Mes chers frères et sœurs !

Notre cher pape François qui vient de nous quitter, un lundi de l’Octave pascale, après avoir salué et béni la ville de Rome et le monde le dimanche de Pâques. Quelle chance de mourir au lendemain de Pâques ! « Je pars vous préparer une place, et là où je suis, vous serez vous aussi », disait Jésus à ses apôtres. Le Ressuscité l’a précédé pour lui ouvrir les portes de la vie éternelle. Alors, ne soyons pas tristes, mais rendons grâce pour son pontificat et son humanité. Le pape François est certainement parmi les personnes qui ont été le plus touchées du monde. Pensons à ces millions des fidèles sur les places, à Rome et ailleurs lors des grands rassemblements, les visites pastorales dans différents coins de la terre, même dans les régions les plus reculées qu’aucun pape avant lui n’avait visité, les rencontres avec les malades, les pauvres, les personnes handicapées, les prisonniers, les réfugiés et migrants, les enfants, les jeunes… A la fin de chaque audience, en particulier au Palais Apostolique, il saluait des centaines des participants en serrant la main de chacun. Tant de câlins et d’accolades il donnés ! Tant de caresses ! Tant de mains affectueusement serrées. Il n’a jamais repoussé quelqu’un qui voulait le saluer, ce qui déstabilisait les services de sécurité et de protocole. Le pape François aimait et cherchait toujours même le contact, en bon méditerranéen et latino. Il s’abaissait pour toucher les gens, les embrasser, caresser et bénir.

Pourquoi se comportait-il comme cela ? Parce qu’il savait que toucher est l’un des langages privilégiés de l’amour. Toucher quelqu’un veut dire le reconnaître, l’accueillir, chercher à le consoler. Les mains parlent quand les paroles ne suffisent pas. Elles parlent même plus que les paroles. Les mamans le savent bien, elles qui calment leurs bébés avec des caresses et des câlins. Les médecins peuvent en témoigner aussi, lorsqu’ils touchent les corps de malades. Les prêtres peuvent en témoigner aussi lorsqu’ils célèbrent les sacrements et font les onctions sur les corps avec les saintes huiles (saint-chrême, onction des malades et huile des catéchumènes). Les amoureux et les amis peuvent aussi en témoigner, quand ils se prennent par la main. Les éducateurs, les entraineurs peuvent en dire autant, quand ils posent la main sur l’épaule de leurs élèves ou les sportifs entrainés pour leur donner courage et confiance lors d’une compétition.

Le pape François parlait souvent des trois langages fondamentaux de l’éducation et de la foi : l’esprit, le cœur et les mains. Il ne suffit pas de penser et de se sentir. Il faut aussi agir et toucher. Une éducation qui reste confinée dans les idées, la théorie et les émotions est incomplète. C’est pour cela qu’il y a des stages, pour mettre ma main à la patte et apprendre le métier. Nous avons besoin des gestes concrets du terrain pour parfaire une formation. La vie a besoin des mains qui construisent, qui servent, qui prennent soin et caressent. Il s’agit d’éduquer en touchant. On devrait même évangéliser en touchant. Tel est le style Christ, de l’Evangile, et celui du pape François.

L’apôtre Thomas, que nous contemplons dans l’évangile de ce dimanche de la Divine Miséricorde, ne se contente pas de savoir et d’avoir entendu des autres que Jésus est ressuscité. Et il ne lui suffit même pas de le voir. Il veut le toucher : « Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Comme la femme hémorroïsse qui perdait beaucoup de sang depuis douze ans et pour qui il ne suffisait pas de voir Jésus qui passait et écouter ses paroles, mais qui voulait le toucher pour guérir. « Cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.  Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. » Mc 5, 27-29). Comme Marie-Madeleine : il ne lui suffisait pas de voir le ressuscité. Elle voulait le retenir. L’apôtre Thomas veut toucher les blessures. Jésus se laisse toucher et offre ses mains et son côté ouvert d’où ont jailli l’eau et le sang, symbole des sacrements. Il ne se soustrait pas au contact parce qu’il sait que la foi n’est pas abstraite et qu’elle est corporéité ! Nous témoignons et célébrons notre foi à travers les paroles et aussi les gestes de notre corps : position debout, assise, à genoux, la danse, battre les mains, se frapper la poitrine. La foi est présence et relation.

Au cours de son ministère public, Jésus a touché tellement des gens pour les guérir, les bénir et communiquer avec eux. Après sa résurrection, il a continué à se laisser toucher. Aux apôtres étonnés et saisis de crainte, Jésus les invite à toucher son corps. « Comme ils en parlaient encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit.  Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds » (Lc 24,36-40

Le toucher, les mains ont un pouvoir extraordinaire, dans le domaine de la foi, la médecine, les relations humaines. Combien de fois un geste affectueux nous a réconforté d’une douleur physique ou morale, nous a apaisé, a parlé à notre cœur mieux que des discours. La foi fonctionne de la même manière. Il ne s’agit pas d’une idée à comprendre mais surtout d’une réalité vivante à toucher et dont il faut faire expérience. Il nous faut laisser toucher par Dieu et par les autres. Osons aussi toucher les autres, mais comme Jésus pourrait le faire : avec respect et amour, jamais pour instrumentaliser et abuser comme cela peut malheureusement se passer. Le quotidien nous en donne des milliers de malheureux témoignages.

Nous voici le premier dimanche sans le pape François qui nous manque déjà. Ses caresses, ses gestes affectueux, ses mains, ses câlins et accolades, l’expression joyeuses de son visage souriant, tout cela manque à l’Eglise. Les mains du pape François ont touché le corps souffrant de notre monde, comme l’apôtre Thomas a touché les mains et le côté du Christ crucifié mais ressuscité, mais dont les marques de la souffrance étaient encore visibles. Notre monde, ayant touché été touché par le pape François, s’est senti vraiment aimé de lui.

Le pape François a été touché par des millions des mains, et à son tour, il touché le cœur du monde. Il a serré les mains, caressé des visages marqués et défigurés comme celui du Christ en croix. Il a embrassé et pris la défense de la personne blessées par la vie. Il a lavé et embrassé des pieds et offert la paix, comme quand il l’a fait au Sud Soudan en se mettant à genou pour embrasser les belligérants, dont une femme, en les suppliant de cesser la guerre et de faire la paix. Le pape François nous a éduqué par le toucher. Il a cru et évangélisé le monde et l’Eglise les touchant.

Maintenant qu’il nous a précédé au ciel, prions pour qu’il reçoive la caresse éternelle de Jésus ressuscité. Dès son élection jusqu’au dimanche de Pâques, le pape François a toujours demandé aux fidèles de prier pour lui.  A lui de prier pour nous aussi et pour l’Eglise afin qu’elle reste unie et cherche à toujours toucher le Christ et à se laisser toucher par lui à travers la grâce des sacrements. Que l’apôtre saint Thomas nous obtienne la grâce d’une foi qui grandisse en touchant le Christ et en se laissant toucher par lui. Qu’il touche ces 15 jeunes baptisés en ce dimanche de la Divine miséricorde au sein de notre ensemble paroissial. Amen.