Mes chers frères et sœurs,

Noël approche, mais le contexte est difficile ! Si chaque année, à l’approche de Noël, on parle beaucoup de courses, shopping, de cadeaux, des repas familiaux… cette année, nous voyons que tout cela est mis à mal par la crise sanitaire, avec la montée récente des tests positifs, et les dernières mesures gouvernementales. Pas de besoin de polémiquer entre le Black Friday que certains voulaient voir remplacé par le Green Friday, l’espérance de se retrouver en famille qui se heurte à la jauge de 6 personnes, en évitant d’embrasser les grands-parents ! Beaucoup hésitent encore à aller voir les grands-parents, ou ceux-ci leur ont demandé de ne pas venir… pour ne pas les mettre en danger.  Au niveau ecclésial, nous espérions un Noël célébré sans trop contraintes et jauge, mais là aussi, nous devons faire avec les mesures actuelles. Je pense aussi à ceux parmi nous qui sont inquiets pour leur vie professionnelle, le boulot perdu ou qu’ils risquent de perdre d’ici janvier.  Tout cela nous inquiète à 10 jours de Noël.

Alors, comment garder la joie ? Comment se réjouir et donner de la joie autour de nous dans ce contexte ? C’est pourtant l’appel de la Parole de Dieu de ce troisième dimanche de l’Avent appelé aussi le « Gaudete ». En effet, la liturgie nous appelle à vaincre la peur, le pessimisme, les inquiétudes et la méfiance…qui nous empêcheraient d’entrer déjà dans la joie de Noël : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. » nous dit Isaïe dans la première lecture. Le Psaume du jour reprend le cantique d’action de grâce de Marie qu’on appelle le Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! ». Dans la deuxième lecture, saint Paul nous dit : « Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus »

Pour entrer dans la joie de Noël, déjà aujourd’hui, en dépit du contexte, demandons au Seigneur d’ouvrir nos yeux, nos oreilles pour voir sa présence et tout ce qu’il accomplit en nous et à travers nous, à travers ces hommes et femmes qui, aujourd’hui encore, sont des témoignages vivants qu’un monde meilleur, plus fraternel, plus juste, plus solidaire est possible. Soyons dans la joie de contempler autour de nous des gens qui ont envie de partager. Je pense en particulier à des organisations comme le CCFD pour lequel nous faisons la quête ce dimanche.  Des gens partagent et accueillent, parce qu’en accueillant les autres, nous accueillons Jésus qui pris notre humanité avec ses souffrances. Quelle joie d’appeler un paroissien ce jeudi matin et de l’entendre dire : «  non, je ne suis pas au travail, mais au Resto du Cœur pour donner un coup de main ! ». Des parents,  animateurs d’aumônerie, adultes et jeunes de notre ensemble paroissial qui, il y a quelques jours ont passé la journée dans les commerces pour la collecte de la  Banque Alimentaire ! ». D’autres  qui font des maraudes avec les jeunes de notre ensemble paroissial… Cette semaine, avec deux paroissiens, nous avons passé presque des heures à essayer trouver un logement pour une famille d’immigrée, 5 enfant dont l’ainé à 6 ans et les trois derniers, des triplets, ont deux à peine, mais qui sont expulsés de l’appart city om ils étaient logés et qui risquent, en pleine hiver et pendant la crise sanitaire, de se retrouver dans la rue ! Et le soir, une animatrice d’aumônerie qui me dit : « Père Joseph, cette famille peut venir chez moi mardi. Certes c’est temporaire, mais il ne faut pas les laisser dehors en pleine hiver ! » et dans la foulée, une autre paroissienne qui proposer d’accueillir cette famille pour un mois. Nous avons appris que 20 étudiants ont demandé le baptême à la paroisse étudiante depuis la rentrée. Des adultes et des jeunes, de plus en plus nombreux retrouvent ou reviennent à la foi, demandant le baptême, la communion ou la confirmation sur notre ensemble paroissial.  Je pense aussi à tous ces engagements pastoraux, associatifs, dans les groupes et mouvements que beaucoup autour de nous déploient pour que la vie continue !

Tous ces exemples sont source de joie qui va au-delà du climat maussade que nous traversons, et nous montrent que Jésus est venu nous transmettre la joie d’une vie pleine et heureuse de la part de son Père, une joie qu’aucune situation malheureuse ne devrait nous voler. Ne vous laissez pas voler votre joie d’être aimé par Dieu, en Jésus, dirait le pape François. C’est pour cela que nous devons avoir un regard qui sache voir plus loin, au-delà de l’immédiat, de l’ici et maintenant, pour réaliser que notre monde peut changer et qu’il est d’ailleurs en train de changer par cette prise de conscience collective que l’incarnation de Dieu à Noël est source de joie parce que Jésus se fait l’un de nous pour nous transmettre la vie en plénitude.

Se réjouir n’est pas d’abord une émotion, mais un geste de volonté. Nous pouvons être dans la joie, même au cœur de nos épreuves.  La joie chrétienne n’est pas la joie passagère de nos moments de bonheur paisible, d’excitation physique ou émotionnelle, l’entrain de nos satisfactions, la joie fragile selon les saisons de l’âme ! Pour la foi chrétienne, la joie n’est pas l’ennemi de la souffrance et des drames de la vie ! La preuve, c’est que nous croyons en un Dieu qui est passé par le drame du rejet et de la mort en croix. La joie chrétienne n’est pas une joie passagère comme le retour du soleil après l’orage ou du printemps après l’hiver, mais une joie inaltérable, joie du disciple qui croit au Christ vivant et qui reçoit de lui une vie capable de traverser même la mort. Dans ce que nous vivons aujourd’hui, dans nos épreuves, dans les secousses du monde, il nous faut garder cette joie profonde, la joie d’être frères et sœurs du Christ dans nos épreuves, la joie de l’amour indéfectible du Père. Jésus nous a dit que rien ne peut nous arracher de sa main ni de la main du Père.

C’est l’espérance qui fonde cette joie qui me permet de vivre la douleur actuelle avec confiance. Cela se nourrit dans la prière. C’est dans le cœur de Jésus que nous puisons la joie véritable. Il nous dit en effet que si nous croyons en lui et suivons ses commandements nous serons dans la joie, et notre joie sera parfaite !  Saint Paul le dit aussi aux Thessaloniciens. Il s’agit ici d’une prière qui n’est pas l’insistante demande que Dieu résolve nos problèmes, mais l’abandon confiant en Celui qui peut me donner la force d’affronter toute sorte de nuit et de douleur. « Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance ». Il est encore possible de grandir dans l’action de grâce, dans prière de joie et de louange, en dépit de nos épreuves. Dommage que le confinement nous ait privé de notre soirée de louange pendant le temps de l’Avent, mais j’espère nos maisons sont de lieux de louange et de cette joie d’être infiniment aimés de Lui.  Le Christ peut apporter cette joie dans nos cœurs si nous le désirons, en laissant que l’intériorité reprenne toute sa place dans notre vie personnelle, car seule âme qui cultive l’intériorité et la prière grandit dans la joie douce que donne le Saint Esprit qui souffle sur nous comme une brise légère et se laisser habiter par la joie de Dieu, au cœur de nos vies tourmentées, en reconnaissant nos limites.

Pour cela, nous devons connaitre qui nous sommes vraiment, connaitre notre identité profonde, notre vocation, trouver ce à quoi Dieu nous appelle, au lieu de porter des masques (je ne parle pas des masques antiCovid, même si j’espère et prie que nous en soyons libérés le plus vite possible !). Porter un masque, pour moi ici, c’est cette tentation que nous avons à mener une vie théâtrale, dans laquelle nous jouons des rôles qui ne nous appartiennent pas vraiment. Nous devons trouver notre voie, chercher la vérité de notre vie et reconnaitre nos limites comme Jean-Baptiste qui reçoit la visite des envoyés du sanhédrin. Ceux-ci l’interrogent sur sa mission et son identité. Jean est tellement vrai, loin de la culture de l’image, des apparences qu’il n’a pas peur de ces autorités religieuses. Tellement humble, il refuse de profiter de sa notoriété pour gonfler son rôle et sa mission.

« Qui es-tu », lui demandent-ils ? Jean est clair ! « Je ne suis pas le Christ ». Ceux qui l’interrogent auraient bien voulu qu’il réponde par l’affirmative. Jean-Baptiste refuse de prendre la place du Christ, de se faire passer pour Dieu, de céder à la plus sournoise des tentations, ce délire de toute-puissance qui est en chacun de nous et qui naît de notre orgueil…. Jean-Baptiste veut garder son identité de précurseur, de témoin. Lui aussi, comme les autres pénitents au Jourdain est un homme en recherche de Dieu. Jean nous donne un conseil : reconnaitre ses limites est une source de joie ! Quand j’accepte ma vie, qui je suis, je suis heureux. Mais dès que je commence à désirer la vie des autres, je deviens jaloux, rancunier, voleur, menteur, et du coup, je deviens triste… C’est en accueillant nos limites et nos fragilités que nous pouvons accueillir ce Dieu qui naît à Noël et qui nous apporte la vraie joie.

Qui es-tu alors ? Qui sommes-nous au fond ? La logique du monde nous dit que nous sommes ce que nous produisons, ce que nous consommons, ce que nous donnons à voir en public, le salaire que nous gagnons chaque mois, la voiture que nous conduisons…. Jean-Baptiste nous rappelle au contraire que la joie n’est pas dans tout cela, que cette logique est illusoire et mensongère, qu’elle nous éloigne de la vraie joie. Jean-Baptiste a découvert ses limites, ce vide qui le rend capable d’attendre lui aussi le messie. Alors, qui es-tu ? Es-tu un mystique, un provocateur, un guru ? Non, Jean-Baptiste n’est pas tout cela. Il est une voix ! Voix qui témoigne, voix qui interpelle, voix qui appelle à l’accueil du messie, à la conversion, à la joie véritable ! Puissions-nous aussi être, en cette période de l’Avent, des voix qui appellent vraiment à vivre Noël autrement, dans la Joie, dans la Foi. Amen.