Mes chers frères et sœurs !
Nous nous souvenons tous encore de ce grand cri, comme une très forte invitation, lancée par celui qui n’était encore qu’un pape depuis quelques jours, et que nous vénérons aujourd’hui comme saint, le saint pape Jean-Paul II au début de son pontificat. Il lança alors : « N’ayez pas peur ! ». Le monde entier fut surpris par cette exhortation inattendue qui suffit à elle seule pour marquer et manifester la vigoureuse personnalité du tout nouveau pape : un homme déjà éprouvé par la vie, par des expériences très dures dans sa vie et histoire personnelles, dans son pays natal, la Pologne qui a tant souffert des guerres et totalitarisme, comme le communisme….
Pendant tout son pontificat, saint Jean-Paul II n’a pas été épargné par des épreuves. On pense en particulier à cet attentat dont il fut miraculeusement sauvé, et miracle que beaucoup attribuent à la prière de la sainte Vierge Marie. Saint Jean Paul II a aussi été éprouvé par des turbulences internes au sein même de l’Eglise et par cette maladie qu’il a enduré courageusement jusqu’à la mort… Dans tout cela, il a été un grand témoin de courage, d’optimisme et de confiance.
Alors, quand il dit « N’ayez pas peur ! », ces paroles ne sont pas une simple formule, un petit refrain de campagne électorale. Il s’agit du cri d’un cœur qui croit profondément. Quand le tout nouveau pape Jean-Paul II lance cet appel à toute l’Eglise et au monde entier, il ne fait que reprendre les paroles de Jésus dont il venait d’être élu Vicaire sur la Terre. Dans l’évangile de ce XII° dimanche, par trois fois, le Seigneur nous invite à ne pas avoir peur : « Ne craignez pas les hommes », « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme », « Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux ».
Cette invitation est d’actualité aujourd’hui encore ! Sans chercher quelles étaient les raisons historiques qui avaient poussé le pape à lancer cet appel, nous pouvons voir comment, par rapport à la situation du monde à cette époque, il y a presque 50 ans, l’actualité du monde d’aujourd’hui alimente nos peurs et fait de nous de grands pessimistes. On nous parle de choc de culture ! Le terrorisme peut arriver partout dans le monde. La guerre entre la Russie et l’Ukraine, les tensions entre les puissances, la menace nucléaire et toutes les autres questions sociétales, personnelles, ecclésiales qui peuvent nous inquiéter.
Les injustices de toute sorte nous révoltent, les guerres civiles et économiques, la destruction de la planète, la crise écologique, la crise migratoire, l’arrivée de tous les migrants fuyant guerre et misère de toute sorte, et notre Mer Méditerranée que le pape François comparait à un grand cimetière qui engloutit des centaines de morts chaque semaine… Récemment encore, un bâteau avec des centaines de personnes s’est échoué dans la méditerranée sans aucun secours ! Et avant-hier, quels moyens mis en œuvre pour aller sauver le petit sous-marin, le Titan, avec ses deux touristes de luxe qui allait visiter l’épave du Titanic… Il y a aussi l’incertitude pour l’avenir, la méfiance vis-à-vis des politiques, la crise dans l’Eglise…
Une analyse très attentive de tous ces éléments prouverait que nos peurs parfois sont infondées ! Pourquoi ? Parce que ces peurs sont souvent causées par un bombardement médiatique et un cumul d’informations que nous avons de manière instantanée, en direct… et surtout parce que les médias ont pris désormais l’option de ne donner que les mauvaises nouvelles. Je vous mets au défi de me donner une ou deux bonnes nouvelles données au journal de 20h00 d’hier… Il y a 50 ans encore, les problèmes étaient certainement différents, mais non moins graves que ceux que nous vivons actuellement. La différence réside dans le fait qu’avant nous n’étions pas au courant de tout ce qui se passait dans le monde, et tous les problèmes n’étaient pas condensés et répétés à longueur de journée sur tous les médias et réseaux sociaux pour nous déprimer…. Alors, ne me dites pas, comme de vieux nostalgiques, que tout allait bien dans le passé ! Pensez aux guerres, attentats, maladies et calamités… et autres problèmes que les plus anciens parmi nous ont vécus le siècle dernier et dont nous faisons mémoire chaque année…
Dans ce contexte, se lamenter seulement est stérile. Une attitude responsable devant les problèmes du monde devrait être l’engagement de la part de chacun de nous pour les résoudre. Pleurer et se lamenter sans s’engager ne sert à rien. Comme le saint pape Jean Paul II qui s’est beaucoup engager pour lutter contre les structures et systèmes du mal, nous aussi, nous devons nous engager. Après cet appel à ne pas avoir peur, le saint pape Jean-Paul II ajouta « Ouvrez largement les portes aux Christ ». Le pape était convaincu que si les hommes et les femmes mettent en pratique les exemples et les enseignements du Christ et essaient de vivre chaque jour de l’Evangile, beaucoup des problèmes qui nous font peur pourraient disparaitre.
Parmi les risques et les terribles situations dont nous nous inquiétons aujourd’hui, la majeure partie n’incluent pas le danger dont parle l’Evangile d’aujourd’hui : l’unique vrai danger d’une vie qui est destinée à finir… avec l’avènement de la mort. « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme, craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. » Oh la la, c’est horrible ! diront certains. Jésus nous parle de l’enfer, de la Géhenne…
Aujourd’hui, parler de l’Enfer suscite des sourires moqueurs et des critiques, même au sein de l’Eglise… Dans le passé, cela invitait à réfléchir au sens de notre vie et aux choix que nous posons aujourd’hui. On peut mourir dans un accident de route par malheur, non pas parce qu’on est en faute… car nous pouvons, par malheur, croiser sur notre route un chauffard ivre et drogué… Mais, personne de nous ne pourra aller en enfer par malheur, par simple punition de Dieu.
L’avertissement du Christ aujourd’hui est basique pour tout chrétien qui a conscience que notre vie ne finit pas ici-bas, mais que c’est ici-bas que nous devons nous préparer à la vie éternelle en usant de notre liberté, faire le saut de la foi, de la confiance en Dieu qui nous sauve et nous appelle à partager sa vie en plénitude. Dieu ne nous obligera jamais à aller au ciel, mais Dieu veut que chacun de nous, déjà ici-bas, use pleinement de sa liberté en saisissant sa main tendue… Dieu nous sauve par amour, mais il ne peut nous sauver contre notre volonté. Le salut, un don généreux et gratuit de Dieu mais qui suppose d’être accueilli dans la Foi.
Cependant attention ! Etre chrétien en négligeant la vie présente parce que seule compte la vie après la mort serait une grande erreur. Un chrétien qui ne s’intéresse pas au monde présent se trompe terriblement ! La vie éternelle, notre vie future dépend du présent. Elle dépend de comment nous vivons aujourd’hui. D’où l’engagement des chrétiens pour changer notre monde, construire aujourd’hui le royaume de Dieu, faire tout ce qui est dans nos possibilités pour que notre monde soit plus juste, plus sûr, plus solidaire, plus fraternel….C’est seulement dans cette perspective que nous pouvons préparer la vie éternelle pour nous-mêmes et pour les autres. Seigneur, apprends-nous à désirer la vie éternelle et la rechercher dès ici-bas. Amen.