Homélie du Père Joseph du XXVIII° dimanche du Temps Ordinaire, année B (2024)
Mes chers frères et sœurs !
Qui est Jésus ? Voilà la question posée au début de l’évangile selon saint Marc. Simon Pierre y répondra à Césarée de Philippe. Ce dimanche, saint Marc veut nous expliquer qui est disciple de Jésus. C’est quoi être disciple du Christ ? Le candidat de ce dimanche semble parfait et coche toutes les cases pour celui qui fait passer l’entretien d’embauche ! Le jeune homme riche, comme nous aimons l’appeler, semble être amplement en règle. Mais, il se révèle par la suite ne pas être à la hauteur.
La démarche du jeune est édifiante. Il s’approche, à genou, plein de zèle et pose une question est théologiquement irréprochable : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Il reconnait en Jésus un Rabbi, s’engage à rendre concrète, tangible et agissante sa foi dans sa vie et sait que la vie éternelle ne se mérite pas mais s’accueille, se reçoit. On le reçoit en héritage ! Jésus est merveilleusement surpris. Il trouve seulement que le terme « Bon Maître » est un peu trop excessif, mais il accueille l’enthousiasme et le zèle de ce jeune homme. Il lui propose alors de suivre les commandements, ceux de Moïse. « Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » L’homme répondit : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. »
Jésus ne pas un anarchiste qui propose des parcours inhabituels, étranges et révolutionnaires. Il n’est pas venu abolir une seule virgule au parcours de foi du peuple d’Israël, mais pour le conduire à ses racines.
A un moment où notre jeunesse est tentée par la « cancel culture » et « la culture woke » qui veut effacer le passé, les racines et l’histoire, Jésus nous rappelle qu’il nous faut proposer à nos jeunes des parcours simples, liés à la tradition, à l’appartenance à une communauté, à une histoire, à une culture, avec ses joies, ses réussites, ses blessures, ses plaies et ses erreurs. Nous sommes toujours enracinés dans une histoire. A nos jeunes du KT, de l’aumônerie, MEJ, du scoutisme, proposons une vie intérieure et un parcours sacramentel enracinés dans l’histoire, la tradition et la Parole de Dieu.
Le jeune homme de l’évangile a bien appris ses leçons de KT et d’aumônerie. Il maîtrise la doctrine juive. C’est un peu différent de la pratique d’il y a quelques décennies dans notre pays où l’on n’a pas appris la doctrine de notre foi aux enfants et jeunes du KT et de l’aumônerie. Fabrice, un séminariste de Lozère que j’avais en stage il y a quelques années me disait comment en aumônerie de lycée, on leur faisait dessiner des cœurs et chanter des chants de JC Giannada et de Yannick Noah au lieu de lire la Bible ou le catéchisme ! Résultat : des adultes et de jeunes qui ne savent vraiment pas grand-chose de Jésus ni de la foi catholique. Ce jeune homme de l’évangile a appris les commandements, sait en rendre compte et essaye de les mettre en pratique depuis son enfance. Que c’est beau !
Nous dirions : C’est une « belle âme ! » ou alors, « quel prétentieux ! » ce jeune homme ! Jésus préfère la première option ! Il voit toujours le côté lumineux de nos vies, le verre moitié plein de nos vies, de ma vie. Il sait que ce garçon est sincère et chemine avec enthousiasme sur la voie des commandements de Dieu. Surpris, Jésus lui adresse un regard rempli d’amour et de bienveillance : « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima ».
C’est ce même regard qu’il posa un jour sur Simon, devenu Pierre et Lévi devenu Matthieu. Chaque disciple d’hier et d’aujourd’hui a vu se poser sur lui ce même regard plein d’amour et de bienveillance. Il ne suffit pas de suivre les règles. Il nous faut aussi faire l’expérience de ce regard du Seigneur posé sur nous pour le suivre. Pas besoin d’apparition ni de miracle, mais seulement un regard qui transforme, convertit et appelle à faire un pas de plus. C’est l’expérience concrète du Seigneur nous qui rejoint dans la prière, l’oraison, l’adoration, la lectio Divina, la louange… Une expérience qui change la vie : le regard de Jésus posé sur nous, plein d’amour et de tendresse, un regard qui ne nous juge pas mais qui nous appelle à accueillir la vérité de notre propre vie pour ensuite suivre Jésus. Tu es aimé, au-delà de tout, infiniment aimé de Dieu et son Amour donne la vraie joie, car il est la source d’Amour.
Jésus nous aime bien avant de nous demander quoi que ce soit, avant de nous demander un parcours qui engage. Jésus se dit : « Si vraiment ce jeune veut la vie éternelle, il peut alors faire quelque chose de plus grand, dépasser les règles, avoir de l’audace ». Jésus est sur le point de tout laisser. Alors, Jésus appelle le jeune homme à faire ce sauf de la confiance en Dieu : « Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. »
Le sourire s’éteint sur le visage du jeune homme ! Non, il ne le sent pas. Il refuse de lâcher prise. Il veut tout garder et contrôler la situation. Il veut aussi garder sous contrôle sa propre foi. Il se dit : « C’est trop ce Jésus me demande. C’est réservé à une élite, aux religieux, aux saints ! N’exagérons pas ! » Il s’en va, triste. Quel dommage ! Ce n’est pas un happy-end, comme dans les films romantiques.
Jésus nous aime d’un amour fou mais nous avons du mal à tout lâcher pour lui. Il a tout donné pour nous mais nous n’arrivons pas à lâcher priser pour lui, à abandonner un peu de toutes ces richesses matérielles, affectives, intellectuelles (qu’il nous a donné d’ailleurs) qui nous bloquent et nous empêchent de le suivre. On peut être chrétien sans véritablement être disciple du Christ.
Dans une formation, on nous rappelait que dans l’Eglise en général, et en France en particulier, nous avons des chrétiens de culture, de tradition… mais qui ne sont pas devenus disciples du Christ. L’ex-président, Nicolas Sarkozy lors d’une émission télé, disait récemment que, lui, le chrétien de culture et de tradition, pas pratiquant, savait pourtant que la personne la plus importante qu’il aimerait avoir à sa table, c’est Jésus Christ.
Quand pourrons suivre le Seigneur pour celui qu’il est vraiment, et pas seulement pour ce qu’il nous donne. La foi à quelque chose de commun avec l’amour ! Pour l’amour d’un homme ou d’une femme, on est capable de prendre de grandes décisions, quitter son pays, son boulot, faire des km… Quand pourrons-nous croire et aimer le Seigneur au point de prendre de grandes décisions qui nous coûtent par amour pour lui ? Fixons notre regard sur Jésus qui nous regarde et nous aime, et demandons-lui la grâce de la confiance, du lâcher prise et de l’abandon à son Amour. Amen.