ? Jésus ne cherche pas des paroles mais des personnes, pas des définitions de soi mais une implication de soi. Qu’est-ce qui a changé en toi lorsque je t’ai rencontré ? C’est comme les questions que se posent les amoureux : « quelle place ai-je vraiment dans ta vie, combien je compte pour toi ? » et à l’autre de répondre : « tu es ma vie, mon trésor, mon oxygène, mon homme, la femme de ma vie, mon amour… » A ce type de question, tu ne répondras pas par ce que les gens racontent de votre relation mais ce que tu penses et vis au plus profond de toi. De même, Jésus n’a pas besoin de l’opinion de Pierre pour avoir des informations, pour savoir s’il est plus fort des prophètes d’avant, mais pour savoir si Pierre lui a réellement ouvert son propre cœur.
Le Christ est vivant seulement s’il est vivant en nous. Notre cœur peut être le berceau ou le tombeau de Dieu, berceau qui prend soin de la vie et voit grandir Dieu dans notre maison, ou alors la tombe où Dieu en nous. Le Christ n’est pas ce que je dis de lui mais ce que je vis concrètement de lui. Il n’est pas mes paroles, mais ce que de lui rend ma vie ardente. La réponse à la question de Jésus exige l’implication personne, comme l’apôtre Thomas qui, huit jours après la résurrection, s’était mis à genou devant le Ressuscité en disant : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Ce « mon » n’indique pas la possession, mais la passion, non pas une appropriation mais l’appartenance. Mon Seigneur ! Mon, comme ma respiration sans laquelle je ne peux vivre, comme mon cœur sans lequel je suis sans vie !
La réponse est collégiale, collective, unanime dans le contenu exprimé par Pierre au nom de tous : « Tu es le Christ », ça veut dire, tu es le Messie, le Consacré, l’Oint, l’Envoyé du Père. Après avoir accueilli cet acte de foi des apôtres, Jésus peut maintenant s’ouvrir librement à ses disciples, leur parler sans métaphore de ce qui l’attend, c’est-à-dire, de sa passion et sa mort en croix prochaine. Il ne pouvait pas le confier à ses disciples s’il n’avait pas préalablement reçu cet acte de foi et cette confiance de leur part. On ne peut s’ouvrir, confier les secrets de sa vie à des gens en qui l’on n’a pas confiance. Dieu ne peut se révéler véritablement à nous, toucher notre cœur, nous faire faire une expérience profonde de sa présence et de son action que s’il voit que notre foi n’est pas que de façade ou par oui dire. Après l’acte de foi des disciples, Jésus « commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes,
qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite » Voilà le Kérygme, l’essentiel de la foi chrétienne.
De même que l’amour est éprouvé, purifié pour grandir, de même la foi est éprouvée, purifiée par les événements parfois douloureux de la vie. La foi professée par Pierre au nom de tous doit être purifiée dans son cœur, comme nous l’indique la suite de l’évangile. Devant la bouleversante révélation de l’identité du Christ, « Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. » Un disciple qui fait la leçon à son Maître ! C’est absurde alors et toujours. Jésus ne veut pas laisser les disciples dans cette confusion sur sa propre mission. Il faut qu’il clarifie bien les choses. L’évangile nous dit : « Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » En fait, Jésus veut se rassurer que tout le monde comprenne son message pendant qu’il s’adresse à Pierre. C’est l’occasion pour lui de faire une catéchèse et faire comprendre au mieux ce que signifie pour lui être véritablement son disciple.
Jésus convoque alors la foule et ses disciples et utilise ce langage tellement explicite pour demander une véritable adhésion à sa personne et à sa mission. « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive signifie. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. » Suivre Jésus, c’est prendre la croix, c’est donner sa vie pour les autres, c’ouvrir pour s’ouvrir à l’amour, à la joie du don.
Dans la deuxième lecture, saint Jacques nous aide à comprendre cette vocation au service et au don dans la foi. Il nous appelle à passer du « dire » au « faire », des discours au témoignage concret, de la théorie à la pratique qui se fait charité et disponibilité envers les autres. Un chanteur Congolais rappelle que l’amour n’existe pas et qu’il n’y a que des preuves d’amour ! Une chose est de dire qu’on aime, qu’on est croyant, une autre est de prouver son amour et sa foi par des actes. Ainsi, saint Jacques nous écrit : « Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. ». Cela veut dire que le croyant doit agir en conformité de ce qu’il croit. Nous ne pouvons pas nous contenter seulement de proclamer, annoncer et enseigner. Il est nécessaire d’agir et œuvrer pour le bien des autres pour être crédible.
En cette période de rentrée paroissiale, avec cette nouvelle année pastorale, personnellement comme communauté, nous pouvons nous interroger sur la vérité de notre foi, notre adhésion au Christ : est-elle authentique ou superficielle, de façade, surtout lorsque nous sommes tentés de faire le tri, sélectionnant ce qui nous convient dans la foi, dans les exigences de l’évangile ou de la doctrine, rejetant ce qui ne nous convient pas, comme a essayé de le faire Pierre dans l’évangile au point de se faire traiter de Satan par Jésus. Demandons-nous aussi si notre foi est simplement théorique ou opérante, en parole ou agissant en acte. Demandons la grâce d’une foi authentique, concrète et agissante.