Mes chers frères et sœurs !
Les jours qui ont suivi la mort de Jésus étaient difficiles pour les apôtres. Ils sont remplis de peur, de doutes, d’angoisse. Quand le Ressuscité se présente au milieu d’eux, ils sont bouleversés et remplis de peur. Pour eux, Jésus est un fantôme ! Ces disciples sont proches et semblables à nous qui avons aussi du mal à reconnaitre le Ressuscité dans notre vie. Mais Dieu ne se fatigue jamais de venir à notre rencontre. Devant notre manque de foi Jésus insiste : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. »
Jésus invite les disciples à toucher et à regarder les signes de la Passion, montrant le lien entre la croix et la résurrection qui forment le même mystère pascal. La bonne nouvelle n’est pas seulement qu’un mort soit revenu à la vie, mais que le Fils de Dieu ait donné sa vie par amour pour nous sur la croix, qu’il ait vaincu la mort en sortant vivant du tombeau. Pour en faire l’expérience, nous avons besoin de le toucher avec les mains et le voir avec le cœur. Beaucoup de gens ne croient pas ou doutent parce qu’ils n’en ont pas fait une expérience personnelle avec le ressuscité. Ils ne l’ont pas rencontré, ne l’ont pas touché et ne se sont pas laissés bouleverser par sa présence.
La foi chrétienne est une rencontre, autrement, elle reste une hypothèse, un doute. Quand saint Jean annonce le ressuscité, il parle d’expérience personnelle : « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons vue, et nous rendons témoignage : nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. » (1 Jn1, 1-2). Le témoignage parle d’une expérience concrète.
Comme l’expérience de l’amour, la foi est un chemin sur lequel on avance étape par étape, graduellement. En amour, nous ne pouvons pas tout avoir ici et maintenant, mais y aller graduellement, pas à pas. La persévérance, la gradualité dans l’amour montre combien nous désirons et tenons à quelque chose, à quelqu’un, motivés pour gouter, jour après jours, chaque étape, chaque joie, chaque situation qui nous est donnée. Nous sommes en quête des certitudes mais quand le Seigneur nous en donne une, notre réaction est la peur parce que nous sommes tellement habitués à être négatifs au point que quand les choses positives surviennent, nous nous demandons combien de temps cela va durer ! Trop beau pour être vrai ! Au lieu de profiter du bonheur qui nous est donné, nous pensons déjà au manque, l’anguille sous roche, la tromperie qui se cache. Et si par malheurs une petite épreuve arrive, la première réaction est : « il fallait que je l’y attendre ! Je savais que quelque chose devait coincer ! ».
Nous ne sommes pas des habitués à la Pâques parce que tellement entrainés à rester au vendredi saint, nous sentant plus à l’aise devant le Crucifié que devant le tombeau vide, plus en symbiose avec la souffrance du Christ qu’avec sa Victoire. Pourtant, nous sommes chrétiens en vertu de la victoire du Christ sur la mort. Il nous faut donc nous convertir à la victoire du ressuscité. Pour cela, Saint Luc nous donne trois voies pour rencontrer le Ressuscité.
La première rencontre se fait dans nos propres blessures. Pour inciter à la foi, Jésus invite d’abord à regarder ses propres blessures. Ayons le courage de faire la même chose : accueillir, regarder et accepter nos propres fragilités, nos blessures, nos plaies pour découvrir la puissance cachée et imprévisible du Ressuscité. Dieu agit dans nos faiblesses. Saint Paul nous dit que quand nous sommes faibles, c’est alors que nous sommes forts parce que nous laissons la force et la grâce du Christ agir en nous. C’est seulement si nous accueillons nos blessures que le pouvons permettre au Ressuscité de s’y manifester à nous sa puissance.
La deuxième est la voie de l’amitié, de la convivialité, des liens fraternels. Jésus mange et partage avec les apôtres. Jésus aimait la convivialité ! Il se faisait inviter chez les publicains, chez comme Zachée, chez Marthe et Marie, même chez des pharisiens…parce que Jésus sait qu’à table, on crée des liens d’amitié, de confiance, de confidence, d’intimité entre les personnes. Le Christ déploie sa vie dans nos communautés lorsque nous réussissons à nous ouvrir les uns aux autres à travers des moments de fraternité et de partage purement humains et gratuits. Et sur ce point aussi, les communautés catholiques ont beaucoup de lacunes. Nous nous contentons de nous rencontrer aux messes, à la chorale, prépa baptême, secours catho, dans les salles paroissiales et surtout, nous évitons de nous inviter à nos domiciles.
La troisième voie est la compréhension des Ecritures. Jésus ouvre l’intelligence de ses disciples à la compréhension des Ecritures. Il nous faut trouver ou retrouver le goût de l’Evangile, ouvrir la Bible. Et là aussi, les catholiques ont beaucoup de lacunes par rapport aux protestants, par exemple. Saint Jérôme disait que l’ignorance des Ecritures est l’ignorance du Christ. Il nous faut construire et fonder nos communautés sur les Ecritures, la Parole de Dieu et pas sur nos idéologies et nos opinions. Prenons l’exemple des fraternités : un groupe se réunit souvent autour de la Parole de Dieu vit moins de division et de conflit car c’est la Parole qui guide alors que tout groupe qui se réunit seulement autour des débats théologiques ou idéologiques finit par créer des divisions. Pour annoncer le Ressuscité, il nous faut d’abord le rencontrer et l’écouter dans la Parole de Dieu illumine nos coeurs. Le Ressuscité rencontré dans les évangiles réchauffe le cœur, enflamme l’âme des disciples et leur donne la joie.
Le dernier point, pour conclure est la place de la mission. Le Ressuscité, ayant ouvert les intelligences des disciples à la compréhension des Ecritures les envoie en mission : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. » L’annonce du Christ, l’évangélisation n’est pas une option. C’est l’ADN même de l’Eglise. La mission est au cœur de la vie chrétienne. Une Eglise qui n’évangéliste pas est égoïste, parce qu’elle prive à beaucoup de personnes de la possibilité de rencontrer Jésus et d’être sauvées. Pire encore, cette Eglise se condamne à la mort parce que si de nouveaux disciples ne se joignent pas à nous, l’Eglise cessera d’exister quand nous serons tous morts. Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile, dit saint Paul.
Malheureusement, nous nous rendons compte que souvent, nos communautés tournent un peu en rond, centrées sur elles-mêmes, manquant d’audace pour la mission. Nous nous retrouvons entre-nous, cultivant un entre-soi entre gens, entre gens bien cathos, déjà pratiquants, nous retrouvant selon les réseaux auxquels nous appartenons, sans nous interroger sur la manière d’ouvrir notre réseau ou les portes de l’Eglise à celui qui est différents de nous, qui est seul, ne connaissant personne parce qu’il vient à peine d’arriver sur la paroisse. D’où la question de l’accueil, de l’intégration des nouvelles personnes, qui reste souvent un concept dans beaucoup de nos équipes, mouvements, associations et communautés catholiques. Au travail, dans la rue, au sport, où que nous soyons, nous avons une bonne nouvelle à annoncer, à partager avec les autres.
Quand nous pouvons, quand nous en avons la possibilité, ne laissons aucune occasion d’annoncer le Christ Ressuscité aux autres. Le plus important n’est pas la stratégie, l’efficacité, mais le désir, l’envie que nous avons d’être missionnaire. La mission n’est pas d’abord quelque chose à faire, mais une manière d’être, une attitude qui permet aux autres de rencontrer Jésus qui est la source de notre Joie. Le Ressuscité nous envoie être ses témoins, comme nous le voyons à travers la communauté naissante que nous contemplons dans les Actes des Apôtres depuis le dimanche de Pâques.