Chers frères et sœurs, comme il est difficile pour notre Seigneur d’annoncer son Royaume – je ne dis pas pour nous les prêtres ou pour vous, ça n’est pas de cela que je parle. Mais vraiment comme c’est difficile pour notre Seigneur lui-même d’annoncer son Royaume au milieu de nous. C’est un Royaume qui commence à croître dans ce monde-ci et qui sera parfait et accompli seulement dans le monde futur.
L’Évangile que nous avons proclamé aujourd’hui est la suite de l’Évangile de dimanche dernier, ou à peu près parce qu’il y a une parabole que nous n’avons pas proclamée. Entre l’Évangile de dimanche dernier et ce dimanche aujourd’hui il y a une parabole que nous n’avons pas entendue, qui a été « coupée ».
C’est une parabole un peut difficile, déroutante, où un roi force les gens de toute condition à venir et remplir la salle de noces, avec même une certaine violence…
Vous en souvenez la semaine dernière le Seigneur était invité parmi des notables et il observait qu’ils recherchaient les meilleures places. Le Seigneur leur dit à chacun Ne te préoccupe pas des honneurs qui te sont rendus, laisse les autres y penser pour toi – déjà que ça n’a pas beaucoup de sens que de s’honorer soi-même mais surtout les autres y penseront mieux que toi à t’honorer.
Et puis il ajoute Quand tu invites chez toi à dîner, invite des pauvres, des infirmes, des malheureux, parce qu’ils ne pourront pas te le rendre, et c’est ton Père qui est au Ciel que te le rendra. Toi et tes calculs tout ça laisse-le de côté et laisse-Lui le soin de te récompenser.
Et là-dessus il y a un convive qui lui dit, littéralement Bienheureux quiconque entrera dans le Royaume de Dieu…
Cette réflexion ne plait pas du tout à Jésus et l’inquiète, elle lui fait découvrir comme un pan de l’avenir. Ce ne sont pas des anonymes qui entrent dans le Royaume de Dieu, mais à chaque fois une personne, connue du Seigneur, aimée infiniment. On entre dans le Royaume de Dieu par une relation d’amitié avec le Seigneur et même d’amour – on n’est jamais un anonyme, un « quiconque » un « qui que ce soit ».
Certes dans son Royaume nous serons des milliards, des milliards de milliards, nous avons même le droit de l’espérer et nous devons l’espérer, tous peut-être nous nous retrouverons dans le Royaume de Dieu et l’Enfer sera vide – mais dans tous les cas c’est une personne à chaque fois connue par le Seigneur par son nom qui entre dans Son Royaume.
Quand le Seigneur nous dit Faites entrer les pauvres, les malades, certains comprennent que ce sont des anonymes, parce qu’ils voient les pauvres comme des personnes sans nom, sans titres, sans identité.
Le Seigneur donne cette parabole pour dire Le Royaume de Dieu se développe en ce monde, et dans son principe il est beau et saint, mais en même temps il s’accompagne de dérives, il se développe avec nos défauts, nos faiblesses, nos erreurs d’interprétation, parfois notre violence – comme ce roi qui croit bien faire en forçant les invités à pénétrer dans la salle des noces parce qu’il ne voit en eux que des anonymes.
Combien de personnes dans l’histoire l’Église ont commis, ou commettent cette erreur, cherchent à faire du remplissage, à faire du chiffre, à sauver des masses, ou soi-disant à les sauver ?
Ces derniers jours nous avons fêté la mémoire liturgique de Mère Teresa de Calcutta. Elle a été canonisée il y a peu d’années. Vous connaissez tous sa vie. Elle est allée en Inde et est venue en aide à des personnes, notamment à des agonisants, qui étaient abandonnés de tous, des particuliers comme des autorités.
Elle leur a donné un toit, elle les a lavés, elle les a nourris, elle leur a donné les soins médicaux élémentaires… Elle a fait véritablement une grande oeuvre et une oeuvre de charité. Mais il semble bien, je dis bien il semble et je ne le dis pas pour la critiquer durement, mais il semble qu’elle ne se soit pas intéressée à la personne elle-même, à connaitre son nom, à parler avec elle pour savoir ce qu’elle aime, ce qu’elle pense, ce qu’elle désire, quelle est son histoire…
Le Royaume de Dieu commence à croître véritablement dans ce monde et en même temps il s’accompagne de nos faiblesses, de nos limites.
A chaque fois que vous voyez de la violence dans une parabole de Jésus vous pouvez vous demander s’il n’est pas en train d’annoncer son Royaume tout en avertissant qu’il y aura des dérives qui vont l’accompagner. Son Royaume commence à grandir dans ce monde avec tout ce que cela implique. Alors vous voyez ce n’est pas simple pour notre Seigneur d’annoncer son Royaume…
Et finalement nous arrivons à l’Évangile d’aujourd’hui – à mon avis ce long préambule était nécessaire. Et là vous voyez ce qui se passe dans l’Évangile d’aujourd’hui, le Seigneur se tourne vers les foules, vers chacun d’entre nous et il met les points sur les i.
Le Seigneur s’exprime avant et après avec des paraboles, et il continuera à le faire – mais là il s’arrête de parler en parabole et nous parle d’une façon directe. Et il nous dit en face Celui qui ne me préfère pas à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses frères et sœurs ne peut pas être mon disciple.
Le Seigneur nous dit que pour être son disciple il faut le préférer à tout ce que nous aimons, le préférer à la prunelle de nos yeux, le préférer à nos enfants. C’est-à-dire que par exemple il y aura des persécutions, on menacera votre famille, et à ce moment-là est-ce que vous renierez le Seigneur ? le Seigneur dit Non, si vous êtes mes disciples, quelle que soit la persécution, quelle que soit la menace vous ne me renierez pas.
Mais pas seulement cela, il y a des personnes qui mettent l’Église au service de leurs intérêts personnels, et certes ce n’est pas la même chose qu’aimer par exemple nos enfants plus que le Seigneur et instrumentaliser l’Église pour qu’elle serve nos intérêts – mais où est la frontière, quand est-ce qu’on passe de l’un à l’autre ?
Donc le Seigneur nous dit Voilà mon Royaume commence à grandir parmi vous et il s’accompagne de dérives parfois, parce que vous êtes faibles, mais ce Royaume pour le faire croître il faut le purifier de ses dérives et toutes elles commencent parce qu’on préfère notre propre vie au Seigneur.
Et puis il nous demande de porter notre Croix chaque jour. La Croix c’est la honte, on peut mourir physiquement mais on peut aussi s’en prendre à notre vie sociale, nous faire mourir socialement – c’est cela la Croix principalement, la mort sociale. En tant que disciples nous serons calomniés, nous subirons l’injustice, nos gestes et nos paroles serons déformés – il faudra que nous ayons le cœur bien accroché pour demeurer fidèles au Christ !
Chers frères et sœurs, si nous suivons le Seigneur c’est parce que nous avons compris, parce que nous savons que nous sommes infiniment précieux à ses yeux, et que tous les sacrifices que nous accomplissons nous les déposons dans les mains du Seigneur où les choses et les êtres que nous aimons le plus sont infiniment mieux protégés que tout ce que nous pourrions faire par nous-mêmes. Tour ce que nous aimons il nous le rendra au centuple, déjà sur cette Terre et dans la Vie future définitivement.
Confions-nous au Seigneur et suivons-le en lui donnant généreusement toute notre vie – alors nous serons les annonciateurs de son Royaume.
Le Seigneur avec ses paroles nous donne la liberté intérieure. Nous pourrions dire Mais l’humilité est le plus important, c’est plus que la liberté… Mais justement le Pape Léon dans l’angélus de dimanche dernier nous l’a enseigné : l’humilité c’est la liberté envers soi-même, savoir se priver d’un bien personnel en regardant plus loin vers le Seigneur et la voie où il nous a précédé et nous attend, c’est cela la liberté.
Je vous invite à lire et à méditer, en plus de l’Évangile les catéchèses et les interventions du Saint Père qui sont très profondes et très belles, dans les Audiences générales et dans les angélus notamment – pour bien commencer et continuer cette nouvelle année pastorale !