« Va, et toi aussi fais de même ! »
Frères et sœurs bien-aimés,
Aujourd’hui, l’Évangile nous rejoint comme une flèche en plein cœur. Une parole à la fois simple et dérangeante, directe et décapante. Il suffit de deux personnages pour bouleverser notre vision de l’amour du prochain : le docteur de la Loi et le Bon Samaritain. Et à travers leur dialogue, Jésus nous pousse à une conversion du regard, du cœur… et surtout de nos habitudes.
« Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » ‒ elle jaillit des lèvres d’un spécialiste de la Loi, mais elle habite le cœur de chaque être humain. Aujourd’hui, Jésus y répond par la parabole la plus célèbre… et la plus dérangeante : celle du Bon Samaritain.
- Une question honnête… ou pas ?
Tout commence par une question : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » Elle semble belle, sincère. Mais saint Luc nous précise l’intention : « Il voulait mettre Jésus à l’épreuve. » Ce n’est pas la soif de Dieu qui pousse cet homme, mais le désir de tester, de provoquer.
Et pourtant, Jésus ne le rejette pas. Il l’invite à réfléchir par lui-même : « Dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? » L’homme répond bien : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… et ton prochain comme toi-même. » Parfait. Mais il ne s’arrête pas là. Il veut « se justifier » et demande : « Et qui est mon prochain ? »Voilà la vraie question.
- Trois hommes, une route, un blessé…
Et Jésus raconte une parabole. Un homme est laissé à moitié mort sur le bord de la route. Un prêtre passe. Il voit… et passe. Un lévite passe. Il voit… et passe. Et puis arrive un Samaritain. Un étranger. Un hérétique pour les Juifs. L’ennemi naturel. Et c’est lui qui va s’arrêter.
Il voit, est saisi de compassion, s’approche, panse les blessures, prend du temps, prend des risques, paie de sa poche. ….Quel contraste !
Ce que Jésus dénonce, ce n’est pas le mal qu’ont fait les premiers… mais le bien qu’ils n’ont pas fait. Ce qu’on appelle le péché d’omission. Ils avaient sans doute de bonnes raisons : peur de se souiller, de rater la prière à Jérusalem, d’être eux-mêmes attaqués… Mais au fond, ils ont laissé la Loi devenir une excuse pour éviter l’amour.
III. Le prochain, c’est celui que je choisis d’aimer
La question du docteur était : « Qui est mon prochain ? » — comme s’il s’agissait de définir des catégories : les miens, ceux que je dois aider, et les autres… que je peux ignorer. Mais Jésus inverse la question : « Lequel s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? »
Autrement dit, le prochain, ce n’est pas l’autre. C’est moi quand je me fais proche.
Ce n’est pas une catégorie. C’est une attitude, un choix de cœur. Le chrétien ne se demande pas : “Est-ce que celui-là est digne d’être aimé ?” mais “Comment puis-je lui manifester l’amour de Dieu ?”
Comme le disait saint Jean Chrysostome : « Tu veux honorer le corps du Christ ? Ne le méprise pas quand il est nu. Ne l’honore pas dans l’église avec des tissus de soie pendant que tu le laisses dehors grelotter de froid et de misère. »
- Un amour concret, incarné, coûteux
Jésus ne nous demande pas une vague bienveillance sentimentale. Il nous appelle à aimer en actes, avec les mains, avec notre temps, notre énergie, nos ressources.
La première lecture (Dt 30) le dit merveilleusement : « Cette Parole est toute proche de toi… dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. »
Elle est là, à portée de main, prête à se traduire en gestes. Dieu n’est pas inaccessible. Il est proche. Et il nous appelle à être proches les uns des autres.
Saint Paul, dans la deuxième lecture, nous parle du Christ comme « l’image du Dieu invisible », « par qui tout a été créé », et « par qui tout est réconcilié ». Le Samaritain, c’est une figure du Christ. Il s’abaisse, se penche, relève, guérit, paie de sa vie pour que l’autre revive.
- Témoignage : Un rabbin « bon samaritain »
Permettez-moi un témoignage. On raconte de certains juifs, curieux de voir disparaître leur rabbin la vigile du samedi. Ils soupçonnèrent qu’il gardait un secret, peut-être avec Dieu, et confièrent à l’un deux la tâche de le suivre… Et ainsi il le fit, plein d’émotion, jusqu’à un recoin misérable de la ville, où il vit le rabbin balayer la maison d’une femme: elle était paralytique, et il la servait et lui préparait un repas spécial pour la vigile. Lorsque l’espion revint, on lui demanda: «Où a-t-il été? au ciel, entre les nuages ou les étoiles?». Et ce dernier lui répondit: «Non, il est monté beaucoup plus haut»
Ce rabbin, c’est peut-être vous. Ou moi. Ou chacun de nous, quand nous laissons le Christ aimer à travers nous.
Témoignage : « Ce jour-là, j’ai vu le Christ en jean et baskets »
C’est arrivé en plein centre-ville de Lyon, un jour de semaine très ordinaire. Vers 18h, en heure de sortie de bureau, les rues étaient pleines de monde.
Une femme d’une soixantaine d’années s’effondre sur le trottoir. Malaise. Elle tombe lourdement, sa tête cogne le bitume. Les gens passent, jettent un regard, lèvent les yeux, ralentissent… mais personne ne s’arrête vraiment. Peut-être ont-ils peur, ou simplement… ils sont pressés.
Mais voilà qu’un jeune homme — casquette à l’envers, jean troué, tee-shirt noir — surgit. Il lâche son vélo, se penche, lui parle doucement : « Madame, vous m’entendez ? » Il appelle les secours, reste à genoux à côté d’elle, glisse sa veste sous sa tête. Il reste là, comme un veilleur, pendant de longues minutes, alors que les autres contournent la scène.
Les pompiers arrivent. Ils repartent avec la dame. Et lui ? Il reprend son vélo, sans dire un mot, sans chercher à se faire remarquer.
Une femme âgée, qui observait toute la scène depuis le trottoir d’en face, s’est approchée et a murmuré à voix basse : « Ce garçon… il ne sait peut-être pas prier. Mais aujourd’hui, il a été les mains de Dieu. »
Ce que ce témoignage dit…Frères et sœurs, le Bon Samaritain ne porte pas toujours une croix autour du cou. Il ne connaît peut-être pas tous les versets de la Bible, mais il connaît l’instinct du cœur qui se penche.Le Christ passe encore aujourd’hui dans la rue, dans nos villes, dans nos gestes de compassion. Il prend des visages inattendus. Et si nous, chrétiens, ne sommes pas les premiers à nous arrêter, qui le fera ?
L’eucharistie : l’auberge où Dieu soigne nos blessures
- Sur l’autel, le Christ se fait Samaritain : il verse sur nos blessures le vin de sa Parole et l’huile de son Esprit.
- Il paie d’avance notre dette : « Prenez, ceci est mon Corps livré pour vous. »
- Il nous confie ensuite les uns aux autres : « Allez, et de même faites-vous aussi. »
VI- Le Bon Samaritain en chacun de nous
Frères et sœurs, la question n’est plus : « Qui est mon prochain ? »
Mais plutôt : « Pour qui vais-je devenir prochain aujourd’hui ? »
Un voisin âgé oublié ?
Une collègue blessée par la vie ?
Un jeune isolé en quête de sens ?
Un proche difficile à aimer ?……………………. « Va, et toi aussi, fais de même. »
Ce n’est pas un conseil. C’est un appel. Un commandement de vie.
Et si chacun de nous devenait aujourd’hui le Samaritain de quelqu’un ?
Une Petite prière
Seigneur Jésus,
Toi qui es venu vers nous quand nous étions blessés, rejetés, abandonnés,
Apprends-nous à nous faire proches,
À voir, à compatir, à aimer en actes.
Donne-nous un cœur de Samaritain,
Un cœur semblable au tien.
Amen.
Sur la route de Jéricho
Frères et sœurs… Nous sommes tous… le prochain… de quelqu’un.
Parfois… une simple rue devient un pont.
- Aimer Dieu… c’est aimer celui… que je croise… ici… maintenant.
- L’indifférence… est un mal silencieux :
elle ferme les yeux… les oreilles… et le cœur. - Le prêtre… le lévite… ont vu l’homme blessé.
Ils ont continué… parce qu’il ne comptait pas… assez pour eux. - Puis vient un étranger…
il s’approche… regarde… et son cœur s’ouvre. - Il nettoie les plaies… il porte le corps…
il protège comme un frère. - Par ce geste… Dieu murmure :
« Je ne t’abandonnerai jamais. » - L’auberge devient espérance.
La charité… ne compte pas… elle donne tout. - Là où l’amour est offert…
la vie reprend… la confiance renaît. - Alors toi, mon frère, ma sœur… va !
Que chacun de tes pas… devienne un acte d’amour… sur la route. )