À propos de Justin Bertho

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Homélie du Père Justin, XXVIII Dimanche du TO, Année C, Lc 17,11-19

Chers frères et sœurs, l’Évangile que nous avons proclamé est assez révélateur, il est un peu comme un test. Dans le sens où nous avons une tendance en nous qui n’est pas très consciente et que cet Evangile révèle.

Il s’agit d’une tendance à voir Dieu comme quelqu’un qui est occupé à nous récompenser ou à nous punir, à nous faire des reproches, qui nous attend au tournant, un peu comme un père fouettard – en exagérant.

Et ce qui va avec cette première tendance, c’est notre tendance à penser que nous méritons les dons que nous recevons, que certains d’entre nous ont des mérites et d’autres pas ou que certains sont préférés par rapport à d’autres…

C’est le ressort de beaucoup de situations et de récits dans l’Ancien Testament, et cet Évangile nous prend un peu sur le fait de penser de cette manière.

Le Seigneur nous fait remarquer qu’un seulement sur les dix lépreux est revenu en glorifiant et louant Dieu et nous, nous nous prenons à penser que le Seigneur fait son éloge tandis qu’il ferait des reproches aux neuf autres…

En réalité le Samaritain n’est pas tenu d’obéir à la loi, tandis qu’elle oblige les neuf autres à aller se montrer aux prêtres et Jésus lui-même leur commande d’y aller.

Il est vrai qu’ils pourraient tous faire demi-tour, remercier Jésus et repartir – mais en fait il ne s’agit pas de cela…

Tout d’abord il faut rappeler que le Seigneur est le Fils éternel de Dieu, il est le Fils de toute éternité, de toute éternité il reçoit tout du Père et il le loue, le glorifie et le remercie. Et dans sa vie terrestre de même il a passé son temps à contempler et louer Dieu et son œuvre dans la Création et dans les évènements de chaque jour.

Vous vous souvenez des paroles de Jésus dans l’Évangile : Je te loue Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux intelligents et aux habiles et tu les as révélées aux tout-petits… C’est ce que fait le Seigneur continûment, il loue le Père – et c’est présentement ce qu’il fait maintenant et partage avec nous, la louange, l’émerveillement devant le don du Père.

Quand il nous dit qu’un seul est revenu louer et glorifier Dieu à la différence des neuf autres, il attire notre attention sur le fait qu’un seul sur les dix a reçu le don de la foi.

Il lui dit Ta foi t’a sauvé, c’est-à-dire Tu as reçu le don de la foi qui seul peut sauver, réaliser pleinement votre nature, réaliser ce pour quoi vous êtes faits et que seul Dieu peut vous donner.

Le don de la foi c’est le don d’une relation personnelle avec Dieu, d’une relation de personne à personne qui existe normalement seulement dans la Trinité, entre le Père et le Fils éternels.

Et cette relation il nous est donné à nous de l’avoir, c’est le don de la foi, d’une relation où comme Jésus nous sommes appelés à glorifier et à louer Dieu avant toute chose.

C’est ce que Jésus souligne dans cet Évangile, il nous dit Regardez le don de Dieu, sur les dix un seul a reçu ce don, c’est un don extraordinaire qu’il ne faut pas banaliser, et qui est reçu par cet homme qui se met à son tour à louer Dieu.

C’est tout, le Seigneur nous entraine à la louange à notre tour…

De même dans cette assemblée, si vous êtes venus aujourd’hui c’est parce que vous avez reçu le don de la foi, tandis que votre voisin de palier ou dans votre rue ne l’a pas reçu.

Il n’y a pas de mérite à cela, c’est un don gratuit, mais c’est un don qu’il faut recevoir et là il peut y avoir une différence. Le don il faut vraiment le recevoir, c’est notre rôle, c’est la part que nous avons à jouer.

Si le Seigneur nous bénit, est-ce que nous recevons pleinement cette bénédiction si nous ne bénissons pas à notre tour, est-ce que nous nous la recevons vraiment ? Si Dieu nous pardonne est-ce que nous recevons vraiment son pardon si nous ne pardonnons pas nous-mêmes ?

Il faut vraiment recevoir les dons de Dieux, il n’est pas suffisant qu’il nous les donne.

Si le Seigneur nous donne la foi, le don d’une relation filiale, personnelle avec lui, est-ce que nous le recevons vraiment, à tous les effets, si nous pensons que le Seigneur récompense nos mérites et blâme ceux qui n’ont pas reçu le même don ?

Si nous voulons vraiment recevoir le don de Dieu, alors le Seigneur nous enseigne à nous émerveiller, à louer Dieu à notre tour, à le glorifier et à le remercier.

Glorifions Dieu, remercions-le pour le don qu’il nous a fait, sans nous en attribuer le mérite ni le retirer à qui que ce soit, ainsi nous rendrons témoignage de qui il est véritablement et de ce qu’est vraiment la relation avec Lui.

Homélie du Père Justin, XXVIII Dimanche du TO, Année C, Lc 17,11-192025-10-12T22:06:30+02:00

Homélie du Père Justin, XXV dimanche du TO, année C, Lc 16,1-13

Chers frères et sœurs, dans l’Évangile que nous avons proclamé le Seigneur nous enseigne le sens et la valeur des richesses.

Les richesses servent avant tout à nous mettre en relation les uns avec les autres. Et surtout elles servent dans ces relations à nous apercevoir que nous sommes égaux, que nous sommes semblables.

Nous nous apercevons de la façon la plus concrète, la plus incontournable, que nous sommes les mêmes. Nous avons les mêmes nécessités, les mêmes désirs dans une très large mesure, et aussi de ce fait les mêmes peurs, les mêmes inquiétudes.

Quand cet économe s’aperçoit qu’il va perdre sa gérance et qu’il va se retrouver sans ressources il a peur. Il a peur de la même peur que nous avons tous, nous retrouver à faire un travail qui soit au-delà de nos forces, ou bien nous retrouver à devoir mendier pour survivre.

Et en même temps qu’il s’aperçoit de sa propre détresse, il s’aperçoit aussi que les débiteurs de son maître sont dans la même détresse que lui. Eux aussi ils sont menacés de ruine, s’ils ne peuvent pas payer leurs dettes on va leur prélever leurs biens les plus essentiels, leur maison ou leur champ. Il s’aperçoit de sa communauté de nature et de sort avec eux.

Les richesses sont là pour cela, pour nous mettre en relation les uns avec les autres, nous découvrir semblables, nous rapprocher.

Même le patron de cet homme qui jusque-là le voyait comme un serviteur, une personne distante de lui, très différente, à présent s’aperçoit lui aussi qu’ils sont pareils. Dans l’Antiquité il y avait peu de protection légale pour les biens donc on se protégeait avec un réseau de clientèle c’est-à-dire des sortes d’obligés avec qui on échangeait des faveurs et qui nous protégeaient. C’est ce que l’économe fait aussi à présent, il échange des faveurs contre des faveurs pour assurer sa position et son avenir – alors le patron se reconnait en lui.

Ce n’est pas la question de savoir si c’est bien moralement, mais ce que dit la parabole c’est que les richesses nous permettent d’entrer en relation et nous reconnaitre semblables les uns aux autres…

Chers frères et sœurs dans cet Évangile le Seigneur nous enseigne à ne pas mépriser les richesses de ce monde. Les richesses sont bonnes profondément et ont une influence positive sur nous. Ce ne sont pas les richesses qui sont mauvaises en elles-mêmes mais comment nous les regardons et ce que nous en faisons.

Les richesses sont bonnes en elles-mêmes et elles sont même une préfiguration des biens du monde futur. D’une façon mystérieuse mais réelle les biens de ce monde préfigurent les biens du monde à venir. Je ne sais pas vous dire quels sont les biens du monde futur, mais je sais dans l’Évangile et dans le Seigneur que le Seigneur ne détruit rien, il ne détruit pas le monde présent pour construire le monde futur. Il recrée, il transforme et transfigure, mais ne détruit rien.

Les biens de ce monde préfigurent le monde futur à plus forte raison si nous les partageons. Quand nous partageons les biens de ce monde nous réalisons une ébauche du royaume de notre Seigneur.

Le Seigneur insiste pour nous enseigner à ne pas mépriser les biens de ce monde – c’est la conclusion de son enseignement. Ce n’est pas normal du tout de haïr les richesses de ce monde, c’est le signe d’un désordre très grave. Il dit que ceux qui ont deux maitres, Dieu et l’argent, aiment l’un et haïssent l’autre – c’est très surprenant, on s’attendrait à ce qu’il dise qu’ils aiment les deux et sont divisés… Non il dit quelque chose de plus fort et de plus profond, ils ont deux maitres, antagonistes, donc il y a une si forte contradiction en eux qu’ils vont résoudre le problème en aimant l’un et en haïssant l’autre.

Par exemple un religieux – je prends l’exemple d’un religieux parce que c’est plus frappant – il se promène pieds nus, il refuse de se chauffer l’hiver, il ne prend pas de médicaments quand il est malade – il aime Dieu et il déteste les richesses… Et puis vous le retrouvez 10 ans après en possession de plusieurs comptes en banque cachés à droite à gauche. Est-ce que quelque chose a changé dans sa vie, dans son cœur ? pas véritablement, il a toujours été profondément divisé et désordonné dans ses affections.

Vous connaissez peut-être la parole de saint François quand il dit Mon Dieu et mon tout, il appelle Dieu son tout, tout ce qu’il possède.

Cela ne signifie pas que saint François dit à Dieu Tu me suffis et je méprise tout le reste – parce qu’alors saint François serait devenu un être asocial et violent. Cela signifie au contraire qu’il aime tout en Dieu, qu’il reconnait le don de Dieu dans chaque bien, dans chaque richesse, qu’il aime Dieu bien entendu au-delà de tout, tout comme aussi il aime chaque chose sans exception en Dieu.

Le Seigneur aime le monde et l’embrasse – il suffit de regarder sa croix – il l’embrasse pour le sauver. Il nous enseigne nous aussi à aimer le monde, à l’embrasser, à lui porter l’amour qui vient de Dieu, la justice, la paix, la miséricorde dont il a tant besoin pour exister et se réaliser.

Homélie du Père Justin, XXV dimanche du TO, année C, Lc 16,1-132025-09-21T17:15:53+02:00

Homélie du Père Justin, XXIII dimanche du TO, Année C, Lc 14,25-33

Chers frères et sœurs, comme il est difficile pour notre Seigneur d’annoncer son Royaume – je ne dis pas pour nous les prêtres ou pour vous, ça n’est pas de cela que je parle. Mais vraiment comme c’est difficile pour notre Seigneur lui-même d’annoncer son Royaume au milieu de nous. C’est un Royaume qui commence à croître dans ce monde-ci et qui sera parfait et accompli seulement dans le monde futur.

L’Évangile que nous avons proclamé aujourd’hui est la suite de l’Évangile de dimanche dernier, ou à peu près parce qu’il y a une parabole que nous n’avons pas proclamée. Entre l’Évangile de dimanche dernier et ce dimanche aujourd’hui il y a une parabole que nous n’avons pas entendue, qui a été « coupée ».

C’est une parabole un peut difficile, déroutante, où un roi force les gens de toute condition à venir et remplir la salle de noces, avec même une certaine violence…

Vous en souvenez la semaine dernière le Seigneur était invité parmi des notables et il observait qu’ils recherchaient les meilleures places. Le Seigneur leur dit à chacun Ne te préoccupe pas des honneurs qui te sont rendus, laisse les autres y penser pour toi – déjà que ça n’a pas beaucoup de sens que de s’honorer soi-même mais surtout les autres y penseront mieux que toi à t’honorer.

Et puis il ajoute Quand tu invites chez toi à dîner, invite des pauvres, des infirmes, des malheureux, parce qu’ils ne pourront pas te le rendre, et c’est ton Père qui est au Ciel que te le rendra. Toi et tes calculs tout ça laisse-le de côté et laisse-Lui le soin de te récompenser.

Et là-dessus il y a un convive qui lui dit, littéralement Bienheureux quiconque entrera dans le Royaume de Dieu…

Cette réflexion ne plait pas du tout à Jésus et l’inquiète, elle lui fait découvrir comme un pan de l’avenir. Ce ne sont pas des anonymes qui entrent dans le Royaume de Dieu, mais à chaque fois une personne, connue du Seigneur, aimée infiniment. On entre dans le Royaume de Dieu par une relation d’amitié avec le Seigneur et même d’amour – on n’est jamais un anonyme, un « quiconque » un « qui que ce soit ».

Certes dans son Royaume nous serons des milliards, des milliards de milliards, nous avons même le droit de l’espérer et nous devons l’espérer, tous peut-être nous nous retrouverons dans le Royaume de Dieu et l’Enfer sera vide – mais dans tous les cas c’est une personne à chaque fois connue par le Seigneur par son nom qui entre dans Son Royaume.

Quand le Seigneur nous dit Faites entrer les pauvres, les malades, certains comprennent que ce sont des anonymes, parce qu’ils voient les pauvres comme des personnes sans nom, sans titres, sans identité.

Le Seigneur donne cette parabole pour dire Le Royaume de Dieu se développe en ce monde, et dans son principe il est beau et saint, mais en même temps il s’accompagne de dérives, il se développe avec nos défauts, nos faiblesses, nos erreurs d’interprétation, parfois notre violence – comme ce roi qui croit bien faire en forçant les invités à pénétrer dans la salle des noces parce qu’il ne voit en eux que des anonymes.

Combien de personnes dans l’histoire l’Église ont commis, ou commettent cette erreur, cherchent à faire du remplissage, à faire du chiffre, à sauver des masses, ou soi-disant à les sauver ?

Ces derniers jours nous avons fêté la mémoire liturgique de Mère Teresa de Calcutta. Elle a été canonisée il y a peu d’années. Vous connaissez tous sa vie. Elle est allée en Inde et est venue en aide à des personnes, notamment à des agonisants, qui étaient abandonnés de tous, des particuliers comme des autorités.

Elle leur a donné un toit, elle les a lavés, elle les a nourris, elle leur a donné les soins médicaux élémentaires… Elle a fait véritablement une grande oeuvre et une oeuvre de charité. Mais il semble bien, je dis bien il semble et je ne le dis pas pour la critiquer durement, mais il semble qu’elle ne se soit pas intéressée à la personne elle-même, à connaitre son nom, à parler avec elle pour savoir ce qu’elle aime, ce qu’elle pense, ce qu’elle désire, quelle est son histoire…

Le Royaume de Dieu commence à croître véritablement dans ce monde et en même temps il s’accompagne de nos faiblesses, de nos limites.

A chaque fois que vous voyez de la violence dans une parabole de Jésus vous pouvez vous demander s’il n’est pas en train d’annoncer son Royaume tout en avertissant qu’il y aura des dérives qui vont l’accompagner. Son Royaume commence à grandir dans ce monde avec tout ce que cela implique. Alors vous voyez ce n’est pas simple pour notre Seigneur d’annoncer son Royaume…

Et finalement nous arrivons à l’Évangile d’aujourd’hui – à mon avis ce long préambule était nécessaire. Et là vous voyez ce qui se passe dans l’Évangile d’aujourd’hui, le Seigneur se tourne vers les foules, vers chacun d’entre nous et il met les points sur les i.

Le Seigneur s’exprime avant et après avec des paraboles, et il continuera à le faire – mais là il s’arrête de parler en parabole et nous parle d’une façon directe. Et il nous dit en face Celui qui ne me préfère pas à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses frères et sœurs ne peut pas être mon disciple.

Le Seigneur nous dit que pour être son disciple il faut le préférer à tout ce que nous aimons, le préférer à la prunelle de nos yeux, le préférer à nos enfants. C’est-à-dire que par exemple il y aura des persécutions, on menacera votre famille, et à ce moment-là est-ce que vous renierez le Seigneur ? le Seigneur dit Non, si vous êtes mes disciples, quelle que soit la persécution, quelle que soit la menace vous ne me renierez pas.

Mais pas seulement cela, il y a des personnes qui mettent l’Église au service de leurs intérêts personnels, et certes ce n’est pas la même chose qu’aimer par exemple nos enfants plus que le Seigneur et instrumentaliser l’Église pour qu’elle serve nos intérêts – mais où est la frontière, quand est-ce qu’on passe de l’un à l’autre ?

Donc le Seigneur nous dit Voilà mon Royaume commence à grandir parmi vous et il s’accompagne de dérives parfois, parce que vous êtes faibles, mais ce Royaume pour le faire croître il faut le purifier de ses dérives et toutes elles commencent parce qu’on préfère notre propre vie au Seigneur.

Et puis il nous demande de porter notre Croix chaque jour. La Croix c’est la honte, on peut mourir physiquement mais on peut aussi s’en prendre à notre vie sociale, nous faire mourir socialement – c’est cela la Croix principalement, la mort sociale. En tant que disciples nous serons calomniés, nous subirons l’injustice, nos gestes et nos paroles serons déformés – il faudra que nous ayons le cœur bien accroché pour demeurer fidèles au Christ !

Chers frères et sœurs, si nous suivons le Seigneur c’est parce que nous avons compris, parce que nous savons que nous sommes infiniment précieux à ses yeux, et que tous les sacrifices que nous accomplissons nous les déposons dans les mains du Seigneur où les choses et les êtres que nous aimons le plus sont infiniment mieux protégés que tout ce que nous pourrions faire par nous-mêmes. Tour ce que nous aimons il nous le rendra au centuple, déjà sur cette Terre et dans la Vie future définitivement.

Confions-nous au Seigneur et suivons-le en lui donnant généreusement toute notre vie – alors nous serons les annonciateurs de son Royaume.

Le Seigneur avec ses paroles nous donne la liberté intérieure. Nous pourrions dire Mais l’humilité est le plus important, c’est plus que la liberté… Mais justement le Pape Léon dans l’angélus de dimanche dernier nous l’a enseigné : l’humilité c’est la liberté envers soi-même, savoir se priver d’un bien personnel en regardant plus loin vers le Seigneur et la voie où il nous a précédé et nous attend, c’est cela la liberté.

Je vous invite à lire et à méditer, en plus de l’Évangile les catéchèses et les interventions du Saint Père qui sont très profondes et très belles, dans les Audiences générales et dans les angélus notamment – pour bien commencer et continuer cette nouvelle année pastorale !

Homélie du Père Justin, XXIII dimanche du TO, Année C, Lc 14,25-332025-09-07T18:20:46+02:00

Homélie du Père Justin, XX dimanche du TO, Année C, Lc 12,49-53

Chers frères et sœurs, cet enseignement du Seigneur dans l’Évangile que nous avons proclamé correspond à la conclusion d’un enseignement qui regarde ceux qui ont des responsabilités dans l’Église – mais qui n’est pas responsable dans l’Église ? responsable dans l’église domestique, dans la paroisse, dans le diocèse ?…

Quelques versets auparavant, Pierre demande au Seigneur Ce que tu dis, tu le dis pour nous ou pour tous ? le Seigneur lui répond en comparant les disciples en général à des serviteurs qui attendent leur patron, et ceux qui ont des responsabilités il les compare à des intendants qui ont sous leurs ordres les serviteurs. Et il dit Si l’intendant voit que son patron tarde à venir, alors il se met à frapper les serviteurs, dès lors quand son patron rentrera il recevra de nombreux coups.

Donc le Seigneur dit clairement que cela n’est pas bien que l’intendant se mette à frapper les serviteurs… Et c’est là juste après ces paroles que le Seigneur dit ce que nous avons à peine entendu Je suis venu jeter un feu sur la terre…

Voyez comme ces paroles sont fortes et importantes, le feu c’est l’Esprit Saint, c’est la grâce, c’est la vie divine. Tandis que nous, nous sommes bien entendu faits de terre, de poussière, nous sommes des créatures. Et le feu est jeté sur la terre, la vie divine est jetée dans notre vie.

Il faut bien comprendre ce que dit le Seigneur, il est en train de dire que du moment que le feu est jeté sur la terre c’est inévitable qu’il y ait des problèmes, comme il le dit ensuite, des divisions, des contrastes, des luttes.

Par exemple ce qui va se passer c’est que certains intendants, certains responsables dans l’Église, vont se croire tout-puissants, ils vont perdre la notion des réalités et des autres surtout – et ils vont les frapper. Le feu jeté sur la terre ça a comme effet chez certains de ne se reconnaitre aucune limite…

Le Seigneur n’est pas du tout en train de dire C’est très bien, vous pouvez être violents les uns envers les autres, les intendants peuvent user de violence sur les serviteurs, puisque de toute façon c’est obligé, le feu jeté sur la terre cela va provoquer presque forcément des luttes, des problèmes de toute sorte…

Non il est en train de dire Vous qui avez des responsabilités – vous à plus forte raison – vous devez savoir que vous êtes de la terre, que vous êtes faibles, que vous êtes limités, que vous êtes fragiles, que vous n’êtes pas tout-puissants. Si vous le savez, alors vous vous ferez aider. Quand vous aurez une décision importante à prendre, vous consulterez les autres réellement, d’une façon élargie, alors vous saurez comment vivre ce feu dans votre vie et ce feu va pouvoir vous éclairer et vous transformer en lui-même.

Mais si vous vous cachez à vous-mêmes votre faiblesse native, ça ne va pas fonctionner, vous tomberez, vous détruirez et vous serez détruits. Saint Paul dit la même chose, il dit que nous recevons la vie de la grâce dans des vases fragiles, dans les vases d’argile que nous sommes.

Toutes les paroles de Jésus sont très fortes…

Il continue en disant qu’il doit recevoir un baptême – pour ses contemporains c’est très clair, il s’agit d’être immergé dans de l’eau, c’est le premier sens de la parole. Lui qui est du côté du feu qu’il nous envoie, il va être immergé dans l’eau, donc son baptême c’est une mort bien sûr, mais pas n’importe quelle mort, c’est sa divinité qui meurt, sa vie divine va mourir – c’est presque fou. Et c’est en effet ce qui va se passer. Durant sa Passion sa divinité va être cachée, il va prendre sur lui tous nos péchés et il ne sera plus en présence de Dieu – c’est le grand mystère de la Passion de notre Seigneur.

Par ses paroles nous voyons que notre Seigneur est divisé, il ressent la joie et la tristesse à la fois, la hâte et l’angoisse, il est Dieu et il renonce aux privilèges de sa divinité – il est bel et bien divisé. C’est très surprenant.

Mais notre Seigneur est divisé pour nous apporter une paix profonde, une véritable sérénité que personne d’autre ne peut nous apporter. Il ne nous apporte pas la paix que le monde nous propose, la paix du pacificateur, la paix du plus fort, avec un vainqueur et un vaincu comme nous le voyons dans le monde notamment en ce moment. Non le Seigneur nous apporte une autre paix, que seul lui peut nous donner, une paix bien plus profonde.

Il est divisé pour être proche de chacun d’entre nous sans exception. Il est proche de celui qui se sanctifie et qui se laisse transformer par l’Esprit Saint. Mais il est proche aussi du pécheur endurci qui ne se soucie pas de se sanctifier – il a connu la Passion et la Résurrection pour cela, pour être avec chacun d’entre nous.

C’est ce que nous expérimentons lorsque nous sommes persécutés, quand nous sommes victime d’injustice, de calomnie. Nous sentons que le Seigneur est avec nous et nous sentons qu’il est aussi avec celui qui nous persécute – il est avec l’un et avec l’autre. Le Seigneur ne nous donne pas à vivre une guerre sainte avec Lui de notre côté contre l’oppresseur, il est des deux côtés à la fois. Dans un premier temps c’est difficile à accepter, mais quand nous l’acceptons alors nous sommes vraiment avec lui et là nous recevons une paix et une sérénité incomparables.

Chers frères et sœurs, le Seigneur nous demande de méditer cet enseignement qui est très riche pour vivre authentiquement la vie qu’il nous donne de vivre, une vie faite de terre et de feu. Si nous la vivons avec lui, dans l’humilité et la solidarité, alors vraiment l’Esprit Saint pourra nous transformer comme le feu qui transforme en lui-même tout ce qu’il touche, sans nous détruire et sans détruire autrui.

Homélie du Père Justin, XX dimanche du TO, Année C, Lc 12,49-532025-08-17T12:17:55+02:00

Homélie du père Justin, Dimanche du Bon Pasteur, IV Dimanche de Pâques, Jn 10,27-30

Chers frères et sœurs,

Le Seigneur nous dit que nous sommes dans sa main, dans la main du Fils et dans la main du Père. C’est important de le savoir et de nous le rappeler quand nous sommes dans l’adversité, dans l’épreuve : Je suis dans la main de Dieu, il ne peut rien m’arriver…

Quand dans l’Évangile nous entendons parler du Père et du Fils, le Père désigne plutôt le Créateur et le Fils le Sauveur, le Rédempteur. C’est un peu schématique mais l’Évangile de Jean surtout nous parle souvent du Père et du Fils, avec des propos énigmatiques, et savoir cela peut aider notre lecture, notre méditation.

Nous sommes dans la main du Père parce qu’il nous a fait pour Lui depuis l’origine, nous sommes créés pour la communion avec Lui et pour la communion avec chaque personne et avec toute la Création. Il y a dans notre cœur un désir qui nous définit, celui de la communion, et personne ne peut nous arracher ce désir – personne ne peut nous arracher de sa main.

Ce désir est présent en nous tous mais souvent il est éloigné de nous parce que nous nous décourageons, ou bien nous n’avons pas autour de nous  suffisamment d’exemples pour le ranimer et pour le maintenir vivace. Nous désirons la communion, c’est-à-die que nous désirons que chacun connaisse la beauté, la bonté, la vérité de notre Seigneur et de sa Création, la justice, la paix, la joie. Notre nouveau Pape le Pape Léon XIV a placé son Pontificat sous le signe de la paix, de la justice et de la paix, c’est un appel à la communion.

Et puis le Fils, le Rédempteur, c’est lui qui réalise le premier cette communion avec Dieu et entre nous, puisqu’il a eu part à toutes nos joies et à toutes nos souffrances. Lui réalise parfaitement cette communion en nous, de l’intérieur de notre nature et en union mystérieusement avec chacun de nous. Il est vrai que cette œuvre attend notre propre réponse pour être complétée, mais en même temps elle est d’ores et déjà pleinement réalisée en Lui, dans le Fils.

Il a réalisé l’union parfaite entre nous et Dieu, et personne ne peut arracher cette œuvre de sa main, personne en réalité ne peut la détruire. Personne ne peut détruire l’œuvre du Père parce qu’il est Dieu, personne ne peut détruire l’œuvre du Fils parce qu’il est Dieu lui-même tout autant que le Père. Et leur œuvre commune c’est de faire de nous des fils et des filles…

Tous ceux qui l’écoutent sont ses brebis. Nous l’écoutons et sa Parole parle à notre désir, au désir le plus profond et le plus vrai que nous ayons en nous. Devenir fils et fils de Dieu c’est le sens de notre vie, et personne ne peut donner un autre sens à notre vie, en réalité. La Parole du Seigneur rejoint une intuition qui est déjà dans notre cœur mais que nous ne pourrions pas formuler sans lui. Ses brebis écoutent sa voix et elles écoutent aussi la voix qui est dans leur cœur et qui les appellent à la communion, elles le reconnaissent et elles se reconnaissent elles-mêmes.

Dans le verset qui précède l’Évangile que nous avons proclamé, le Seigneur dit que ses interlocuteurs ne le croient pas parce qu’ils ne sont pas ses brebis. Ce sont des paroles terribles. Le Seigneur ne dit pas que des personnes ignorantes ne sont pas ses brebis, non il dit que des personnes qui ont la révélation comme ses interlocuteurs, et qui voient les œuvres du Père et du Fils et ne recherchent pas la communion ne sont pas ses brebis parce qu’elles ne le reconnaissent pas ni ne se reconnaissent elles-mêmes.

Il faut bien voir que nous sommes tous des brebis dispersées, qui vivent ou vivaient dans le péché. Nous étions tombées dans le ravin et il est venu nous chercher. Et si nous sommes ici aujourd’hui c’est parce que nous l’avons accueilli dans notre vie. Il vient nous chercher là où nous sommes, dans le péché, il prend sur lui notre péché pour être avec nous là où nous sommes réellement et pas ailleurs. Mais nous pouvons aussi le refuser.

Il est important pour nous qui nous sommes éloignés du Seigneur et avons été ramenés auprès de lui, que nous témoignions de cette communion. Cette communion est possible, certes elle sera parfaite seulement dans le monde futur – mais elle a commencé avec Lui dans ce monde et elle doit continuer à grandir en ce monde et nous devons la témoigner. C’est le sens de la doctrine sociale de l’Église.

Nous ne sommes pas des brebis dans le sens que nous n’avons pas de volonté propre. Nous ne devons pas concevoir le troupeau comme un ensemble d’êtres sans volonté. Nous n’avons qu’à nous mettre à mener des troupeaux à droite à gauche et nous verrons que les animaux ont beaucoup de volonté propre, et bien entendu nous en avons plus encore. Non, quand il nous prend dans sa main il s’agit de nous rendre notre liberté, notre dignité, pour devenir des fils et des filles de Dieu.

Lui il est le Bon Pasteur, mais il est un pasteur d’un genre particulier. Dans l’Évangile de Jean il dit qu’il engage sa vie pour ses brebis et qu’il la recueille de nouveau. C’est-à-dire qu’il nous fait devenir des pasteurs nous aussi – c’est en cela aussi qu’il est le Bon Pasteur et qu’il donne sa vie pour ses brebis.

Ce n’est pas seulement notre nouveau Pape qui est pasteur, ni seulement tous les évêques et tous les prêtres, mais c’est chacun de ses disciples qui est appelé à devenir pasteur.  Il le dit dans l’évangile de Matthieu : Si un de vous a cent brebis et qu’une s’égare est-ce qu’il ne laisse pas les 99 autres pour aller chercher celle qui est perdue ? – il nous parle comme à des pasteurs, à des pasteurs en herbe.

Et puis il dit aussitôt, toujours dans l’Évangile de Matthieu : Si ton frère a un tort envers la communauté va le voir toi seul et s’il t’écoute tu as gagné ton frère ; et s’il ne t’écoute va le voir avec un autre et celui-ci lui parlera ; s’il ne l’écoute pas lui non plus alors que toute la communauté lui parle… Le Seigneur nous parle bien comme a des pasteurs. Il engage sa vie en nous, il nous fait devenir entièrement comme Lui. Le Seigneur fait toujours ainsi, il nous donne tout de Lui-même, sans réserve…

Nous sommes toujours des brebis parce que nous sommes dans sa main et sans lui nous ne pouvons rien, mais il nous fait devenir aussi des pasteurs – nous devenons des pasteurs selon son cœur en l’ayant au milieu de nous, comme sauveur, comme guide et comme modèle. Chacun selon notre charisme, notre appel, nous pouvons être formés par Lui et agir en Lui. Lui est au milieu de nous, et si nous nous laissons guider par Lui il nous transmet sa mission en totalité.

Homélie du père Justin, Dimanche du Bon Pasteur, IV Dimanche de Pâques, Jn 10,27-302025-05-15T09:33:07+02:00

Homélie du Père Justin, Dimanche de la Miséricorde, Octave de Pâques, Jn 20,19-31

Chers frères et sœurs, nous fêtons toujours aujourd’hui la Résurrection de notre Seigneur, dans cette octave de Pâques, mais aussi sa Miséricorde.

C’est à la lumière de la Résurrection que les premiers disciples ont revu l’œuvre du Seigneur et particulièrement sa Passion et l’ont comprise comme œuvre de Miséricorde.

Et quand nous revoyons son œuvre, nous revoyons notre œuvre aussi dans la même lumière, nous nous reconnaissons pécheurs et nous faisons l’expérience de sa Miséricorde, l’expérience du Ressuscité.

Et à ce sujet il est important de reprendre un peu la traduction de l’Évangile de Jean que nous avons proclamé aujourd’hui.

En réalité le Seigneur parle au passé, il ne dit pas Heureux ceux qui croient sans avoir vu, mais Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu ; donc le Seigneur dit à Thomas Parce que tu vois tu crois, heureux ceux qui ont cru sans avoir vu.

Le Seigneur parle au passé, il parle des justes de l’Ancienne Alliance, des patriarches, Abraham en tête, il parle des prophètes, de tous les justes connus ou anonymes qui ont cru.

Ils ont cru dans l’avènement du Messie sans savoir quand ce jour viendrait, mais ils se sont réjouis et ont ordonné toute leur vie à ce Messie qu’ils attendaient.

Ils ont vécu dignement dans cette attente, selon leurs forces, et très solennellement le Seigneur les déclare Bienheureux, ils connaissent le salut bien qu’ils ne l’aient pas rencontré en personne de leur vivant.

Mais toi Thomas et avec toi tous les apôtres et nous tous, tous ses disciples, tu reçois et nous recevons une foi nouvelle où nous faisons l’expérience de Jésus-Christ mort et ressuscité parmi nous.

Et avec lui nous aussi nous renaissons, nous passons de la mort à la vie, de la mort du péché, du mal qui domine notre existence à la vie de la présence de Jésus parmi nous.

Tous les disciples font l’expérience de Jésus, du Ressuscité. Les apôtres l’ont vu, les femmes avant eux l’ont vu, saint Paul nous dit qu’il est apparu à 500 personnes à la fois. Mais aussi tout le peuple chrétien, dans la liturgie, dans sa Parole, dans l’Eucharistie, et de mille manières d’une façon particulière à chacun, tout le peule fait l’expérience de Jésus ressuscité.

Nous voyons et nous croyons, c’est les deux à la fois, c’est une foi et une vie nouvelles. Ce que nous croyons déborde ce que nous voyons, mais nous voyons, nous expérimentons la présence du Seigneur.

C’est très important de ne pas passer à côté de notre propre foi, de notre spiritualité propre de chrétiens.

Et tout autant il est important de ne pas occuper le terrain spirituel d’autres fois, d’autres spiritualités – la spiritualité de qui croit sans voir, sans connaitre le Seigneur personnellement.

Le Seigneur reconnait solennellement la valeur de la foi de l’Ancienne Alliance, de la foi juive : même en demeurant dans l’ignorance du Christ la foi sauve – du moment que l’ignorance du Christ est sans malignité.

C’est important de reconnaitre cette valeur et de voir que Jésus la reconnait. Dans l’évangile de Jean nous avons souvent l’impression que la vision de Juifs est très négative, pour leur hostilité à Jésus. Mais il y a en même temps de nombreux aspects du même évangile qui démontrent la haute estime que nous devons avoir de la foi juive. Par exemple l’évangile de Jean nous dit que le Christ a été immolé la veille de la Pâque juive. Donc si c’est la veille cela veut dire que le sacrifice du Christ ne remplace pas et n’élimine pas la Pâque des Juifs.

Mais cette reconnaissance solennelle de la part du Seigneur vaut pour toute forme de foi ou de spiritualité où un salut est attendu qui est tel que nous vivons en accord avec les préceptes et les enseignements fondamentaux du Seigneur. A tous, le Seigneur dit Bienheureux…

Dans notre foi chrétienne nous faisons l’expérience du Ressuscité dans notre vie de tous les jours, et c’est ce que les Évangiles nous disent durant tout ce temps de Pâques.

Les Évangiles ne nous montrent pas Jésus sortant du tombeau – même si bien entendu il en sorti – mais ils nous montrent ce qui se passe dans la vie de ses disciples.

Nous les voyons dans la peur, dans l’incompréhension, dans le désespoir, mais l’annonce de la Résurrection du Seigneur et leur rencontre avec lui les fait passer de la mort à la vie, ils ont part à sa Résurrection.

C’est cela la Résurrection du Seigneur, c’est le commencement de notre résurrection !

Le Seigneur nous dit La paix soit avec vous – il nous le dit trois fois dans cet Évangile.

Tour d’abord la paix soit avec vous dans le sens où tous vos péchés vous sont pardonnés et surtout dans le sens que le Seigneur n’a aucune espèce de rancœur envers nous parce que nous l’avons abandonné.

Ensuite la paix soit avec vous dans le sens où du moment que vous êtes en paix avec le Seigneur et avec vous-mêmes, alors vous allez apporter cette paix à toutes les personnes que vous rencontrerez.

Et puis la paix soit avec vous dans le sens où cette paix vient du Seigneur et peut seulement venir de lui, alors en la partageant vous ferez connaitre le Seigneur autour de vous, vous le ferez expérimenter et rencontrer comme vous-mêmes vous le rencontrez.

A ceux à qui vous pardonnerez il sera pardonné, à ceux à qui vous ne pardonnerez pas il ne sera pas pardonné.

Non pas dans le sens que certains seront condamnés – cela ne dépend pas de vous – mais dans le sens que vous allez pardonner progressivement, vous allez grandir dans la grâce, vous allez vous libérer du mal vous-mêmes progressivement et  vous arriverez à pardonner davantage.

Homélie du Père Justin, Dimanche de la Miséricorde, Octave de Pâques, Jn 20,19-312025-05-15T09:35:16+02:00

Homélie du père Justin, III Dimanche de Carême (Année C) Lc 13,1-9

Chers frères et sœurs, le Seigneur est interrompu dans son enseignement par une nouvelle dramatique, des Israélites ont été tués dans le Temple par des Romains. Ils sont morts au sein d’une double profanation : en entrant dans le Temple les Romains l’ont profané et en répandant le sang ils l’ont profané encore.

Donc ces Israélites sont morts dans cette double profanation – c’est comme dire qu’il n’y a pas de pire mort que la leur, il n’y a pas de plus grande honte que la leur. Cela signifie – aux yeux du peuple – qu’ils sont coupables envers Dieu de péchés extrêmement graves.

Ainsi pense le peuple entrainé par les théologiens du temps… Selon leur théologie, Dieu nous punit pour nos péchés et plus nos péchés sont graves plus le châtiment est grave, dramatique, spectaculaire – cela peut être une mort violente ou une maladie grave, une infirmité.

Le Seigneur est très frappé par ce comportement de ses contemporains. Il voit qu’ils jugent, qu’ils sont tous en train de conclure immédiatement à la culpabilité de ces hommes. Et il se rappelle d’un autre cas où il avait vu le même comportement, lors de la chute de la tour de Siloé. Là aussi les hommes morts écrasés par la tour ont été jugés immédiatement par l’opinion comme coupables de grands crimes devant Dieu.

L’Évangile nous montre que le Seigneur est très sensible à cette question du jugement que nous portons les uns sur les autres. Il interrompt son enseignement et il donne des admonitions, il rappelle ce qui est arrivé dans d’autres cas semblables…

Et il dit à ses auditeurs que s’ils ne se convertissent pas ils mourront tous de la même manière. C’est-à-dire que s’ils jugent sans miséricorde alors comment feront-ils eux-mêmes à supporter le jugement quand ils se verront dans la lumière avec leur péché ? Pour le moment ils jugent autrui et ils en retirent une certaine satisfaction, il se sentent justifiés par le sort d’autrui… Mais quand ils seront jugés, quand ils verront que ceux qu’ils ont méprisés ont vécu une vie plus sainte que la leur, est-ce qu’ils le supporteront, est-ce que la honte ne sera pas trop forte ?

Dans le jugement nous verrons, oui, le regard miséricordieux de Dieu, mais nous nous verrons aussi nous-mêmes tels que nous sommes. Le Seigneur nous donne cette admonition de se considérer plutôt eux-mêmes comme pécheurs dès maintenant.

Le Seigneur est très sensible à cette question, non seulement il interrompt son enseignement pour en donner un autre, mais il donne aussi une parabole, il manifeste d’avoir une parabole à laquelle il a déjà pensé à ce sujet. Cette parabole nous parle du propriétaire d’une vigne qui commande au vigneron de couper le figuier qui ne porte pas de fruit…

Si nous regardons bien ce qui se passe dans la parabole, le propriétaire ne considère pas seulement le figuier mais surtout la terre. Il dit Pourquoi est-ce que le figuier doit consommer l’aliment qui est dans la terre sans donner de fruit, alors que cet aliment pourrait être consommé par la vigne pour qu’elle donne plus de fruit ? Donc il a un point de vue plus profond que le nôtre – nous, nous aurions tendance à ne regarder que le figuier et à le juger ; lui, il regarde surtout la terre.

Et puis il ne commande pas purement et simplement de couper le figuier mais surtout il consulte le vigneron, il reconnait implicitement que le vigneron est plus expert que lui et il l’interroge. Et le vigneron à son tour regarde lui aussi la terre mais encore plus en profondeur…

Et il dit Oui peut-être… peut-être que le figuier consomme l’aliment qui est dans la terre et ne donne pas de fruit – mais peut-être aussi que l’aliment est dans la terre mais n’arrive pas jusqu’au figuier auquel cas il faut bêcher la terre, ou bien l’aliment manque-t-il dans la terre alors il faut mettre de l’engrais…

Il a un point de vue plus profond encore et il temporise – il en sait davantage et il hésite davantage avant de conclure, mais le propriétaire déjà lui aussi avait temporisé pendant trois ans avant de penser à le couper.

La parabole nous dit : Plus on est expert plus on temporise, plus on en sait moins on condamne. Et la parabole ne conclue pas, elle ne nous enseigne pas à juger, elle ne nous enseigne pas à conclure nous-mêmes définitivement.

Elle nous enseigne que comme le propriétaire, comme le vigneron sont responsables des soins donnés au figuier, nous sommes responsables de la croissance les uns des autres. Nous sommes responsables parce que nous nous donnons les uns aux autres les conditions – ou nous ne les donnons pas – de grandir humainement et spirituellement.

Comme le propriétaire et le vigneron nous sommes une image imparfaite de Dieu, nous sommes comme des dieux les uns pour les autres. Quand nous jugeons nous ne nous rendons pas compte à quel point nous nous enfermons les uns les autres dans une prison, nous nous limitons, nous nous privons de la vie.

Au contraire si nous ne nous condamnons pas mais donnons ce qui est nécessaire à la croissance – l’écoute, la patience, tous les biens possibles – alors chacun aura la possibilité de grandir et donner du fruit, selon son propre mystère et selon le mystère de Dieu.

Homélie du père Justin, III Dimanche de Carême (Année C) Lc 13,1-92025-03-23T16:25:34+01:00

Homélie du père Justin, IIème Dimanche de Carême (Année C), Lc 9,28b-36

Chers frères et sœurs, les paroles que nous avons entendues prononcées par la voie dans la nuée : Celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le – ces paroles nous rappellent le Baptême de Jésus, à cette différence que dans le baptême de Jésus nous n’entendons pas ces mots en particulier : Écoutez-le.

Mais le baptême de Jésus nous pourrions en parler en dehors de la sainte Messe, en dehors de l’église, et même en dehors de la communauté chrétienne. On pourrait en parler avec qui que ce soit et dire que Jésus est le Fils éternel de Dieu qui est descendu du Ciel pour vivre parmi nous.

Tandis que cette page évangélique de la Transfiguration, il ne convient pas d’en parler en dehors de la communauté chrétienne et même je dirais en dehors de la sainte Messe.

Parce que cet Évangile nous donne une vision de l’Église, et cette vision de l’Église nous est donnée dans l’Église et elle nous est donnée par l’Église – seulement dans l’Église il est possible de la contempler. En haut de cette montagne nous sommes comme en un point en dehors du temps où nous avons ensemble une vision très forte de l’Église.

Vous avez entendu que Jésus a porté avec lui en haut de la montagne Pierre, Jacques et Jean. Et saint Paul nous le dit : Pierre, Jacques et Jean sont les piliers de l’Église en son temps, ils le sont d’une certaine façon jusqu’à aujourd’hui. Dans cette page de l’Évangile vous avez entendu que Pierre se propose de faire trois tentes, une pour Jésus, une pour Moise et une pour Elie.

Les tentes parmi les Israélites rappellent les quarante années passés dans le désert où le peuple d’Israël vivait dans des tentes. Mais ces tentes qu’évoque Pierre rappellent surtout la tente du Rendez-vous, la tente qui se trouvait dressée en dehors du campement et dans laquelle la nuée descendait et remplissait la tente et Dieu était dans la nuée – et Moise entrait dans la tente et parlait avec Dieu.

L’Évangile nous dit que Pierre ne savait pas ce qu’il disait. Il ne sait pas ce qu’il dit déjà parce qu’il est difficile de faire trois tentes comme cela en haut d’une montagne… Mais surtout parce qu’en réalité Jésus a déjà pourvu aux trois tentes.

Les tentes en question ce sont Pierre, Jacques et Jean eux-mêmes, c’est sur eux que la nuée descend, et chacun d’eux se trouve être rempli de la nuée, rempli de la présence de Dieu. Pierre est tente de Jésus Christ, Jacques est tente de Moise et Jean est tente d’Elie.

Et la voix qui résonne dans la nuée en disant : Celui-ci est mon fils, écoutez-le – cette voix désigne Pierre qui est tente du Christ, cette voix nous demande de l’écouter parce qu’il est le vicaire du Christ, comme elle nous demande d’écouter aussi Jacques et Jean. Elle ne nous demande pas d’écouter Jésus parce que lui il est le Fils éternel de Dieu et il va de soi qu’il faut l’écouter.

Pierre est le vicaire du Christ, il est rempli de son Esprit, et comme lui il est au service de l’Église comme pierre de soutien et comme clef de voûte. Pourquoi Pierre ? nous l’avons vu, pour son esprit de service, il se propose spontanément de construire trois tentes.

Et de même Jacques se trouve être tente de Moise et Jean tente d’Elie. C’est-à-dire que Jacques représente une dimension de l’Église qui est celle de la juridiction, de l’institution – et en effet Jacques avait la réputation d’être celui des apôtres le plus porté sur l’observance, comme Moise. Et Jean de son côté représente la partie plus charismatique de l’Église, sur le modèle d’Elie qui est un prophète et un thaumaturge.

Cette vision nous montre quels sont les rapports de la dimension juridique et de la dimension charismatique entre elles. Comme Jacques et Jean sont du même sang et sont disciples du Christ, de même la dimension juridique et la dimension charismatique de l’Église doivent aussi aller ensemble et ont la même source.

L’institution et le charisme ne doivent jamais s’opposer dans l’Église et devenir des principes de division. L’Institution doit toujours se rappeler qu’elle a une origine charismatique, ne pas se scléroser et accueillir la nouveauté. Et le charisme doit savoir qu’il a un destin institutionnel, il doit se responsabiliser et ne pas se complaire dans les marges ou dans l’opposition. Alors l’Église peut grandir et se renouveler.

Cela fait deux mille ans que nous proclamons cet Évangile pendant la liturgie et à chaque fois la communauté chrétienne est rassemblée sur ce mont et a cette vision. L’Esprit descend dans la personne de chaque chrétien et s’exprime à travers chacun d’entre nous.

Cette voix nous dit d’écouter Pierre et ses successeurs bien entendu, mais elle nous dit également d’écouter chacun d’entre nous dans une Église synodale, et pour ce faire il faut aussi nous exprimer chacun véritablement, exprimer ce que nous portons en nous, qui vient de l’Esprit et qui attend de paraitre pour renouveler l’Église et le monde.

Homélie du père Justin, IIème Dimanche de Carême (Année C), Lc 9,28b-362025-03-16T16:44:35+01:00

Homélie du père Justin, Ier dimanche de Carême (Année C), Lc 4,1-13

Chers frères et sœurs quand nous sommes en temps de guerre, des soldats peuvent être faits prisonniers et interrogés, mais aussi des civils. Un civil appartenant à un groupe de résistance par exemple peut être fait prisonnier et interrogé. On le prive de liberté, parfois de nourriture ou de sommeil, de lumière ou au contraire on le prive d’obscurité etc…

Et on l’interroge fréquemment, pendant des jours, des semaines… Et puis s’il ne parle pas, celui qui l’interroge peut essayer une dernière technique. Il peut lui dire : Voilà mes supérieurs ont décidé qu’on devait te relâcher, nous n’avons rien contre toi. Alors on lui rend ses chaussures, sa montre, son portefeuille, sa veste, on lui donne un café et une brioche et on lui dit qu’on va le ramener où on l’avait arrêté.

Et son interrogateur autour du café et de la brioche lui dit sur un ton amical : Allez, entre nous, tu peux me le dire à moi que c’est toi et ton groupe qui avez fait telle chose, tel sabotage… Et parfois le prisonnier avoue, il reconnait que c’était bien lui – c’est arrivé. Il était hors de l’humanité, hors de la vie depuis un mois, désorienté, et tout d’un coup il lui semble de retrouver l’humanité et l’amitié et il cède à la tentation de la main tendue…

C’est un peu ce qui arrive à Jésus, c’est en tout cas ce que le tentateur essaye avec lui. Jésus a tenu quarante jours sans rompre son jeûne, il a été tenté de le rompre pendant ces quarante jours – et là c’est fini les quarante jours sont passés, c’est accompli. Alors le tentateur se présente comme un ami et lui dit : Allez c’est bon maintenant tu peux dire que cette pierre devienne du pain, tu es bien le fils de Dieu, tu l’as démontré, maintenant tu peux manger…

Mais le Seigneur ne veut pas seulement accomplir un prodige en jeûnant quarante jours, il veut nous libérer entièrement, il veut que le diable épuise toutes ses tentations. Le vainqueur de la lutte ce n’est que lui et ce ne peut être que lui – et lui il fait entrer cette victoire dans notre humanité.

Nous devons faire attention quand nous disons qu’il nous enseigne à lutter contre le diable – en réalité lui seul peut lutter contre le diable et remporter la victoire, nous nous le pouvons pas, mais nous bénéficions de sa victoire. Notre Seigneur Jésus Christ est vrai Dieu et vrai homme, et quand il est tenté dans le désert il est tenté essentiellement dans son humanité et au bénéfice de notre humanité. Il vient de recevoir le baptême parmi nous et il est rempli de l’Esprit Saint, et l’Esprit Saint le conduit et le mène dans le désert ; cela signifie qu’il est solidaire de notre humanité et qu’il remplit notre humanité de son Esprit pour que sa victoire soit notre victoire.

Au cœur de notre humanité dorénavant se trouve sa victoire sur le mal. C’est-à-dire que même si nous chutons, même si nous sommes écrasés, même si nous sommes vaincus en apparence par la puissance du mal, du moment que nous désirons toujours être avec le Seigneur, sa victoire, sa grâce sont toujours présentes dans notre cœur et nous sommes toujours vainqueurs en vertu de sa victoire – nous ne sommes pas terrassés par le mal.

Le combat contre le mal est pour nous le moment de nous rapprocher de Jésus et de Marie – Marie qui est notre plus grand soutien et Jésus qui seul nous donne la victoire. Si nous pensons que nous pouvons vaincre le mal, il y a toujours un moment où nous serons terrassés – c’est tout à fait normal – et dans ce moment nous devons conserver le désir d’être avec le Seigneur et lui quand il le veut il manifeste sa victoire dans notre vie.

Dans cet Évangile, le Seigneur nous rend notre dignité et notre liberté pour vivre dans ce monde et il nous montre comment nous sommes appelés à y vivre…

Avant tout le Seigneur dit : L’homme ne vivra pas seulement de pain. C’est-à-dire que les créatures quelles qu’elles soient ne sont pas toutes autour de nous comme des biens de consommation. Quelle importance a une pierre, qu’est-ce que cela peut faire si elle devient du pain ou même si elle disparait ? Le Seigneur ne la traite pas comme un bien de consommation alors nous sommes appelés à ne pas traiter toutes les créatures comme des biens de consommation. Si cela vaut pour une pierre, alors à plus forte raison cela vaut pour toutes les créatures. L’homme cultive et garde la Création, il ne l’exploite pas, mais si au contraire l’homme traite ainsi la création alors lui-même s’avilit, il perd sa dignité.

Dans la deuxième tentation le tentateur dit que tout le pouvoir et la gloire des royaumes de la terre ont été remis entre ses mains. Il laisse entendre que ce pouvoir lui a été remis par Dieu – le tentateur ment toujours d’une manière ou d’une autre. Nous ne devons pas entendre par ses paroles que c’est Dieu qui les a remis entre ses mains – ce serait monstrueux, cela nous ferait sombrer dans le pessimisme – mais que c’est l’homme qui les a remis entre ses mains.

Donc la tentation pour le Seigneur et pour notre humanité c’est de penser : Voilà les hommes ne sont pas capables de faire autrement, ils remettront toujours le pouvoir entre les mains du diable et eux-mêmes ne sont capables d’exercer le pouvoir qu’en adorant le diable. C’est la tentation du découragement social et politique.

Mais au contraire Jésus pense que l’être humain relevé et soutenu par la grâce saura décider de remettre le pouvoir et la gloire des royaumes entre les mains des fils et des filles de Dieu et qu’il sera capable de l’exercer en tant que fils et fille et Dieu, progressivement, même avec des difficultés, jusqu’à la venue définitive du Fils de l’homme à la fin des temps. Donc il répond que lui n’adorera pas le tentateur mais seulement Dieu et il nous donne cette force de nous tourner vers Dieu nous aussi.

Et puis la dernière tentation nous révèle que si nous voulons confier une responsabilité, un pouvoir, un royaume à un fils ou à une fille de Dieu, pour pouvoir identifier ce fils ou cette fille de Dieu il ne faut pas rechercher une personne qui accomplit des prodiges. Les fils et les filles de Dieu ne cherchent pas à accomplir des prodiges parce qu’ils refusent de tenter Dieu, de mettre Dieu à l’épreuve – ils ne traitent pas Dieu comme un instrument pour accroitre leur pouvoir…

Les victoires de Jésus sur le tentateur illuminent notre humanité de l’intérieur, elles nous donnent d’avoir du discernement dans notre vie de tous les jours, personnelle, sociale, politique.

Nous sommes appelés à avoir un rapport avec la Création qui n’est pas de consommation mais de soin et de protection, à avoir un rapport avec notre vie en communauté où nous cherchons à confier les responsabilités à des personnes qui ne cherchent pas à dominer, et qui ne se mettent pas en avant notamment en prétendant accomplir des prodiges – alors le Royaume de Dieu peut commencer à croitre en ce monde.

Le Seigneur en étant vainqueur des tentations au cœur de notre humanité nous rend pleinement capables d’assumer notre mission dans ce monde, qui est de commencer à réaliser son Royaume dans le temps, dans l’attente de son retour dans la gloire.

Homélie du père Justin, Ier dimanche de Carême (Année C), Lc 4,1-132025-03-11T09:14:35+01:00

Homélie du Père Justin, VII Dimanche du TO, Lc 6,27-38 (Année C)

Chers frères et sœurs, le Seigneur nous dit d’aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous font du mal, de bénir ceux qui nous maudissent…

Il n’est pas difficile de se représenter ce que serait le discours inverse : Faites du bien à vos amis, haïssez vos ennemis, bénissez ceux qui vous bénissent, maudissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous font du bien, faites du mal à ceux qui vous font du mal, etc… Cependant, que se passe-t-il si nous agissons de la sorte ?

Nous entrons dans un cercle à l’intérieur duquel nous faisons du bien à nos amis en échange de quoi nous attendons du bien de leur part, tout comme nos amis nous font du bien en attendant du bien de notre part. Nous échangeons des faveurs, nous formons un groupe d’amis par opposition avec un groupe d’ennemis. Les amis de mes amis sont mes amis, les ennemis de mes amis sont mes ennemis. Et nous arrivons à ce que nous appelons du clientélisme.

Et tout ce système est mis en place pour qu’un groupe domine sur un autre groupe et pour que les groupes les plus puissants se partagent des avantages. On entre dans ces groupes pour bénéficier de ces avantages, en général. Sommes-nous libres de cette façon ? nous sommes moins libres que jamais.

Avant tout le Seigneur nous délivre, il nous libère de ces cercles, celui des amis et celui des ennemis. Il nous donne et redonne la liberté des fils et des filles de Dieu. Mais il ne nous donne pas cette liberté dans une sorte de rébellion envers notre société ou de destruction de cette société. Son modèle de société est en contraste radical avec ce que le monde propose, et cependant il ne détruit rien, il nous en fait sortir par le haut. Il nous donne de transfigurer notre vie personnelle et sociale.

Nous continuons à faire du bien à nos amis mais cela n’est plus l’essentiel, l’accent est mis sur le fait de faire du bien tout autant à nos ennemis, pour briser les cercles, sortir des boucles d’aliénation et de haine réciproque. Le Seigneur nous rend libre, il nous rend notre dignité – c’est très important de le percevoir.

Vous avez entendu ce qu’il nous dit : A qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre. C’est un homme libre qui parle, et qui affirme notre liberté et notre dignité. C’est important à comprendre parce que souvent on entend ces paroles dans le sens contraire. Si je reçois une gifle et tends l’autre joue, non seulement ma dignité est en péril mais celle aussi de celui qui me frappe, je l’invite à me frapper une seconde fois…

Mais ça n’est pas ainsi qu’il faut percevoir cet enseignement. Il s’agit pour nous de sortir de la boucle de la violence et de donner l’opportunité à notre voisin de sortir lui aussi de cette boucle par la même occasion. J’affirme ma dignité et sa dignité, ma liberté et sa liberté.

Si on veut mieux comprendre cet enseignement nous pouvons nous souvenir de ce que fait le Seigneur durant son procès, tel qu’il est relaté dans l’Évangile de Jean. Un soldat le frappe sur la joue et le Seigneur bien entendu ne lui rend pas la gifle – pas seulement parce qu’il est attaché ! –mais il lui dit : Si j’ai mal agi, dis-moi en quoi j’ai mal agi ; mais si j’ai bien agi, pourquoi me frappe-tu ? Avec cette question le Seigneur ne répond pas à la violence par la violence – donc il s’en libère lui-même et du coup il donne la possibilité au soldat de sortir de la boucle de la violence lui aussi, il partage cette liberté avec lui. C’est tout ce dont il s’agit dans les paroles de Jésus – même si elles prêtent facilement à confusion.

Les paroles de Jésus sont aussi à comprendre dans le contexte de la noblesse du comportement des fils de Dieu. Cette noblesse nous a été communiquée dans notre création et plus encore dans notre rédemption. Nous voyons cette noblesse chez David, dans la première lecture – dans toute l’histoire de David ce qui nous frappe c’est la noblesse de son comportement. Il est pécheur mais il est noble dans son tempérament et sa noblesse le rapproche d’une justice plus haute, proche de Dieu lui-même. Il refuse de tuer Saul par respect pour lui-même et pour Saul, il montre à Saul qu’il reconnait sa dignité d’élu de Dieu. Mais chaque personne est créée à image de Dieu, est fils et fille de Dieu et a une dignité infinie – chacun de nous est l’élu de Dieu.

Le Seigneur dans cet évangile ne nous donne pas seulement une éthique, une morale nouvelle, plus haute. Mais il nous communique sa propre vie, la vie de Dieu lui-même, de ses fils et de ses filles, la relation qu’ont entre elles les personnes de la Trinité.

Cet évangile nous fait penser à Marie dans l’Annonciation, elle reçoit la visite de l’ange, elle prend une décision personnelle librement et elle dit : Voici la servante du Seigneur et elle devient mère de Dieu. C’est cela qu’elle a perçu et ressenti, une vie nouvelle qui est un amour inconditionnel pour toute l’humanité, pour chaque être, et qui nous confère une dignité extraordinaire. C’est cet amour gratuit, sans condition qu’elle a accueilli dans son sein pour le donner au monde.

C’est cette vie nouvelle que le Seigneur nous demande d’accueillir nous aussi pour transfigurer toutes nos relations, c’est une bonne mesure qui sera versée dans notre sein – une vie nouvelle. Notre justice sera reconnue par Dieu et tôt ou tard par les hommes, parce qu’elle vient de Dieu et que tous en réalité aspirent à elle.

Homélie du Père Justin, VII Dimanche du TO, Lc 6,27-38 (Année C)2025-02-24T17:02:46+01:00
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