Mes chers frères et sœur !

Au comment de préparer cette homélie hier soir, je m’attendais à récit qui fasse une sorte de suite d’évangile deux dimanches précédents : Il y a 15 jours, Jésus avait envoyé ses disciples deux par deux, et dimanche dernier, il les invitait à se mettre à l’écart et à se reposer, à prendre un peu de vacances !

J’aurais bien préféré que l’évangile de ce dimanche nous dise que les disciples se sont réellement reposés et ont pris des vacances… Mais non ! Jésus et ses disciples sont poursuivis par une foule immense qui les empêchent de se reposer, comme ceux parmi vous qui êtes poursuivi par le boulot même pendant les vacances, avec le téléphone, les mails… …qui vous rappellent que vous devez être accessibles et joignables, même en vacances, pour gérer les urgences !

L’évangile nous décrit une grosse urgence à résoudre : « Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? ».  Jésus est saisi de compassion pour cette foule affamée et il faut urgemment trouver une solution.  Mais la solution proposée par les disciples est celle que nous proposons aussi très spontanément devant la misère dans le monde. Leur réponse en gros : « Ils n’ont qu’à se débrouiller !» C’est la réponse de Philippe : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain ».

Le raisonnement des disciples et la solution bien pratique, logique, la seule économiquement tenable qu’ils proposent est de renvoyer la foule affamée. Devant certains les drames, comme la famine, la guerre dans certains pays, la misère croissante… nous préférons parfois fermer les yeux pour ne pas voir… car voir et toucher réellement la souffrance de l’autre nous obligerait à faire quelque chose.

Prenons un exemple, tellement flagrant et actuel : l’immigration. Nous en  avons tellement parlé lors des dernières élections européennes et législatives après la dissulution. Devant la crise migratoire, nous avons des solutions logiques toute faites et prêtes ! La France, l’Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde ! L’UE est prête à payer des milliards à la Turquie, à la Lybie, à la Tunisie juste pour que ces pays empêchent ces migrants d’arriver nos territoires.  Le dernier premier ministre britannique avait même proposé au Rwanda, en échange de quelques centaines de s millions de dollars, d’être un « pays de transit » pour les demandeurs d’Asile ! Imaginez le Rwanda : un pays minuscule, avec la plus forte densité d’Afrique, où les gens se marchent presque dessus ; et là, c’est à ce petit pays qui étouffe déjà qu’on demande et qui accepte d’accueillir encore des demandeurs d’asile, simplement pour que cette misère migratoire ne nous atteigne pas, pour ne pas la voir de nos yeux, car voir cette misère nous obligerait forcément à faire quelque chose.

Nous n’avons qu’à les renvoyer chez eux en Afrique, en Syrie, en Irak, au Liban…tant pis s’ils meurent dans cette guerre et ces conflits même si c’est aussi nous qui les avons provoqués chez eux directement ou indirectement ! Nous oublions que ce sont certaines de nos politiques qui parfois provoquent ce chaos dans ces pays !

« Faites-les asseoir et donne-leur vous-même à manger ! » Jésus nous responsabilise. Inutile de chercher à qui la faute ! Nous sommes là devant un drame, et au lieu de disserter des heures et des heures, Jésus demande de réagir avec notre cœur et de tenter des solutions de cœur ! Tout d’un coup, devant l’insistance de Jésus, voici que les disciples cherchent d’autres solutions ! Ils auraient quand pu y penser avant !  André a une tentative de solution : « André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Voilà comment devrait réagir un chrétien : essayer de trouver une solution, d’être généreux, même si nos solutions sont être limitées.

Devant la souffrance qui nous entoure, essayons chacun de faire notre part, de manière généreuse et responsable. Dieu fera sa part ensuite. En effet, pour 5 mille hommes et tant de femmes et d’enfants, 5 pains et deux poissons ne sont pas grand-chose, juste une misère ! C’est le pique-nique d’un enfant perdu au milieu de la foule.  Un adage dit que ce sont les petits ruisseaux qui dont des grands fleuves.  Nous aussi, faisons notre part, comme dans la « légende du colibri » : Un incendie se produit dans une forêt où il y a tous grands et petits animaux. Quelle tragédie qui provoque un sauve-qui-peut ! Mais le colibri, petit oiseau, s’en va à la mer et de bon bec, amène une goutte d’eau qu’il déverse sur le feu pour éteindre l’incendie, puis revient. Les gros animaux, lion, éléphants… se moquent de lui en lui faisant comprendre que le mieux est de se sauver, au lieu de vouloir éteindre un grand feu avec goutte d’eau alors que les canadairs n’y arrivent pas. Le colibri leur rétorqua : « moi je fais ma part et j’essaye de trouver une solution ! Peut-être que si vous aussi vous vous y mettez, vous qui êtes plus grands et plus forts que moi, nous pouvons arriver à éteindre ou au moins à ralentir l’incendie »

Cet enfant de l’évangile a accepté de mettre son pique-nique à la disposition de tous. Le miracle que l’on appelle souvent « la multiplication des pains » pourrait être appelé aussi le « miracle du partage et du coeur généreux ». Cet enfant n’a pas encore la tête et le cœur bourrés et pollués par tous les calculs politiques et macro-économiques ! Il a simplement accepté de partager parce qu’il a un cœur et c’est cela qui provoque un miracle. Aujourd’hui encore, Jésus se sert de notre générosité pour manifester sa puissance.

Je n’entrerai pas aujourd’hui dans les considérations théologiques de ce miracle avec sa symbolique eucharistique. Voyons simplement, dans le geste de cet enfant, une invitation au partage dans notre société et dans notre monde devenu de plus en plus individualiste et égoïste.  Au moment où nous parlons des vacances, de voyage, cet évangile est un appel à penser à ceux qui, autour de nous, n’ont pas les moyens de prendre des vacances ou de pouvoir voyager ! Nos mains, notre pain, nos pieds, notre bouche, notre cœur généreux…sont les outils au service du Seigneur pour nourrir, guérir et prendre soin de nos contemporains souffrants. Que cette eucharistie nous obtienne la grâce d’un cœur généreux, attentif, compatissant, comme le Christ, comme ce jeune garçon de l’évangile. Amen