Mes chers frères et sœurs,
Mardi soir, quand je suis revenu du Congo, j’ai eu une réunion du conseil pastoral du doyenné. Nous avons parlé de beaucoup de choses, et des toutes ces malheurs et souffrances qui frappes notre monde, comment être témoin et prophète en étant présent devant la souffrance de nos frères et sœurs. Les échanges ont tourné vers les souffrances et abus subies et infligées dans l’Eglise, par les prêtres… ? Un participant a même dit que l’Eglise ne devait plus parler de morale parce qu’elle a été très faillible comme l’atteste sont histoire ancienne et récente. Bref, pour certains, quand on est faible et faillible, on doit fermer sa gueule ! Dans ce cas, j’ai répondu qu’aucune religion, aucun système politique, aucune structure sociale, aucun parent, ne devait avoir droit au chapitre en donnant des règles ou de morale parce qu’humainement, nous sommes tous faillibles. De plus en plus, nous rencontrons des gens qui veulent que l’Eglise taise désormais et définitivement, des gens qui veulent tout simplement la mort de l’Eglise en prenant comme prétexte sa défaillance morale. Malgré cette tendance actuelle au sein même de l’Eglise, je vais quand même parler de morale, parce que la Parole de Dieu de ce dimanche en parle. Jésus refuse d’être considéré comme un anarchiste sans normes ni loi, un libertaire ! Il refuse de supprimer la Loi de Moïse et nous rappelle que sa mission est de nous aider à retrouver sa source, le fondement originel, le cœur même de la Loi.
Dans la Bible, la Loi joue le rôle d’une flèche. C’est un panneau indiquant la direction à prendre pour ne pas nous perdre sur la route et arriver à destination. La Loi est une sorte de GPS qui nous guide, nous permettant d’arriver à destination. Je reviens d’un séjour au Congo où j’ai découvert une partie de mon pays, le Congo profond que j’ignorais. J’ai roulé sur des routes impossibles, et contrairement à nos routes ici, il n’y avait pas de panneau de direction ! Dieu merci ici, le long de la route, on a des panneaux nous indiquant régulièrement où aller, quelle sortie prendre…. Tel est le sens de la Loi dans la Bible : elle a été donnée par Dieu pour nous conduire vers le bonheur, nous guider dans nos choix pour la vie et contre la mort : « Alors le Seigneur nous a commandé de mettre en pratique tous ces décrets, pour que nous craignions le Seigneur notre Dieu : ainsi, nous serons toujours heureux et il nous gardera en vie comme nous le sommes aujourd’hui » (Dt 6, 24). Ces normes et ces lois deviennent comme un manteau attestant l’amour envers Dieu et le prochain. Cette Loi avait été donnée par Dieu à Moïse, et par lui à tout le Peuple du haut de la montagne en signe de l’Alliance.
Dans son Discours sur la Montagne qui nous accompagne depuis quelques dimanches, Jésus s’insurge notre tendance à changer, modifier la loi quand elle ne va pas dans notre sens. Pourtant, Jésus n’est pas un légaliste rigide et sans cœur ! Il nous aide à interpréter la Loi et les normes morales pour mieux les comprendre afin de mieux vivre entre nous et avec Dieu.
C’est ainsi qu’il relit, réinterprète les Ecritures, la Loi et les reporte au contexte d’origine. L’expression « Il nous a été dit que….mais moi je vous dis…» montre que Jésus se met au-dessus de la mêlée pour interpréter de manière renouvelée la Loi de Moïse. Cela choque les auditeurs parce que, pour eux, cet homme qui parle ainsi n’est qu’un pauvre charpentier de Nazareth, devenu prophète et rabbi sans avoir fait d’études particulières de la Loi. Aucun rabbin ne pouvait se permettre de contester les préceptes de la Loi.
Les deux premiers préceptes abordés par Jésus sont liés. Il s’agit de la violence et du pardon. La Loi de Moïse interdit le meurtre. « Tu ne tueras pas ! ». Quelles que soient les circonstances, sauf en cas de légitime défense, la Loi de Moïse condamne le meurtrier par la peine capitale. Jésus nous rappelle que nous sommes tous meurtriers dans diverses circonstances, et que nous pouvons tuer de mille manières. A part la lance, le couteau, le fusil, les chars, les avions de chasse, l’arme atomique, nous avons d’autres armes que nous utilisons pour commettre des meurtres qui ne disent pas leur nom ! Ces armes qui tuent sont dans notre bouche, notre cœur, notre tête !
Le jugement sur les autres, les calomnies, la critique facile, la médisance…Ce sont là mille manières d’assassiner quelqu’un. Mes adversaires politiques, les parents que je n’aime pas assez, les membres de la communauté qui ne sont pas de ma sensibilité, cette personne que je salis en l’accusant de tous les maux, en soulignant ses limites, ses défauts, seulement pour sauvegarder mes intérêts, ce collègue de travail un peu casse-pieds…, tous ces gens que je critique facilement dans leur dos en portant sur eux des accusations fausses et lourdes.
Jésus me rappelle que même que ces gens-là sont d’abord des frères et des sœurs. Il est très facile de détruire quelqu’un par certaines accusations, le clouer au pilori, au croc du boucher comme disant un politique dans l’affaire Clearstream il y a quelques années, le laminer moralement en l’accusant de tous maux….par nos paroles. Mais, même lavé de toutes ces accusations plus tard, cet homme ou cette femme restera porteur (se) de cette accusation et ne pourra plus reprendre sa réputation et son honneur sali, la mort morale, sociale, politique, professionnelle, ecclésiale….
S’il m’est arrivé d’utiliser cette violence cachée, intérieure, par la haine, la rancœur, la médisance, le fauxjugement, la critique facile… Jésus nous indique la demande de pardon comme instrument de réparation. Savoir demander pardon est supérieur au culte, au rite. Dans le judaïsme, il était interdit d’interrompre la liturgie ou le temps de prière, quelle que soit la raison car il s’agit d’un temps sacré. Même si un serpent me mord le pied pendant la prière, je dois poursuivre ce temps de prière jusqu’au bout ! Dans cette conception, qui existe dans certains milieux ecclésiaux aussi, on ne peut par exemple interrompre la messe, même si quelqu’un tombe gravement malade dans l’assemblée, par respect à la norme rituelle !
Jésus s’oppose à cette pratique et nous invite à quitter l’église, à interrompre le rite et la prière pour aller nous réconcilier avec le frère ou la sœur, faire la paix d’abord pour ensuite venir poursuivre le temps de prière. « Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande »
Ne trouvez-vous pas bizarre de voir dans une même église, à la messe, des fidèles qui célèbrent l’eucharistie mais qui sont incapable de se dire bonjour, qui se regardent comme des chiens, ennemis ou indifférents, qui nourrissent haine, mépris, rancœur, avec le voisin du banc d’à côté, incapables d’échanger le geste de paix, incapables de se regarder dans les yeux… !
L’autre thème abordé par Jésus est plus délicat, surtout à notre époque. Il s’agit de l’adultère. Nous avons beaucoup de mal à en parler… et je risque d’être taxé de moralisateur. Vous savez combien notre société banalise l’adultère ! J’ai même entendu des prétendus psychologues, spécialistes, des sexologues recommander l’adultère comme remède pour sauver son couple qui va mal…..!
Dans l’AT, les rabbins et les pharisiens interprétaient et punissait l’adultère aux dépens des femmes ! Pensez un peu à la femme adultère présentée à Jésus, et que tout le monde voulait lapider. Où était l’homme, son amant ? Non, seule la femme, comme dans certains pays aujourd’hui encore, était punie de son adultère. Même le divorce était traité de manière purement machiste, aux dépens des femmes qui étaient considérées comme des propriétés des hommes. Dans la culture de l’époque, la femme appartenait à l’homme, était l’objet de ses désirs, lui servait pour faire des enfants. Le mari pouvait donc répudier sa femme à n’importe quel moment, sans procès devant le juge….
Jésus s’insurge contre pratique en rappelant que le dessein de Dieu, c’est que l’homme et la femme vivent ensemble toute leur vie, que leurs passions et leurs sentiments soient au service et pour le bonheur l’un et de l’autre, sans domination ni mépris, sans rabaisser l’autre à un objet de satisfaction des appétits de notre concupiscence et de nos désirs…qui partent toujours du regard. Le Seigneur Jésus est réaliste ! Il sait que la fidélité dans un couple est un exercice parfois très difficile, que les tentations sont fréquentes. Aujourd’hui d’ailleurs, avec les moyens de communication, cette tentation vient à notre rencontre, elle vient nous chercher partout, à travers notre tablette, téléphone, internet, même sur les panneaux publicitaires...
Le Seigneur nous invite à faire attention, ne pas baisser la garde, rester vigilants, être prudents dans nos actes et dans notre regard car la tentation, le risque de trahir notre conjoint et nous même, de briser notre vie de couple est toujours présent ! Le Seigneur nous appelle donc à la sagesse, à la vigilance et à la prudence !
Seigneur, guéris-nous de la parole, de la haine meurtrière qui nous habite parfois ! Donne-nous e désir de nous réconcilier les uns les autres. Donne-nous la grâce de la pureté du cœur et la fidélité aux époux et aux consacrés. Amen.