Mes chers frères et sœurs !
Chaque civilisation, société a ses hommes illustres, ses héros. Pour certains, il s’agit de personnes qui ont donné naissance à un peuple. Pour d’autres, il s’agit de ceux qui ont écrits leurs noms dans les pages de l’histoire d’un peuple, lui donnant une terre, une organisation civile, une liberté lors d’une situation d’oppression, une splendeur, un prestige devant les peuples voisins. Leurs noms, visages ou gestes restent inscrits dans la mémoire collective. Certains ont traversé l’histoire pour devenir un patrimoine presque pour toute l’humanité.
Hier matin, par un pur hasard sur Facebook, j’ai entendu dans un discours que même Mélenchon s’appropriait un Patrice Lumumba, une grande figure de l’histoire du Congo. En allant à Pibrac, nous découvrons construit le nouveau lycée Nelson Mandela. Nos rues et nos places portent des noms fameux : Gaston Doumergue, Vincent Auriol, Jaurès, Charles De Gaulle, Mitterrand, Martin Luther King, Garibaldi, Napoléon, Clovis, Claude Nougaro… Nous leur avons construit un monument. Nous les commémorons ces gens illustres chaque année, à des dates fixes qui correspondent à leur naissance ou leur mort. Mais le caractère unanime de leur place dans l’histoire peut être mise en cause au cours de l’histoire, surtout lorsque nous jugeons les personnages historiques avec nos critères et paramètres actuels. Pour cela, il suffit de se rapprocher des idées du wokisme ou de la cancel culture pour se rendre compte de la tentation très actuelle de réécrire l’histoire. Pourtant, il nous faut nous approprier notre histoire et l’accueillir, avec ses hommes et femmes qui ont fait la France, l’Europe, l’Afrique, le Congo, même si nous ne pouvons pas tout prendre de la vie de ces héros de l’histoire humaine, car ce qui jadis était une valeur peut nous paraître une antivaleur aujourd’hui.
Aujourd’hui, c’est un peuple tout particulier, le « peuple des enfants de Dieu, l’Eglise », qui fait aussi mémoire des ses hommes et femmes illustres, de ses héros. Nous le faisons de manière tout à fait particulière parce que nous les célébrons tous ensemble. Parmi eux, il y en a qui ont des monuments, des images, des statues dans nos églises, nos places, nos maisons…. Il y a des saints qui sont presque des stars, connus de tous et pour lesquels nous avons une dévotion presque démesurée. Sainte Rita, saint Antoine de Padoue, saint Joseph, la très Sainte Vierge Marie, Saint Augustin, sainte Bernadette, sainte Germaine, saint Saturnin… Ces saint nous sont très proches, spirituellement ou localement. Nous tenons à leur fête chaque année, et c’est beau. Mais à la fête de la Toussaint, l’Eglise célèbre aussi tous les saints dont nous ne savons presque rien. Ils sont inconnus de tous, mais connus de Dieu et leurs noms sont inscrits dans le cœur de Dieu. La fête de tous les saints (La Toussaint) nous rappelle que la multitude des héros et héroïnes de Dieu n’ont rien fait d’éclatant, rien qui soit digne d’être gravé dans la mémoire collective, rien qui vaille la peine que leurs noms soient inscrits dans un livre d’histoire ou de spiritualité populaire, ou sur un calendrier liturgique.
D’ailleurs, la grande majorité de ces saints n’apprécieraient pas que nous leur fassions de la publicité parce qu’ils ont été fondamentalement humbles, discrets, silencieux, cachés. Ils sont de toutes les races de la terre, toutes les cultures, toutes les classes sociales et sont de toutes les époques. L’auteur du livre de l’Apocalypse l’avait déjà compris en multipliant le nombre des 12 tribus du peuple d’Israël par le nombre des 12 apôtres, et en le multipliant ensuite par 1000 le nombre biblique signifiant l’éternité pour arriver à 144 000 comme nombre de ceux qui ont servi Dieu, non à travers les gestes épiques de tous les héros, mais à travers les épreuves, le martyre, la dureté de la vie de chaque jour…
Alors, aujourd’hui, dans cette foule immense, nous célébrons tous ceux qui n’ont rien fait d’héroïque ni d’exaltant dans la vie, ceux qui n’ont rien accompli d’extraordinaire mais que nous vénérons parce qu’ils ont été et sont des saints aux yeux de Dieu. Célébrer la Toussaint, c’est se rappeler que le désir de Dieu est que chacun de ses enfants devienne un saint, une sainte. C’est l’appel du baptême ! Qui que nous soyons, Dieu veut faire de nous des saints, des saintes si nous le laissons nous aimer et si nous désirons aimer comme lui. Pour cela, il nous faut vivre notre propre vocation baptismale, à travers notre vocation particulière qui n’en est que la réalisation. C’est dans le baptême que nous recevons l’appel de Dieu à devenir des saints, en vivant concrètement de l’Amour qui vient de Lui.
C’est pour cette raison que j’aimerais terminer cette homélie par les paroles du pape François dans son Exhortation apostolique Gaudete et Exultate ( Soyez dans la joie et l’allégresse), nous rappelant que nous sommes tous appelés à la sainteté.
« Pour être saint, il n’est pas nécessaire d’être évêque, prêtre, religieuse ou religieux. Bien des fois, nous sommes tentés de penser que la sainteté n’est réservée qu’à ceux qui ont la possibilité de prendre de la distance par rapport aux occupations ordinaires, afin de consacrer beaucoup de temps à la prière. Il n’en est pas ainsi. Nous sommes tous appelés à être des saints en vivant avec amour et en offrant un témoignage personnel dans nos occupations quotidiennes, là où chacun se trouve. Es-tu une consacrée ou un consacré ? Sois saint en vivant avec joie ton engagement. Es-tu marié ? Sois saint en aimant et en prenant soin de ton époux ou de ton épouse, comme le Christ l’a fait avec l’Église. Es-tu un travailleur ? Sois saint en accomplissant honnêtement et avec compétence ton travail au service de tes frères. Es-tu père, mère, grand-père ou grand-mère ? Sois saint en enseignant avec patience aux enfants à suivre Jésus. As-tu de l’autorité ? Sois saint en luttant pour le bien commun et en renonçant à tes intérêts personnels.
Laisse la grâce de ton baptême porter du fruit dans un cheminement de sainteté. Permets que tout soit ouvert à Dieu et pour cela choisis-le, choisis Dieu sans relâche. Ne te décourage pas, parce que tu as la force de l’Esprit Saint pour que ce soit possible ; et la sainteté, au fond, c’est le fruit de l’Esprit Saint dans ta vie (cf. Ga 5, 22-23). Quand tu sens la tentation de t’enliser dans ta fragilité, lève les yeux vers le Crucifié et dis-lui : ‘‘Seigneur, je suis un pauvre, mais tu peux réaliser le miracle de me rendre meilleur’’. Dans l’Église, sainte et composée de pécheurs, tu trouveras tout ce dont tu as besoin pour progresser vers la sainteté. Le Seigneur l’a remplie de dons par sa Parole, par les sacrements, les sanctuaires, la vie des communautés, le témoignage de ses saints, et par une beauté multiforme qui provient de l’amour du Seigneur, « comme la fiancée qui se pare de ses bijoux » (Is 61, 10).
Cette sainteté à laquelle le Seigneur t’appelle grandira par de petits gestes. Par exemple : une dame va au marché pour faire des achats, elle rencontre une voisine et commence à parler, et les critiques arrivent. Mais cette femme se dit en elle-même : « Non, je ne dirai du mal de personne ». Voilà un pas dans la sainteté ! Ensuite, à la maison, son enfant a besoin de parler de ses rêves, et, bien qu’elle soit fatiguée, elle s’assoit à côté de lui et l’écoute avec patience et affection. Voilà une autre offrande qui sanctifie ! Ensuite, elle connaît un moment d’angoisse, mais elle se souvient de l’amour de la Vierge Marie, prend le chapelet et prie avec foi. Voilà une autre voie de sainteté ! Elle sort après dans la rue, rencontre un pauvre et s’arrête pour échanger avec lui avec affection. Voilà un autre pas ! »
Les saints que nous célébrons sont le signe du projet que Dieu veut réaliser pour l’humanité à travers son Eglise : dans leur variété, les saints redisent que la sainteté n’est pas une utopie, mais bien une possibilité pour chaque humain, en tout temps et en tout lieu. Toute l’humanité est appelée à connaitre Jésus qui donne à chacun la grâce de partager sa vie en plénitude, et c’est cela qui est la sainteté, le Vrai Bonheur. Puisse chacun de nous nourrir le désir de sainteté pour lui-même et pour les autres. Amen.