Chers frères et sœurs !
Dans cet évangile, nous avons trois catégories de personnes pas du tout appréciées par l’opinion. La foule ! On peut se perdre au milieu la foule. Pensez à toutes ces manifs où tout le monde crie, où vous vous perdez parce que c’est la foule est haranguée par un tribun, une foule qui vous commande, qui vous traine et à laquelle vous ne pouvez pas lui résister. Les soldats ! En France, les militaires inspirent confiance et sécurité ! mais dans certains pays, comme mon pays d’origine, croiser un soldat sur ton chemin n’est pas toujours de bon augure ! On évide d’en croiser, surtout à certaines heures, la nuit par exemple ! Et les publicains ! Des pécheurs publics, voleurs et collabos assumés qui inspirent à la fois terreur et haine !
Ces différents groupes vont auprès de Jean Baptiste lui posent une question : « Que devons-nous faire ? » C’est une question très importante pour l’évangéliste saint Luc qui la reprend dans d’autres récits de conversion. Par exemple, à la Pentecôte : « Les auditeurs furent touchés au cœur ; ils dirent à Pierre et aux autres Apôtres : « Frères, que devons-nous faire ? » Pierre leur répondit : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. » (Ac 3, 37-38).
Que dois-je faire ? Souvent, lors des échanges, entretiens spirituels, la même question m’est posée. Lorsque cette question vous est sérieusement posée, vous n’avez pas toujours la réponse parce que vous comprenez que la personne qui la pose compte sur le sérieux de vos conseils pour résoudre un problème. Parfois même, c’est une manière voilée de demander à quelqu’un de résoudre nos problèmes à notre place sans nous impliquer.
Jean- Baptiste ne donne pas de solution toute faite mais invite chacun à regarder sa propre vie concrète. La réponse dépend de qui tu es, ce tu fais dans la vie, ce que tu as vraiment dans ton cœur, ta situation concrète. Certaines personnes sont convaincues que le changement, la conversion est impossible aujourd’hui et le renvoient à plus tard : « C’est impossible de tenir cet engagement avec le boulot que je fais ! « Ca va attendre la retraite ! Lorsque nous aurons une maison plus grande ! Lorsque j’aurais mis un peu plus de sous de côté ! Lorsque je serai à la retraite, ou lorsque les enfants seront partis de la maison ! Bref, plus tard »
Pourtant, c’est dans ton quotidien, ta vie actuelle que le Seigneur te demande de poser de actes de conversion. N’attends pas demain ! C’est aujourd’hui le jour du salut. C’est le quotidien de ta vie qui peut prendre forme révolutionnaire par l’amour qui rend possible le changement, qui transformer la routine de ta vie en un éventail de nouvelles possibilités.
Jean Baptiste fait des propositions banales et de bon sens ! « Partager les habits et la nourriture ! Rien que ça ! » Oui, rien que ça ! L’évangile est simple ! « Aime, et fais ce que tu veux », dirait saint Augustin. Les auditeurs de Jean Baptiste étaient certainement très surpris de ses propositions simples. Ils s’attendaient probablement à l’on ne sait quelle conversion radicale, quelles propositions pastorales extraordinaires…Rien de tout ça, mais simplement le quotidien, la vie ordinaire fait avec joie et amour.
« Que devons-nous faire ? » Facile ! Ce que nous faisons déjà, en le faisant avec plus d’amour et de joie ! Gaudete ! Le christianisme est l’incarnation de la joie et de l’amour. Jésus sera encore plus clair, dans l’évangile selon saint Matthieu : « Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” (Mt 25, 35-36). Jésus est concret : donner à boire, à manger, donner un vêtement, héberger, rendre visite. Des gestes ordinaires du quotidien, cachés et silencieux, qui font la différence parce que faits avec amour. Méfiez-vous d’un christianisme somnolant, des spiritualismes vides, exclusivement dévotionnels et désincarnés parce qu’aimer signifie prendre soin et s’occuper concrètement des besoins des hommes et femmes qui nous entourent.
Jean Baptiste ne demande pas des sacrifices et des holocaustes, d’aller un peu plus au temple pour participer aux liturgies solennelles, de faire des jeûnes et une chaine des neuvaines. Il appelle à des gestes très humains. Il ne demande pas ce que, aujourd’hui encore, certaines homélies, prédications ou catéchèses très orientées proposent : liturgies et rites, neuvaines, exercices pieux, des dévotions supplémentaires…. Tout ceci, aussi louables, en effet, sont des instruments pour acquérir une charité plus grande, pour être plus facilement capable de partager les biens nécessaires pour vivre. Ces propositions pieuses et spirituelles ne suffisent pas en elles-mêmes et n’ont pas d’impact si elles ne nous conduisent pas à aimer concrètement. Aux foules, habituées à penser que la relation avec Dieu s’épuise dans le temple et avec quelques prières, Jean Baptiste demande de partager, de laisser que la foi nourrisse et irradie la vie pour éviter une religiosité qui s’arrête sur le parvis de l’église. Dans un monde où nous produisons toute sorte de nourriture pour 14 milliards d’être humains, le problème reste notre égoïsme et le refus de partager.
Aux publicains réputés corrompus, Jean demande banalement d’être seulement honnêtes, ne rien demander de plus que ce qui est exigé à cause de la cupidité. Il ne leur demande pas d’abandonner leur profession, mais de la vivre dans la justice, rien de plus. Commencer par ce qui est légal, honnête dans les petites choses. Aux soldats, habitués à faire usage de la force, Jean demande de ne pas brutaliser et imposer leur autorité et l’ordre avec arrogance et violence, ne de brutaliser personne. Le principe est simple : d’abord, la personne. C’est par des petits gestes que naît la conversion ! C’est le début du chemin vers la sainteté. Inutile de rêver des choix héroïques improbables.
Petit à petit, surgit un peu confusion auprès des gens qui prennent Jean-Baptiste pour le Messie. « Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. » Il aurait pu surfer sur son aura, se faire passer pour le Messie, et beaucoup l’auraient cru. Mais il leur dit : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu ».
Jean Baptiste évangélise le peuple en lui annonçant la bonne nouvelle de Jésus, mais il sera déçu par ce Messie qui se révélera différent de celui qu’il attendait et espérait : il ne sera pas le juge justicier sans pitié contre les méchants, le chef militaire à la tête d’une rébellion contre les Romains… Tout cela mettra en crise Jean Baptiste qui l’avait pourtant reconnu comme Messie lors de son baptême dans le Jourdain et devant ses disciples comme « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». De sa prison où l’avait enfermé Hérode et Hérodiade, Jean Baptiste enverra ses disciples à Jésus pour lui poser cette question : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? ».
La bonne nouvelle de ce dimanche, et c’est cela la source de notre joie : Dieu nous aime et chacun de nos gestes humains, posé avec amour, est une fenêtre qui s’ouvre à l’infini de l’amour de Dieu. Et toi, dans ta vie aujourd’hui, que dois-tu faire pour accueillir le Messie qui vient te sauver ? Seigneur, donne-nous ta lumière et aide-nous à poser des gestes concrets attestant notre désir de t’accueillir. Amen.