« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » – Le commandement nouveau

Frères et sœurs bien-aimés,

Lorsque quelqu’un sent que sa fin approche, ce qu’il dit prend un poids tout particulier. Il ne parle plus pour briller, il parle pour transmettre l’essentiel. C’est ce que fait Jésus en ce soir du Jeudi Saint, alors qu’il vient de laver les pieds de ses disciples, et que Judas sort dans la nuit pour le trahir. C’est dans cette tension dramatique que Jésus prononce les paroles que nous venons d’entendre : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13,34)

Ce commandement est le cœur battant de l’Évangile, le sceau de toute vie chrétienne authentique, la carte d’identité du disciple. Il ne s’agit pas d’aimer un peu, comme on peut, mais comme le Christ lui-même a aimé.

  1. Le Christ nous aime jusqu’à l’extrême

Mais comment le Christ nous a-t-il aimés ?
L’amour du Christ n’est pas un sentiment passager. Il est don total, jusqu’au bout, jusqu’à la Croix. Ce n’est pas un amour qui attend d’être aimé pour aimer en retour. C’est un amour qui prend l’initiative, qui se penche, qui sert, qui pardonne, qui se donne sans mesure.

Saint Jean-Paul II écrivait : « L’amour véritable est une exigence radicale, il ne se satisfait jamais de peu. Il veut le don de la vie. »

Aimer comme Jésus, c’est choisir de laver les pieds, de porter les fardeaux, d’accueillir l’autre tel qu’il est et de lui souhaiter le ciel.

Et cela, ce n’est possible que si nous sommes d’abord aimés par Lui, si nous vivons en communion avec Lui. Voilà pourquoi l’amour chrétien commence toujours par une relation vivante avec Jésus.

🔹 Le pardon héroïque d’un père rwandais
Cette charité jusqu’au bout, certains l’ont vécue dans leur chair.
Quelques années après le génocide rwandais, un père chrétien accepta de rencontrer en prison le jeune homme qui avait massacré toute sa famille sous ses yeux. Lors de cette rencontre organisée par l’Église, il lui dit avec calme : « Tu as tué les miens. Tu m’as tout pris. Mais je suis chrétien. Et mon Sauveur m’a appris à pardonner. Aujourd’hui, je ne veux pas te haïr. Je te pardonne. »

Plus encore : il l’adopta spirituellement pour l’aider à reconstruire sa vie.

Voilà ce qu’est aimer comme Jésus. Ce n’est pas excuser le mal, mais vaincre le mal par un bien plus grand. C’est ce genre d’amour qui transforme le monde, qui construit l’Église, qui fait naître une humanité nouvelle.

  1. Les fruits concrets d’un amour vrai

Dans la première lecture, Paul et Barnabé annoncent la Bonne Nouvelle dans l’épreuve, les oppositions, les tribulations. Pourtant, l’Église se construit. Elle avance, non par la force des structures, mais par la force de l’amour vécu et incarné dans des communautés fidèles.

Ce que saint Jean décrit dans l’Apocalypse – « un ciel nouveau, une terre nouvelle… Il essuiera toute larme de leurs yeux » – ce n’est pas une utopie lointaine : c’est ce que Dieu commence à faire dès maintenant, dans chaque cœur où l’amour véritable triomphe de l’égoïsme. Là où un homme pardonne. Là où une femme relève un autre. Là où une famille aime envers et contre tout. Là, le monde nouveau naît déjà.

  1. Un amour reconnaissable : l’Église missionnaire

Jésus est très clair :« À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »

Ce n’est pas le nombre de nos prières, ni la beauté de nos rites, ni même la justesse de nos enseignements qui témoignent de Dieu d’abord, mais l’amour concret, fraternel, patient, audacieux.

🔹 Madeleine Delbrêl, évangéliser par la charité
Madeleine Delbrêl, mystique du XXe siècle, vivait en milieu ouvrier à Ivry-sur-Seine. Elle ne faisait pas de grands discours, mais vivait un amour fraternel, humble et joyeux au quotidien. Un jour, un vieil homme athée déclara à son sujet :« Moi je ne crois pas en Dieu, mais je crois en Madeleine. Et si Dieu existe, il est comme elle. »

Voilà un témoignage bouleversant. Quand l’amour devient visible, il révèle l’invisible. Quand il devient concret, il parle plus fort que tous nos mots.

Pensons à Mère Teresa :« Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on donne, mais l’amour avec lequel on donne. »

Pensons à Charles de Foucauld :« Quand on aime vraiment, on voudrait tout donner et se donner soi-même. »

L’Église a besoin aujourd’hui de chrétiens dont la vie est évangile, dont la charité parle plus fort que les doctrines, dont l’humilité attire plus que les discours.

  1. bâtir le monde nouveau avec l’amour du Christ

Frères et sœurs, Dieu fait toutes choses nouvelles, dit l’Apocalypse. Et ce n’est pas de la magie. Le monde nouveau naît là où des hommes et des femmes se laissent transformer par le Christ et deviennent à leur tour des bâtisseurs d’amour.

Cette semaine, posons-nous une question simple : qu’ai-je fait aujourd’hui pour aimer comme Jésus ? Ai-je donné mon pardon ? Mon écoute ? Mon temps ? Mon silence ?

Et si aimer comme Jésus semble trop grand pour nous – et c’est vrai –, souvenons-nous que ce commandement est aussi une promesse : Jésus nous donne la grâce de l’accomplir, si nous le laissons aimer en nous.

Aime, et fais ce que tu veux. Si tu te taistais-toi par amour ; si tu parlesparle par amour ; si tu corrigescorrige par amour ; si tu pardonnespardonne par amourAie au fond du cœur la racine de l’amour, de cette racine ne peut rien sortir que de bon.

Saint Augustin.