Mes chers frères et sœurs
Je me suis souvent demandé pourquoi Jésus, parmi tous les apôtres, a pu choisir Pierre comme chef au lieu de quelqu’un d’autre ? L’évangile ne donne pas clairement les raisons qui ont conduit à ce choix. Si on prend le critère d’âge, contrairement à ce qui se dit parfois, Simon Pierre n’était certainement pas le disciple le plus âgé. C’est probablement Jacques le Majeur, l’un des fils de Zébédée et frère de Jean, qui était le doyen en âge du groupe des Douze. Simon Pierre n’était même pas le premier disciple appelé à suivre Jésus. C’est André le premier qui fut appelé. D’ailleurs on appelle aussi le «Protoélu », le Premier appelé. Simon Pierre n’était pas non plus instruit, le plus intelligent : cette qualité semble appartenir plutôt à Jacques, comme cela peut se voir à travers qualité de ce qu’il a écrit. Simon Pierre n’était pas le plus riche, mais un simple pêcheur. Le plus riche pouvait être Matthieu, le collecteur d’impôt qui se servait au passage sur le trésor public. Simon Pierre n’était pas non plus le plus fidèle des apôtres : nous savons qu’il a bien renié Jésus trois fois au cours de son procès : « Non, je ne connais pas cet homme ! ».
Simon Pierre n’était pas non plus le disciple préféré de Jésus : le quatrième évangile nous dit clairement que c’est Jean qui était le disciple préféré de Jésus. Simon Pierre n’était pas non plus le plus doux, ni le plus docile et moins encore le plus prudent des apôtres. Il était impulsif et parfois effronté ! Nous savons pourtant que pour guider et manager l’Eglise ou une communauté, il faut un peu d’équilibre, de diplomatie et discernement… Après ce portrait pas du tout brillant, nous pouvons dire qu’humainement et au niveau du management, Jésus semble s’être trompé en choisissant Simon Pierre au lieu de quelqu’un d’autre.
Lorsque dans une boite, une entreprise, une grande école, ou même en politique, on veut choisir quelqu’un pour une charge importante, on fait faire un casting, on fait passer des concours pour choisir les meilleurs, ceux qui possèdent les qualités requises. Nous savons comment passer un casting ou un concours est stressant et angoissant. Un ami me disait lundi midi son inquiétude actuelle pour sa fille qui vient de passer un concours pour être haut fonctionnaire ! Elle l’avait loupé l’an dernier alors qu’il y avait 40 places, et cette année, il y avait que 10 places à pourvoir. D’où, le stress, même du papa. Ne parlons pas celui de sa fille.
Jésus aussi, dans un certain sens, a fait un casting pour choisir ses apôtres. Mais ses critères sont radicalement différents de ceux d’une entreprise, de la fonction publique ou une grande école. Jésus ne choisit pas les meilleurs, mais ceux qui sont disposés à se mettre en jeu. Il ne choisit pas ceux qui sont déjà parfaits, mais ceux qui peuvent se laisser transformer, pas ceux qui sont capables, mais c’est lui qui rend capables ceux qu’il choisit. Il ne cherche pas un CV impeccable qui impressionne la RH ou le jury, mais il cherche des cœurs enflammés de passion, désireux de cheminer avec lui. C’est pour cela que le casting de Jésus est ouvert à tous. Tout le monde est candidat et personne n’est exclu du casting.
Il y a seulement deux questions que Jésus pose aux candidats, comme on peut le voir dans sa relation avec Simon Pierre. La première est celle posée dans l’évangile de ce dimanche : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » C’est la profession de foi. La deuxième a été répétée trois fois à Simon Pierre lors de l’apparition de Jésus ressuscité au bord du lac de Tibériade : « M’aimes-tu ? ». C’est la profession d’amour.
Je me suis permis personnellement une hypothèse : Jésus a choisi Simon Pierre exactement parce que ce dernier l’avait renié. Simon Pierre a été choisi parce qu’il a fait l’expérience profonde et transfigurante du pardon qui lui a été accordé par Jésus. Après avoir touché le fond de la tristesse, de la lâcheté, de la honte et de la culpabilité, Simon Pierre s’est repenti et a pleuré amèrement. Dans ses larmes et à travers elles, Jésus a touché le cœur de Simon Pierre, l’a soulevé, guéri et pardonné.
Jésus avait expliqué à une autre occasion, en parlant de la femme pécheresse : « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas versé de l’eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas embrassé ; elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé d’embrasser mes pieds. Tu n’as pas fait d’onction sur ma tête ; elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » (Lc 7, 44-47). Dans sa première lettre, saint Pierre apôtre dit : « Avant tout, ayez entre vous une charité intense, car la charité couvre une multitude de péchés » 1P4, 8)
Jésus a choisi Pierre exactement parce qu’après être tombé, ce dernier a beaucoup aimé. Et en effet, il donnera la vie pour le Christ. Celui qui est tombé plus bas, mais qui a été relevé et remis débout par l’Amour, sait la profondeur du Cœur de Dieu. Seul celui qui se sait fragile et faible, mais aimé de Dieu est capable d’aimer et guider les autres. L’amour pour Jésus naît du fait de reconnaître la grande distance qu’il y a entre notre propre péché et l’infinie dimension de la miséricorde de Dieu. Plus le péché pardonné est grand, plus démesuré est l’amour qui peut en naître. Je pense au pardon vécu en vérité au sein d’une famille, entre conjoints, au sein d’une communauté : lorsqu’après une grande blessure, le pardon est demandé, donné et vécu en vérité, l’amour et les liens sont plus forts qu’auparavant. Nous avons beaucoup de témoignages dans ce sens.
Trois fois, Simon Pierre a renié le Seigneur, mais il l’a regretté, a pleuré amèrement et a aimé profondément ensuite. Non, il ne suffit pas d’avoir beaucoup péché : il faut ensuite beaucoup aimer, convertissant notre péché et notre chute en amour, transformant les plaies en faisceaux qui font entrer et irradier la lumière du Seigneur.
Saint Paul, l’apôtre des nations, célébré aussi aujourd’hui, a vécu le même passage : du persécuteur acharné des chrétiens, il est devenu un apôtre passionné du Christ. Après avoir été pardonné de toute la persécution faite à l’Eglise, il a tellement aimé le Christ au point de tout donner pour la croissance et l’annonce de l’Evangile aux païens, jusqu’au don de sa vie. Il nous rappelle que là où le péché est abondant, la miséricorde surabonde.
Rendons grâce à Dieu qui nous donne de fêter dans une unique célébration saint Pierre et saint Paul, les deux colonnes de l’Eglise. L’un et l’autre, avec leurs différences et chacun selon sa sensibilité et son caractère, ont rendu un grand témoignage au Christ. Telle est la fantaisie du saint Esprit qui est capable de faire travailler des personnalités aussi différentes autour du même projet de Dieu. Saint Pierre et saint Paul sont tellement différents, ils ont eu des discussions parfois tendues, de profonds désaccords, mais l’un et l’autre ont donné leur vie pour le Christ et l’Eglise. Saint Pierre symbolise l’intégrité de la Foi, l’autorité et l’unité de l’Eglise. Saint Paul symbolise le charisme et le zèle missionnaire indispensable pour annoncer le Christ à toutes les nations pour la croissance de l’Eglise.
Et toi, mon frère, ma sœur, es-tu préparé pour le casting de Jésus ? Questionnés sur la foi et l’amour, saints Pierre et Paul ont répondu par le témoignage de leur vie. Aujourd’hui, dans son casting, Jésus de pose les mêmes questions : « Pour toi qui suis-je ? », « M’aimes-tu ? ». Quelle est ta réponse ? Que le saint Esprit nous aide à répondre à ces deux questions qui vont nous accompagner pendant cette période estivale. Amen.