Chers frères et sœurs quand nous sommes en temps de guerre, des soldats peuvent être faits prisonniers et interrogés, mais aussi des civils. Un civil appartenant à un groupe de résistance par exemple peut être fait prisonnier et interrogé. On le prive de liberté, parfois de nourriture ou de sommeil, de lumière ou au contraire on le prive d’obscurité etc…

Et on l’interroge fréquemment, pendant des jours, des semaines… Et puis s’il ne parle pas, celui qui l’interroge peut essayer une dernière technique. Il peut lui dire : Voilà mes supérieurs ont décidé qu’on devait te relâcher, nous n’avons rien contre toi. Alors on lui rend ses chaussures, sa montre, son portefeuille, sa veste, on lui donne un café et une brioche et on lui dit qu’on va le ramener où on l’avait arrêté.

Et son interrogateur autour du café et de la brioche lui dit sur un ton amical : Allez, entre nous, tu peux me le dire à moi que c’est toi et ton groupe qui avez fait telle chose, tel sabotage… Et parfois le prisonnier avoue, il reconnait que c’était bien lui – c’est arrivé. Il était hors de l’humanité, hors de la vie depuis un mois, désorienté, et tout d’un coup il lui semble de retrouver l’humanité et l’amitié et il cède à la tentation de la main tendue…

C’est un peu ce qui arrive à Jésus, c’est en tout cas ce que le tentateur essaye avec lui. Jésus a tenu quarante jours sans rompre son jeûne, il a été tenté de le rompre pendant ces quarante jours – et là c’est fini les quarante jours sont passés, c’est accompli. Alors le tentateur se présente comme un ami et lui dit : Allez c’est bon maintenant tu peux dire que cette pierre devienne du pain, tu es bien le fils de Dieu, tu l’as démontré, maintenant tu peux manger…

Mais le Seigneur ne veut pas seulement accomplir un prodige en jeûnant quarante jours, il veut nous libérer entièrement, il veut que le diable épuise toutes ses tentations. Le vainqueur de la lutte ce n’est que lui et ce ne peut être que lui – et lui il fait entrer cette victoire dans notre humanité.

Nous devons faire attention quand nous disons qu’il nous enseigne à lutter contre le diable – en réalité lui seul peut lutter contre le diable et remporter la victoire, nous nous le pouvons pas, mais nous bénéficions de sa victoire. Notre Seigneur Jésus Christ est vrai Dieu et vrai homme, et quand il est tenté dans le désert il est tenté essentiellement dans son humanité et au bénéfice de notre humanité. Il vient de recevoir le baptême parmi nous et il est rempli de l’Esprit Saint, et l’Esprit Saint le conduit et le mène dans le désert ; cela signifie qu’il est solidaire de notre humanité et qu’il remplit notre humanité de son Esprit pour que sa victoire soit notre victoire.

Au cœur de notre humanité dorénavant se trouve sa victoire sur le mal. C’est-à-dire que même si nous chutons, même si nous sommes écrasés, même si nous sommes vaincus en apparence par la puissance du mal, du moment que nous désirons toujours être avec le Seigneur, sa victoire, sa grâce sont toujours présentes dans notre cœur et nous sommes toujours vainqueurs en vertu de sa victoire – nous ne sommes pas terrassés par le mal.

Le combat contre le mal est pour nous le moment de nous rapprocher de Jésus et de Marie – Marie qui est notre plus grand soutien et Jésus qui seul nous donne la victoire. Si nous pensons que nous pouvons vaincre le mal, il y a toujours un moment où nous serons terrassés – c’est tout à fait normal – et dans ce moment nous devons conserver le désir d’être avec le Seigneur et lui quand il le veut il manifeste sa victoire dans notre vie.

Dans cet Évangile, le Seigneur nous rend notre dignité et notre liberté pour vivre dans ce monde et il nous montre comment nous sommes appelés à y vivre…

Avant tout le Seigneur dit : L’homme ne vivra pas seulement de pain. C’est-à-dire que les créatures quelles qu’elles soient ne sont pas toutes autour de nous comme des biens de consommation. Quelle importance a une pierre, qu’est-ce que cela peut faire si elle devient du pain ou même si elle disparait ? Le Seigneur ne la traite pas comme un bien de consommation alors nous sommes appelés à ne pas traiter toutes les créatures comme des biens de consommation. Si cela vaut pour une pierre, alors à plus forte raison cela vaut pour toutes les créatures. L’homme cultive et garde la Création, il ne l’exploite pas, mais si au contraire l’homme traite ainsi la création alors lui-même s’avilit, il perd sa dignité.

Dans la deuxième tentation le tentateur dit que tout le pouvoir et la gloire des royaumes de la terre ont été remis entre ses mains. Il laisse entendre que ce pouvoir lui a été remis par Dieu – le tentateur ment toujours d’une manière ou d’une autre. Nous ne devons pas entendre par ses paroles que c’est Dieu qui les a remis entre ses mains – ce serait monstrueux, cela nous ferait sombrer dans le pessimisme – mais que c’est l’homme qui les a remis entre ses mains.

Donc la tentation pour le Seigneur et pour notre humanité c’est de penser : Voilà les hommes ne sont pas capables de faire autrement, ils remettront toujours le pouvoir entre les mains du diable et eux-mêmes ne sont capables d’exercer le pouvoir qu’en adorant le diable. C’est la tentation du découragement social et politique.

Mais au contraire Jésus pense que l’être humain relevé et soutenu par la grâce saura décider de remettre le pouvoir et la gloire des royaumes entre les mains des fils et des filles de Dieu et qu’il sera capable de l’exercer en tant que fils et fille et Dieu, progressivement, même avec des difficultés, jusqu’à la venue définitive du Fils de l’homme à la fin des temps. Donc il répond que lui n’adorera pas le tentateur mais seulement Dieu et il nous donne cette force de nous tourner vers Dieu nous aussi.

Et puis la dernière tentation nous révèle que si nous voulons confier une responsabilité, un pouvoir, un royaume à un fils ou à une fille de Dieu, pour pouvoir identifier ce fils ou cette fille de Dieu il ne faut pas rechercher une personne qui accomplit des prodiges. Les fils et les filles de Dieu ne cherchent pas à accomplir des prodiges parce qu’ils refusent de tenter Dieu, de mettre Dieu à l’épreuve – ils ne traitent pas Dieu comme un instrument pour accroitre leur pouvoir…

Les victoires de Jésus sur le tentateur illuminent notre humanité de l’intérieur, elles nous donnent d’avoir du discernement dans notre vie de tous les jours, personnelle, sociale, politique.

Nous sommes appelés à avoir un rapport avec la Création qui n’est pas de consommation mais de soin et de protection, à avoir un rapport avec notre vie en communauté où nous cherchons à confier les responsabilités à des personnes qui ne cherchent pas à dominer, et qui ne se mettent pas en avant notamment en prétendant accomplir des prodiges – alors le Royaume de Dieu peut commencer à croitre en ce monde.

Le Seigneur en étant vainqueur des tentations au cœur de notre humanité nous rend pleinement capables d’assumer notre mission dans ce monde, qui est de commencer à réaliser son Royaume dans le temps, dans l’attente de son retour dans la gloire.