Mes chers frères et sœurs !
Dans la première lecture, saint Paul s’adresse aux fidèles de Corinthe en ces termes : « J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. ». C’est ce qu’on appelle la Tradition dans l’Eglise. Ce concept de « tradition » a parfois une connotation négative, surtout actuellement, au temps du walkisme et de la « cancel culture », où l’on veut effacer l’histoire et les traditions passées. Au niveau ecclésial, c’est à cause de certaines dérives et polémiques, en particulier dans notre pays. C’est le poids de l’histoire et son héritage. Ca dépend du camp où l’on est, mais être traité de « tradi » n’est pas toujours un compliment en France. C’est même une injure dans certains milieux, mais un très grand compliment d’autres. Tout dépend de sa sensibilité liturgique ou pastorale.
Nous avons pourtant besoin de nos traditions, de ces choses qui se transmettent de génération en génération au sein d’une famille, d’une société et d’une nation. Elles constituent l’âme d’une famille, d’une nation, d’une société. Une famille qui a complétement perdu ses traditions, a perdu en quelque sorte son âme et ses racines, et se condamne petit à petit à disparaitre. Le Kérygme, le Symbole des Apôtres, par exemple, sont une tradition que nous n’inventons pas et que nous ne pouvons changer. Ils nous ont été donnés depuis plus de 2000 ans et constituent le trésor de foi qui fait l’Eglise. Modifier le credo signifie pratiquement modifier ce qui fait l’âme de l’Eglise depuis sa naissance. Certaines revendications de changements et de modernité m’inquiètent parfois parce qu’elles risquent de changer ce qui est l’âme même de l’Eglise. Evidemment que l’Eglise doit évoluer avec son temps, se moderniser, se réformer, et elle ne cesse de le faire depuis sa naissance, et c’est même une nécessité que l’Eglise s’adapte aux époques et à la culture… mais elle doit absolument garder la Tradition qui fait son essence et sa substance.
La Tradition est le contenu de notre foi transmis fidèlement. Il s’agit du trésor de foi que nous avons reçu et que nous sommes chargés de transmettre. L’eucharistie fait partie de ces trésors reçus et transmis fidèlement, comme le rappelle saint Paul aux Corinthiens dans la première lecture. Il est évident que les messes célébrées aux premiers siècles dans les maisons ou les catacombes étaient différentes sous beaucoup d’aspects, de celles célébrées dans la basilique saint Pierre. Les messes en Afrique, dans la diversité de ses cultures ne sont pas les mêmes que celles célébrées ici, celles du Pays basque sont différentes de celles de Tournefeuille ou du Comminges, celle du MEET ou au Phare est différente de celle dans une petite église baroque dans un village perdu.
Dans toutes ces messes pourtant, quelles que soient la culture et l’époque, il y a une structure commune avec les différentes parties : accueil, liturgie de la parole, liturgie eucharistique et envoi. Elles ont aussi la même matière : le pain de blé (non pas le pain sans gluten) non fermenté, du vin de raisin (pas de whisky ni du jus de pomme ou autre boisson…), avec les mêmes gestes et les mêmes paroles de la consécration que même le pape Léon XIV ne peut pas inventer ni modifier, sans courir le risque d’altérer ou de rendre la messe invalide. La structure, la matière, les paroles et les gestes viennent de Jésus lui-même lors de la Dernière Cène. Quand le prêtre et l’assemblée respectent cette Tradition, dans sa matière et sa forme, le pain et le vin deviennent réellement, sacramentalement mais mystérieusement le corps et le sang du Christ. Nous l’appelons alors le Saint Sacrement ou la présence réelle de Jésus dans l’eucharistie. C’est le concept théologique de la transsubstantiation.
Ce n’est pas nous, notre foi ou absence de foi qui faisons que le pain et le vin consacrés deviennent corps et sang du Christ. Ils les sont réellement, indépendamment de nous. L’enseignement de l’Eglise rappelle que recevoir l’eucharistie sans y croire est sacrilège alors que celui qui communie avec foi et dévotion reçoit le gage de la vie éternelle. Jésus dit à ce propos, « ma chair est la vraie nourriture, mon sang la vraie boisson et celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui et je le ressusciterai au dernier jour ».
L’évangile donné pour la fête du Saint sacrement est la multiplication des pains et des poissions. Ce récit laisse entrevoir en filigrane la célébration eucharistique probablement telle que célébrée au sein de la communauté à laquelle appartenait saint Luc. Rappelons que le plus grand des miracles n’est pas tant d’avoir donné à manger à tout ce monde, mais plutôt celui qui s’accomplit aujourd’hui, pour nous, à travers cette présence réelle de Jésus qui se donne à nous en nourriture dans le pain et le vin consacrés. Il comble la faim et soif profondes de nos âmes, nous appelant à devenir à notre tour, pain rompu et donné pour les autres.
La fête du très Saint Sacrement nous appelle à prendre conscience du miracle extraordinaire qui a lieu au cours de chaque messe, même quand elle nous semble bâclée dans les détails… Dans chaque messe, Jésus prend le risque de se donner en se faisant corps livré et sang versé. Au-delà du prêtre et de l’assemblée, le Christ est là, par amour pour nous. D’où l’importante de bien préparer et célébrer les messes qui sont le moyen par lequel Jésus se donne comme la vraie nourriture et la vraie boisson pour la vie éternelle.
Jésus, présent dans l’eucharistie, nous t’adorons, nous te bénissons et te rendons grâce pour ton immense Amour. Donne-nous d’être affamés et assoiffés de ton corps et de ton sang. Amen.