Homélie du père Justin, Vème dimanche du TO et Dimanche de la santé, Lc 5,1-11 (Année C)
Chers frères et sœurs, l’Évangile nous dit que la foule pressait Jésus pour écouter la Parole de Dieu. Et nous pourrions être tentés d’y voir une bonne chose… Cependant l’expression est très négative, l’Évangile nous dit que Jésus était pressé, presque recouvert par la foule.
Nous devons nous rappeler que l’Évangile de Luc était adressé particulièrement à des Grecs et pour les Grecs aller vers Dieu c’est se détacher de ce monde, c’est échapper à toutes les souffrances de ce monde, au point de devenir indifférent à toutes les affaires humaines.
La foule veut fuir ce monde et dans son comportement nous entrevoyons à quel point elle se trouve dans le désespoir, elle cherche à fuir une souffrance qui est trop grande. Peut-être une partie de cette foule est-elle constituée de personnes qui sont rejetées, de la synagogue par exemple, ou qui sont dans les marges pour le moins.
Nous trouvons dans l’Évangile de Luc l’épisode d’une femme qui est pliée en deux dans la synagogue et mise à part, et Jésus va vers elle, il impose les mains sur elle et elle se redresse. Imposer les mains c’est avant tout un signe d’appartenance – tu appartiens à l’humanité, au salut, au peuple de Dieu, à l’Alliance. Et cette femme se redresse et loue le Seigneur – c’est cela le geste de Jésus : c’est de nous relever…
La foule le recouvre quasiment et Jésus aperçoit des barques. Ce sont des barques qui servent pour la pêche, donc qui ont l’odeur de la mer, du sel, du poisson, du travail, de la sueur sans doute. Pour le coup nous avons affaire à des réalités humaines.
Et le Seigneur décide de continuer à enseigner en était assis dans une de ces barques. Et non seulement cela mais il s’arrête dans son enseignement et demande à Pierre d’aller jeter les filets dans les profondeurs. Et là les filets se trouvent remplis de poissons au point qu’il faut les deux barques pour les ramener…
La parole de Dieu est entrée dans le monde, dans notre vie humaine. L’Évangile nous parle de l’Espérance – c’est particulièrement important pour nous de le méditer en cette année du Jubilé de l’Espérance et plus encore en cette journée du Dimanche de la santé.
L’Espérance ne déçoit pas, c’est la citation de saint Paul qui accompagne ce Jubilé. L’Espérance chrétienne ne déçoit pas, mais en quoi consiste-t-elle ?
Avant tout elle ne consiste pas dans une fuite du monde nous dit l’Évangile. L’Espérance chrétienne ce n’est pas une fuite hors de ce monde – parfois le fait de croire dans l’au-delà est une fuite.
Mais l’Espérance chrétienne ce n’est pas non plus la perspective de réussir toutes nos entreprises – si bonnes soient-elles. Pierre dit à Jésus Éloigne-toi de moi Seigneur car je suis un homme qui commet des péchés. Pierre est en train de dire à Jésus : Tu me donnes la réussite mais moi je ne mérite pas cette réussite que tu me donnes – alors comment l’aurai-je toujours ? Et le Seigneur lui répond que ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Il ne lui promet pas de faire réussir tout ce qu’il entreprendra. Il lui dit qu’il sera désormais un pêcheur d’hommes. Littéralement le Seigneur dit Tu les pêcheras vivant, c’est-à-dire tu seras quelqu’un qui ranime les personnes, les reporte de la mort à la vie, qui les rend à la vie.
Le Seigneur dit à Pierre – et à travers lui à tous ses associés, à tous les autres disciples – que l’Espérance que nous avons c’est qu’à travers toutes nos œuvres, qu’elles soient des réussites ou non, nous travaillons toujours à vivre ensemble – comme les pêcheurs ont collaboré ensemble pour ramener les poissons.
Par exemple nous rencontrons l’adversité, eh bien dans cette occasion nous avons la certitude de pouvoir travailler à l’avènement du Royaume de Dieu, puisque nous pouvons répondre à l’adversité avec la bienveillance, avec le pardon, avec la patience, avec la persévérance, avec la charité envers les adversaires de nos œuvres.
Et puis cela nous donne de purifier nos intentions, de purifier nos désirs – non pas y renoncer mais les rendre meilleurs, plus purs – alors nous travaillons à l’avènement du Royaume de Dieu.
Et nous pouvons le faire avec certitude parce que le Seigneur est parmi nous, sa Parole agit en nous et au milieu de nous.
Que nous connaissions des échecs ou des réussites, de toute façon à la fin des temps le Royaume de Dieu adviendra et sera parfait, et entre-temps nous pouvons toujours faire déjà advenir ce Royaume en mettant la priorité sur la purification et l’élévation de toutes nos relations les uns avec les autres.
Aujourd’hui chers frères et sœurs plusieurs d’entre nous vont recevoir l’onction des malades. Nous serons tous associés dans ce geste. Nous y serons associés dans la prière et nous y serons aussi associés par notre expérience commune car nous sommes tous confrontés à la maladie et à ce qui l’accompagne : le désespoir et l’angoisse.
Ce désespoir et cette angoisse nous les avons rencontrés dans l’Évangile de ce jour, le désespoir de la foule qui presse Jésus et l’angoisse chez Pierre et ses associés, la peur de l’échec, la peur d’être jugés.
C’est de ce désespoir et de cette angoisse que le Seigneur nous libère, il fait de nous des personnes libres, il nous relève et nous fait asseoir dès à présent dans son Royaume.