Homélie du Père Justin du XXVIII° dimanche du Temps Ordinaire, année B (2024)

Chers frères et sœurs, l’Évangile que nous avons proclamé nous enseigne avant tout que recevoir la vie éternelle c’est entrer dans une relation personnelle avec le Seigneur, une relation autonome, volontaire, de personne à personne.

Cette relation est appelée à croître dans l’éternité dans une joie parfaite, dans un bonheur infini.

Et cette relation commence avec l’observance des commandements, elle commence et recommence avec cette observance. Quand nous nous sommes attiédis, quand nous nous sommes éloignés du Seigneur, nous retournons à Lui en redoublant de zèle dans l’observance de ses préceptes.

La relation avec le Seigneur ne peut commencer ni recommencer sans l’observance de ses commandements.

Cependant la relation avec Lui ne se réduit pas à cela, la relation continue et se développe quand nous le considérons comme le bien suprême, quand nous vivons nos joies et nos peines avec Lui, quand nous le suivons dans toutes ses voies jusqu’à avoir part à sa mission, quand nous avons part à toute son existence…

L’homme que nous rencontrons dans cet Évangile, qui nous est décrit comme possédant beaucoup de biens, manifestement connaît les commandements mais il ne les connaît pas encore comme relation avec le Seigneur.

Il les connaît comme relation avec ses parents, certainement, depuis son enfance, pour leur obéir ou leur plaire, et il les connaît comme relation avec les autorités religieuses.

Mais il ne les connaît pas comme base d’une relation entièrement personnelle avec Dieu, comme commencement d’une relation unique qui est entièrement à découvrir.

C’est cette découverte que le Seigneur lui faire faire avant tout.

Le don de la vie éternelle est un don gratuit que l’on accueille dans une relation filiale qui se développe dans le don de soi. C’est tout nouveau pour cet homme ! Et le Seigneur lui demande de vendre tous ses biens…

Il faut bien comprendre ce que fait le Seigneur. Il fait en sorte que cet homme voit ces biens comme ses propres biens, puisqu’il peut en disposer, les vendre et en distribuer le prix.

Jusqu’à ce moment ces biens pour lui étaient des réalités purement familiales, comme pour les commandements. Il en jouissait comme d’une part qui était la sienne au sein d’une propriété familiale.

A présent il prend conscience que ces biens sont à lui, et ce faisant il prend possession de lui-même, il prend conscience de lui-même et notamment de ses limites, de ses faiblesses.

Il entre dans la tristesse mais cette tristesse n’est pas négative. Elle n’est pas stérile.

Il est vrai que la rencontre avec le Seigneur a comme caractère la joie. Mais cette joie – nous devons nous en souvenir – est toujours précédée d’une tristesse, d’une pesanteur, d’une difficulté existentielle.

C’est le moment de la vérité. Nous prenons conscience de nous-mêmes et du monde qui nous entoure, dans notre jeunesse ou à d’autres moments de notre vie, lors de tournants de notre vie.

Nous avons alors comme cet homme la possibilité de voir et de choisir le monde avec ce qu’il nous propose et de nous étourdir avec lui, ou bien de choisir la relation personnelle avec Dieu, en partageant tous les moments de notre vie avec Lui.

Il faut bien comprendre que pour cet homme tout est possible, rien n’est encore décidé. Le Seigneur fait en sorte qu’il se possède lui-même de manière à pouvoir se donner lui-même dans la vérité.

Tout est ouvert. Peut-être vendra-t-il tous ses biens pour les donner aux pauvres, ou les conservera-t-il pour les donner en aumônes ponctuelles durant toute son existence… Il est libre, et sans cette liberté il ne pourrait pas exister de relation véritable avec notre Seigneur.

Il est libre notamment de conserver ses richesses.

Nous devons faire attention à ne pas mésinterpréter les paroles du Seigneur quand il dit qu’il est impossible pour un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu.

Le Seigneur n’est pas du tout en train de déclarer que les biens de ce monde sont mauvais et qu’il faut les mépriser pour entrer dans son Royaume.

Lui s’est fait l’un de nous, dans sa vie, sa mort et sa résurrection. Il s’est uni réellement et mystérieusement à toute la Création, à tous les biens quels qu’ils soient, d’abord comme Créateur et ensuite et surtout comme Rédempteur.

Il ne peut en aucune manière nous faire voir les biens de monde par eux-mêmes comme mauvais ou suspects.

Quand il dit qu’il est aussi difficile pour un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu que pour un chameau de passer par le chas d’une aiguille, il parle vraiment d’un riche.

Il ne parle pas de quelqu’un qui devrait se débarrasser de tous ses biens, mais de quelqu’un qui conserve tous ses biens et entre dans le Royaume de Dieu.

Il entre dans le Royaume de Dieu avec tous ses biens, c’est-à-dire qu’il entre dans une relation personnelle avec le Seigneur, à part entière, comme fils ou fille de Dieu, avec ses biens et pas sans ses biens.

Tous ses biens entrent à part entière dans cette relation et servent à la croissance du Royaume de Dieu déjà sur cette terre, tout en préfigurant mystérieusement et réellement les biens à venir.

Il ne s’agit absolument pas de se démunir pour se démunir, en aucune manière. Tout est bon, tout est saint, tout est pur. Seul notre regard, notre cœur peuvent receler de l’impureté.

Avec l’œuvre de sa Rédemption le Seigneur a entièrement transfiguré ce monde, les personnes et les biens de ce monde, et cette transfiguration passe par notre libre participation à son œuvre en union avec toute la Création.