Mes chers frères et sœurs !

L’’Ascension du Seigneur m’a rappelé l’histoire d’un ami prêtre. Fraîchement sorti du séminaire la même année que moi, il a été nommé vicaire sur un ensemble paroissial assez important et riche pastoralement comme le nôtre. Son curé un quinquagénaire, avait déjà de la bouteille : 23 ans d’ordination, quelqu’un de très très dynamique. Il savait comment s’y prendre pour collaborer avec les laïcs auxquels il déléguait les responsabilités. Cependant, il était aussi un peu partout et maîtrisant presque tous les domaines d’une pastorale paroissiale. C’est dans ce contexte, mon ami, le tout jeune vicaire et « bébé prêtre » comme certains s’amusait à l’appeler par sympathie parfois et ou avec un peu de condescendance à cause de son âge, commence son ministère de prêtre. Il suivait son curé et était porté par le dynamisme et sa créativité pastorale. Son curé qui lui donnait des conseils et lui apprenait à « faire le prêtre » de paroisse.

En effet, entre ce que nous apprenons pendant les années de formation au séminaire, notre vision un peu idéaliste à la sortie du séminaire et la réalité sur terrain, il y a parfois un bon océan à traverser… C’est pour cela qu’après l’ordination, on a besoin encore d’être formé à la réalité de terrain et à la vie concrète de notre vie de pasteur : la joie de l’attachement à une communauté paroissiale qui nous porte qu’on apprend à aimer, la gestion des groupes, l’animation spirituelle, la catéchèse, les funérailles, les mariages et les baptêmes, les services de solidarité….  Il y a aussi quelques difficultés qu’on apprend à affronter comme le poids du travail, la complication de certaines personnalités qu’il faut canaliser, les donneurs des leçons qu’il faut apprendre à recadrer et remettre à leur place, les querelles, la gestion des crises et des conflits entres personnes et groupes, les jalousies, quête de petits pouvoirs chez certaines personnes, le mépris de certaines personnes…  Mais tous cela, on ne l’apprend pas au concrètement pendant les années de séminaire. D’où un temps d’apprentissage, surtout les premières années, pour se rendre compte de la réalité pastorale sur terrain.

Malheureusement, cette communauté va être éprouvée. Très rapidement, le jeune « bébé prêtre vicaire » paroissial va devoir affronter ces problèmes tout seul parce que son curé va mourir d’un cancer foudroyant.  Etant donné le manque de prêtres, l’évêque ne trouvant pas de curé de poigne pour prendre la suite du curé qui vient de mourir, il est bien obligé de demander au jeune vicaire d’assurer la mission de curé, ce qu’il accepte avec obéissance et dans la foi, mais avec crainte et tremblement ne se sentant pas à la hauteur du chantier pastoral qui lui est confié. Il va falloir assurer et gérer sans s’y être vraiment préparé.  Ce qui est arrivé à l’abbé Lionel arrive à beaucoup de personnes qui, dans les familles, les entreprises, les associations… on est appelé à assumer une grosse responsabilité au pied levé parce que le parent, le chef, le patron tombe malade ou décède brusquement.

C’est une situation similaire que les Apôtres de Jésus ont vécue à l’Ascension. Ils sont là, tristes, démunis et remplis des questions. La joie de la résurrection a été de très courte durée (40 jours seulement) car immédiatement après, Jésus va de nouveau les quitter physiquement, et cette fois-ci, de manière définitive. Celui qui leur était visible, qu’ils ont vu, touché, écouté, avec qui ils ont mangé, qui a fait des miracles, le rabbi charismatique qui les guidait pendant trois années de ministère public, le voilà qui s’en va et il va falloir que les apôtres apprennent à faire et à vivre sans sa présence physique. Ils doivent le rencontrer autrement et le manifester au monde à travers le témoignage de leur vie et par leur foi au quotidien.  Les apôtres ne s’y sont pas préparés et doivent s’appuyer sur sa promesse d’être toujours à leurs côtés : « Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient » et le Saint Esprit qu’il promet de leur envoyer.

Telle est la mission des disciples : être témoin du Christ en s’appuyant sur sa présence invisible, mais réelle et vivante. Les disciples s’appuient sur la Foi que le Ressuscité, invisible aux yeux de chair, est cependant présent et agissant par le biais du Saint Esprit. Jésus nous invite simplement à croire en lui et d’être ses témoins crédibles dans le monde. Devant la peur de la vie ou de la mission, la foi nous invite à réagir dans la confiance, ne pas rester passif, à se bouger convaincus que nous ne sommes jamais seuls dans notre vie. Même au cœur de la solitude de notre chambre, retentissent dans le cœur de chaque baptisé cette promesse et ces paroles de Jésus avant de s’en aller vers le Père : « Je suis avec toi, tu peux compter sur moi ? Si tu me fais confiance, tu peux y arriver, si tu te bouges en s’appuyant sur moi, je ne te lâcherai jamais. Fais-moi confiance !  Je vais t’envoyer un Défenseur, un avocat, le Saint Esprit ».

Avec le don du Saint Esprit à la Pentecôte, les apôtres vont passer de la peur au témoignage de la foi, de l’angoisse à la confiance d’annoncer la Bonne Nouvelle. Ils peuvent maintenant mettre en œuvre l’appel de Jésus : « Allez dans le monde entier. Proclamer l’Evangile à toute la création ».  L’Esprit Saint les rendra courageux dans la mission, affermira et purifiera leur foi. Ils passent d’une foi infantile, la foi de la facilité, celle de l’enfant qui se laisse porter par les parents, quand il se fait coucouner, chouchouter, dorloter, la foi idéaliste où nous sommes comme sur un nuage à la foi adulte et réaliste qui nous apprend à nous prendre en main, à affronter les défis de la vie humaine et de la mission en nous appuyant sur un Dieu invisible mais réellement présent.

Par le Saint Esprit reçu, Jésus nous rappelle qu’il est avec nous depuis le baptême quand nous avons été marqués du saint-chrême pour devenir demeure de Dieu et temple du Saint Esprit. Désormais, marqué du Saint Esprit, le chrétien doit pouvoir dire, comme saint Paul « ce n’est plus moi qui vis, ce n’est plus moi qui agis : c’est le Christ qui vit et agit en moi et par moi grâce au Saint Esprit qui m’a été donné ». C’est le Saint Esprit qui actualise et rend vivante et réelle la présence du Seigneur dans notre quotidien. Cette présence vivante du Ressuscité se réalise dans notre vie et dans l’Eglise à travers les sacrements que nous vivons.

A partir de ce soir, je vous invite à faire une neuvaine au Saint Esprit car neuf jours nous séparent de la Pentecôte.  Au cours de cette neuvaine, invoquons le Saint Esprit sur ceux qui vont recevoir le sacrement du baptême, sur ceux qui vont se marier, les enfants qui vivent actuellement leur à la première communion, les adultes qui vont recevoir le sacrement de confirmation…. Jésus, qui siège désormais à la droite du Père est pourtant réellement présent dans tous ces sacrements qui, reçus et vécus dans la foi, affermissent et vivifient le dynamisme missionnaire de chaque baptisé, de chaque communauté ecclésiale appelée à manifester au monde que le Christ est vraiment vivant aujourd’hui encore, jusqu’à la fin des temps, comme il nous l’a promis avant de monter aux cieux, pour siéger à la droite du Père où il est allé nous préparer une place. Amen.