Homélie du Père Joseph du XI° dimanche du Temps Ordinaire, année B (2024)
Mes chers frères et sœurs
Nous vivons dans l’époque de l’hyper-connexion, avec nos moyens et réseaux qui nous font vivre matraquage médiatique qui façonne notre manière penser et de voir le monde et les événements. Au-delà de la pollution de la planète que cela peut causer (internet pollue beaucoup, parait-il), Internet peut aussi causer une sorte de pollution intellectuelle et spirituelle en formattant notre vision du monde et de l’humain.
A cause de cette pollution médiatique et globale, nous ne savons plus voir les nombreuses merveilles tellement évidentes sous nos yeux ! Nous tellement le nez et les yeux dans les écrans dès le lever que nous ne savons pas voir un beau lever ou coucher de soleil, la beauté des fleurs en cette saison de printemps, un paysage exotique, remarquer le sourire sincère du matin du collègue râleur que nous n’avions pas vu depuis longtemps à cause du télétravail. Nous avons du mal à nous émerveiller de la beauté de la nature, les chants d’oiseaux…
Je pense toujours à ce jeune couple normand et leurs trois enfants que j’ai rencontrés il y a quelques années pendant mes vacances à Bukavu. Partis en coopération pour avec Fidesco, ils m’ont raconté combien ils ont réalisé que la vie d’une petite famille aristo française n’était pas toujours facile à Bukavu, dans ce Kivu en proie à la guerre et autres misères depuis des décennies. Nous avions beaucoup échangé sur les difficultés rencontrées dans leur mission de coopérant, difficultés accrues à cause du décalage culturel. C’était un moment difficile pour eux. En se quittant le soir, je leur ai promis de prier pour eux. Le lendemain, ils m’envoyaient un texto et une photo du lever d’un beau soleil sur le lac Kivu, prise à partir du balcon de leur maison, avec ce message : « Père Joseph, un grand merci de nous avoir écouté hier ! Oui, ce n’est pas toujours facile, mais, vivre avec ces gens toujours souriants. C’est tellement merveilleux. N’est-elle pas belle la vie ! Nous avons la chance de nous lever chaque jour avec un beau lever de soleil sous ce beau lac Kivu et nous rendons grâce à Dieu ! » Ne fut-ce que cela faisait pencher la balance dans la décision de rester et prolonger leur mission malgré les toutes les autres difficultés vécues.
Sachons reconnaître les merveilles que Dieu nous donne à voir à travers les petites choses du quotidien, la nature, les rencontres, les petits détails de la vie qui sont comme cette graine de moutarde, ou cette semence jetée en terre de la parabole qui nous invite à la fascination devant l’œuvre de Dieu qui est le semeur. Depuis quelques jours, nous nous appuyons sur cet évangile déjà plusieurs fois déjà, en particulier, avec les différents groupes KT lors des réunions de bilan et relecture de fin d’année. Nous essayons de voir ce que Dieu fait grandir en nous adultes et chez les enfants à travers le KT ou en aumônerie. Soit qu’il veille ou qu’il dorme, cette semence germe et grandir sans savoir comment. « D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. » Dieu est présent dans les petites choses, même dans celles qui peuvent paraître comme des échecs ou des épreuves. Jésus nous redit qu’en dépit des épreuves ou des sentiments d’échecs, Dieu est toujours à l’œuvre, et nous conduit patiemment, humblement, par des voies inattendues à la plénitude de la vie.
En fin d’année pastorale, contemplons ce Dieu présent qui agit et travaille en nous, par nous et autour de nous pour faire grandir son royaume. Et je le dis d’autant plus que nous risquons de focaliser notre attention sur ce qui nous plombe déjà le moral, ce qui nos attriste et nous blesse actuellement au lieu de regarder comment le Seigneur nous conduit, nous libère et nous fait grandir au-delà des fatigues et découragements comme ces déportés à Babylone de la première lecture dont nous parle Ezéchiel ?
Comme je le disais, je fais beaucoup de réunions de bilan et relecture actuellement avec les différentes équipes et services. J’ai été marqué par les catéchistes de CE1 par exemple. Un constat revient : découragement et fatigue des bénévoles à cause de plusieurs éléments, le manque d’implication de certains parents qui sont même prêts à payer une catéchiste au lieu de s’impliquer dans le KT deux ou trois fois dans l’année, qui ne répondent pas aux mails, le manque d’intérêt de certains enfants. Certains catéchistes se culpabilisent même de n’avoir pas des résultats excellents, le retour sur investissement immédiat de ce que ce qu’ils ont fait et enduré… Conséquence : certains catéchistes sont tentés de jeter l’éponge.
Dans ce contexte, Jésus nous rassure à travers ces paraboles et nous invite à jeter la semence de sa Parole, dans le cœur de ces enfants, parents, familles, catéchumènes, néophytes, confirmands, confirmés, jeunes scouts ou de l’aumônerie, fiancés, famille en deuil de manière généreuse et sans compter. Le pape François, nous invite à sortir et jeter la semence, sans nous préoccuper des calculs des bilans comme les experts comptables. Avec le Seigneur, la logique comptable ne marche pas, car il n’est pas un bon comptable, sinon il mettrait chaque jour le doigt sur nos déficits ! Nous sommes tellement médiocres par rapport à lui, loin du compte.
Il nous appelle à parler, travailler pour lui et avec lui, témoigner, prier, simplement et en vérité. Les résultats ne dépendent pas toujours de nous ! D’autres facteurs comme, la qualité de la terre, du climat, de l’ambiance familiale, sociale et ecclésiale, de la liberté personnelle… Nous ne sommes que des disciples en mission, mais l’Esprit du Christ nous accompagne et nous précède. Il nous faut la grâce de la patience pour vaincre la tentation de tout maitriser, de tout contrôler, de tout programmer. L’orgueil qui nous fait penser que tout dépend exclusivement de nous, de notre efficacité. Nous faisons des prévisions, même en ce qui concerne l’action de Dieu. Quand ça ne marche pas, nous disons que Dieu n’a rien fait, alors que nous avions tout planifié sans lui demander son avis ! A cause de la fatigue et de l’échec, nous pensons que Dieu est absent, avec le risque de douter de lui et de nous-même. Laissons faire Dieu, soyons sereins et confiants, patientons, et entrons dans la logique de cette parabole.
La vie dans l’Esprit, celle dont Dieu est maître, la naissance et la croissance du Royaume, se fait par petits pas, par petites touches, par petits signes. En nous, dans nos familles, dans l’Eglise, au sein de notre communauté, dans le monde, des petits gestes d’amour, de petits engagements pastoraux, des petits pas franchis, un petit don venu du cœur, une petite ouverture aux autres et au Seigneur, tout cela conduit timidement, progressivement à de grandes réalisations, à des résultats surprenants. On dit que ce sont de petits ruisseaux qui font les grands fleuves.
L’Eglise est née d’une petite communauté de 12 apôtres autour de Jésus, une petite communauté persécutée mais croyante dès le premier siècle, mais qui a transformé l’histoire, malgré ses fragilités et ses erreurs. Aujourd’hui, le monde a encore besoin des chrétiens. Ne dites pas que nous sommes minoritaires dans la société. Il nous faut seulement témoigner simplement, humblement. C’est la dynamique de Dieu : elle est simple, humble et concrète. Que Seigneur ouvre nos yeux aux petits signes de sa présence en nos vies et nous donne la grâce de la patience qui fait grandir l’espérance. Amen.