Mes chers frères et sœurs !

Notre monde va mal !  Honnêtement, ceux qui ont la mauvaise habitude de suivre les infos, comme moi qui j’écoute RFI à 5h00 du matin, ceux écoutent les infos en se levant, dans la douche, au petit déjeuner, allant au boulot…, bref, ceux qui suivent l’actualité à la radio, à la télé voient bien que nous avons de plus en plus peur, que la situation du monde se dégrade. Certains qui disent qu’ils n’écoutent plus la radio et n’allument plus la télé pour ne pas déprimer et garder le moral.

La guerre, les massacres, le ton qui monte entre les dirigeants du monde, les alliés d’hier se trahissent, les ambitions expansionnistes des grands de la terre, l’incapacité du Vieux continent à parler d’une seule voix, la crise politique dans notre pays… Je préfère parfois écouter la musique en voiture plutôt que France Infos avec ses litanies des malheurs et dangers que coure le monde. L’être humain, est-il destiné à être victime de sa propre agressivité ? On a fini par jeter le masque, en se libérant de l’hypocrisie, du politiquement correct, en avançant à visage découvert, le langage direct, cru et clair, sans tournures…. Comme chrétien et pasteur, je me demande vraiment si c’est ainsi que finira notre monde : la victoire du plus fort, du plus agressif, du plus violent, comme on le voit chaque jour ! Faut-il l’accepter ? Ou alors, résister pour changer les choses ?

Alors, une voix nous rejoint de loin ou du fond de nous-même ! C’est la voix de Jésus qui nous demande d’écouter ce qu’il a à nous dire : « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez ». Comme lors les béatitudes que nous avons encore du mal à comprendre, et à digérer, depuis dimanche dernier, Jésus nous bouscule de nouveau par ce qu’il nous dit. Nous avons eu du mal à avaler ses paroles, quand Jésus nous disait : « Heureux, vous les pauvres.  Heureux, vous qui avez faim maintenant. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.  Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et vous méprisent à cause de moi ». Comme c’était déjà difficile pour nous.

Aujourd’hui, Jésus en rajoutes une couche, comme si cela n’avait pas suffi : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient…. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants »

Trop compliqué, trop dur ! Mais cela est au cœur de la notre foi. La vie chrétienne n’est pas une foire du bon sens, l’exaltation du banal, de l’évident. Le chrétien n’est pas brave insouciant et hors de son temps.  Nous vivons dans un monde grave, dur, parfois odieux, violent, hypocrite mais c’est exactement-là que Jésus nous envoie de faire la différence. Il insiste : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient »

C’est seulement ainsi qu’on mettra fin à la spirale de la violence et de la haine. Lorsque quelqu’un me fait du mal, il s’attend naturellement à ma vengeance, au coup pour coup.  L’humain fonction comme ça depuis la nuit des temps. L’humain est méchant et agressif. Un philosophe dit que les hommes sont des êtres de rivalité. Mais si finalement nous choisissions d’écrire une histoire différente ? J’avais un jour lu cet évangile à des ados catholiques et jeunes juifs réunis au lycée professionnel Ort quand j’étais vicaire à Colomiers. Un jeune Juif disait : « Monsieur, qui a dit ça ? C’est génial ! Mais, si on pratiquait ce qu’il dit, il n’y aurait plus de guerre ! »

Vivre et faire comme Jésus nous le demande est une attitude que nous devons prendre de manière conscience. Il ne s’agit pas de naïveté. Il faut une force d’en haut pour rester doux et docile devant la violence, la haine, le mépris dont nous sommes victimes. Être doux ne signifie pas que nous sommes bêtes. Un prêtre me disait un jour : tu n’es pas responsable de la violence qui t’est infligé, mais tu es responsable de ce que tu fais et comment tu réagis face à cette violence. C’est toi qui choisis de ne pas réagir à la gifle qui t’est infligée. Au cours de son procès, au gardien du temple qui le gifle, Jésus demande la raison de son action : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ? Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18, 22-23).

Il t’appartient de choisir des gestes de confiance, des gestes non-violents qui déstabilisent ensuite ton agresseur. Il t’appartient de choisir d’agir différemment de celui qui fait le mal en face de toi et contre toi, et ne pas te venger. C’est ce que nous apprend la première lecture.  David est un fugitif qui essaye d’échapper à la mort que lui veut le roi Saül. Il trouve une occasion en or pour assassiner Saül mais il refuse de commettre un meurtre. Dans la deuxième lecture, saint Paul nous rappelle que le Christ est le Nouvel Adam, celui qui choisit de donner la vie en offrant sa propre vie. Il choisit de faire exister au lieu d’exister, de faire vivre au lieu de vivre. C’est un choix paradoxal, à contre-courant….

Ce sont des choses contre-nature, inhumaines ! Non, ne suis pas capable de vivre ce que Jésus me demande dans l’évangile d’aujourd’hui. J’ai du mal à saluer les gens qui me sont antipathiques et aimer naturellement mes ennemis ! Et même quand je fais des efforts, cela se voit sur mon visage et dans mes gestes, parce que pas naturel et spontané. C’est cela ma nature.

Jésus nous appelle cependant à accueillir son commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! ». C’est seulement l’amour du Christ qui nous rend capables d’aimer.  En me remplissant de son amour, ce dernier débordant, se déverse sur ceux qui m’entourent. N’attend pas que les autres changent. C’est à moi, c’est toi, c’est à nous, ici et maintenant, de prendre la décision de changer les choses, de construire un monde nouveau, celui qui vit de la logique de l’évangile et non plus de la logique humaine, celle de la force, de la vengeance, de la rancœur, du coup pour coup. « Père, Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », intercède Jésus crucifié pour ses bourreaux.  Seul l’amour débordant du Christ nous rendra capable d’agir et de réagir comme lui.

« Soyez miséricordieux, soyez parfaits, comme votre Père Céleste ! » nous dit Jésus ! La perfection est de Dieu. Toi et moi, nous ne sommes ni parfaits, ni miséricordieux, mais Dieu veut nous donner cette grâce si nous demeurons en lui, comme le sarment sur la vigne. Alors, malgré nos rancœurs, nos jalousies, notre agressivité, notre désir de vengeance…., laissons Jésus nous toucher, nous façonner de nouveau à son image, transfigurer nos cœurs pour que  nous soyons capable d’aimer comme lui. Amen