Mes chers frères et sœurs !

Le carême, est le temps liturgique nous aimons le moins. ! Le carême, non merci ! On y parle trop de lasouffrance, du désert, de la croix, des épreuves, des douleurs, des tentations, du péché, de la mort… Bref, de tout ce dontnous aimerions ne pas entendre parler. Ce n’est pas comme le temps de l’Avent avec les lumières, les fleurs, les 4 bougies, la crèche En carême, on évite de fleurir les églises.L’ambiance liturgique est austère. Même au Congo, on évitela dance pendant le carême ! Un temps qu’on aimerait voir passer rapidement, mais manque de pot, l’Eglise propose 40 jours, moins les dimanches pour vivre le carême. Pourquoi appuyer là où ça fait déjà très mal avec ces réalités rappelées encore et encore pendant le carême ! Notre vie est déjà presque le passage dans une succession des déserts. Nous voyons s’écrouler nos espérances d’un monde de paix et detolérance, la crise écologique s’amplifie, nous passons d’une guerre à une autre, les communautés chrétiennes sont en crise ou se vident, ou se déchirent de l’intérieur. Les relations humaines sont de plus en plus problématiques, compliquées,un peu plus toxiques. Alors, le carême, non merci ! Nous préférons passer directement au temps pascal !

Essayons de lutter cette tentation de supprimer le carême pour donner sens à notre désert, trouver une signification à ce que nous vivons, surtout si cela est éprouvant et douloureux. Prenons de la hauteur pourregarder les choses autrement. Vivons notre désert, vivons-le vraiment et pleinement. Alors, le carême sera un temps béniparce qu’il va nous réveiller, nous secouer, et briser cette glace froide qui engourdit notre vie. Levons les yeux !Rappelons-nous que nous avons une âme ! Faisons mourir l’activisme, la colère, la désolation, le pessimisme. Faisons revivre la foi, l’espérance et l’amour ! Retrouvons desrelations vraies !  Au lieu de fuir le désert du carême, prenons la décision d’y aller avec Jésus pour affronter nos peurs et nos tentations, et en sortir vainqueurs avec lui.

Dans la tradition biblique, le désert est le lieu de tentation, de fatigue, d’épreuve extrême. Le désert nous pousse à aller au bout de nous-même, à fournir des gros efforts. Pas besoin d’aller chercher le désert ailleurs parce quele quotidien nous l’impose. Pour Israël, le désert est aussi le lieu où l’on peut de nouveau retrouver l’amour, séduire de nouveau l’être aimé en parlant à son cœur, revenir à l’essentiel. C’est donc un paradoxe : le désert est un lieu d’épreuve et de lumière, de douleur et de joie, d’amour et de fatigue. Notre vie est ainsi faite ! Le carême nous invite à poser un regard sur la vie comme expérience de désert à vivre avec Jésus.

 L’évangile des tentations dans le désert est un classique du premier dimanche de Carême chaque année. Saint Marc donne très peu de place aux tentations de Jésus, contrairement à Matthieu et Luc. Pas des détails, aucune description. En unverset, saint Marc a tout dit, non pas parce qu’il est distrait ou superficiel, mais certainement par excès de synthèse théologique. Il écrit : « Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. ». Parfois, le saint Esprit nous pousse au désert comme il l’a fait avec Jésus ! Il nous y pousse alors que nous n’avons ni l’envie ni la volonté d’y aller parce que nous préférons vivre au cœur de nos villes avec tous les bruits qui nous entourent. Nous avons du mal à rester seul, le silence et la solitude nous font peur ! Peut-être et surtout, parce que la société ne nous apprend pas à habiter le silence et à le faire fleurir. Nous voyons beaucoup de gens qui se promènent seuls, ou dans le métro mais qui ont des écouteurs, des casques sur les deux oreilles. Il nous faut du bruit, de la musique, des sons…. Et pourtant nous sommes capables de faire silence. J’entends dire que les enfants ne savent pas se taire et faire silence ! Mais c’est faux ! Lors de séance KT et même de l’éveil à la foi, les tout-petits nousimpressionnent par leur capacité à faire silence.

Le silence, l’épreuve, la soif, la solitude du désert peuvent être féconds, comme la croix du Christ a porté des fruits du salut. Le saint Esprit, pendant le temps du carême,pour invite à chercher cette fécondité en habitant notre propredésert. C’est alors que la douleur devient une opportunité pour aller à l’essentiel, à poser des choix, prendre les bonnes décisions, réconcilier nos relations. Jésus est passé par là aussi ! Avant de se lancer dans la mission, il a affronté les tentations, c’est-à-dire qu’il a fallu qu’il pose des choix, qu’il discerne pour choisir ce qu’il faut détruire et ce qu’il faut construire. Que ce carême nous permette de vivre la même démarche.  

Un détail incroyable m’a touché dans cet évangile : « Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient. »Jésus vit avec les bêtes sauvages et en parfaite harmonie, comme saint Jérôme avec le lion, ou saint François d’Assises avec les loups ! Et les anges sont là, au service. Ce texte a fait appel en moi à un autre texte que nous écoutons pendant le temps de l’Avent, quand Isaïe nous parle de l’harmoniequ’apporte le Messie : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâture, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra ; sur le trou de la vipère, l’enfant étendra la main. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. » (Is 11, 6-9)

Au jardin d’Eden, avant le péché, c’est l’harmonie qui régnait dans toute la création, entre toutes les créatures. Après le péché d’Adam et Eve, Dieu les a chassés du Jardin et a placé les anges comme gardien du Jardin, pour que l’homme ne puisse pas y retourner.  Au désert, en vivant avec les bêtes sauvages et bénéficiant du service des anges, Jésusrévèle comme le nouvel Adam qui vient restaurer cette harmonie originelle avec la création, avec le cosmos, avec les autres créatures. Jésus veut restaurer en nous cette harmonie que le péché est venu casser en détruisant en nous l’image et la ressemblance de Dieu.

La création a été une œuvre merveilleuse de Dieu, mais le salut apporté à travers la Passion et la Résurrection du Christ est une œuvre plus merveilleuse encore. Par allégorie, les bêtes sauvages représentent ce qui nous fait peur ! Dans le désert de ce carême, Jésus nous invite à accepter ces bêtes sauvages, accepter nos fragilités, nos peurs, reconnaître ce qui, en nous, à travers nous et autour de nous fait mal pour leprésenter à Jésus qui peut nous guérir, nous transformer,nous convertir et transfigurer notre vie et notre monde !C’est seulement à cette condition que les anges pourront nous annoncer notre propre résurrection avec le Christ au matin de Pâques. Amen.