Mes chers frères et sœurs

Je suis maître de moi-même, suis libre, décide de ma vie et je fais ce que je veux. Ne me cassez pas les pieds parce que je suis ainsi fait et je compte rester ainsi !  Ce n’est pas maintenant que vous allez vouloir me changer. Okay, je ne suis pas parfait, mais il y a des gens pires que moi ! Tous ces délinquants, meurtriers, corrompus, criminels…. De grâce, n’exagérons pas !

Nous avons entendu cela, ou c’est nous qui avons tenu de tels propos. Se remettre en cause est devenu un exercice très difficile aujourd’hui. Jésus insiste. Après les bienheureuses provocations il y a 15 jours, avec les béatitudes et l’enseignement radical du dimanche dernier, aujourd’hui encore, Jésus en rajoute une couche et insiste ! Nous suivons plus ou moins des guides, des règles intériorisées depuis l’enfance, des habitudes, le bon sens. Aujourd’hui, nous suivons les opinions, les dictats du politique qui a le vent en poupe, du guru, de la star du show-biz à la une. Combien ne jurent que par Cyril Hanouna, Donald Trump, Bardella….! Non, Mélenchon a dit, et du coup, sa parole a plus de poids que l’évangile…. Une pléthore des maîtres à penser qui nous manipulent, même si nous avons du mal à l’admettre.

Jésus nous invite à bien choisir nos guides, ceux qui ne nous conduiront pas droit dans un précipice. Il se propose d’ailleurs comme le seul et unique Maître qui sait nous conduire à la plénitude de nous-mêmes. Oui, faisons confiance à Jésus notre Maître et suivons-le résolument.

Cependant, sur notre chemin, il y a un problème ! Ce n’est pas Jésus le problème. C’est nous, mais le problème quand nous prétendons devenir les maitres et les guides pour les autres. Quand nous nous sentons meilleurs que les autres, ou au moins pas pires qu’eux.  Quand, comme nouveaux justiciers, nous voyons le mal derrière chaque parole et chaque action posées par les autres. Alors, tout dégénère dans la médisance, la critique facile. Ça arrive même dans l’Eglise.

Non, Jésus ne parle pas des pharisiens qui se prenaient pour les premiers de la classe, ni des scribes qui, ayant étudié, étaient devenus de donneurs de leçons, ni des saducéens, conservateurs et traditionnalistes qui refusaient toute nouveauté.  L’évangéliste saint Luc s’adresse sa communauté ecclésiale, parce que ces attitudes se trouvent bien dans chaque disciple. Ne nous voilons pas la face, ne soyons ni naïf ni hypocrites ! Il suffit que nous ayons fait un petit parcours, que nous ayons un petit charisme au sein de la communauté, investis d’un ministère, et voilà que nous nous comportons comme de petits-maîtres à penser, des juges des autres, oubliant les poutres dans nos propres yeux qui nous empêchent d’y voir clair. Nous nous substituons au seul Maître qu’est le Christ, confondant nos idées avec sa Parole, pensant posséder la Vérité alors que c’est Jésus qui est la Vérité. On pourrait éviter beaucoup de médisance, de calomnies, de méchancetés si nous avions conscience des pailles, troncs d’arbres, poutres que nous portons en nous. Nous sommes tellement enclins à montrer même le plus petit défaut des autres alors que nous ne sommes pas meilleurs qu’eux. Critiquer les autres en relevant leurs défauts ne nous rend pas meilleurs que ceux que nous critiquons !

Par exemple, des gens demandent que l’Eglise se réforme, que les structures se convertissent…Le pape François, (malade actuellement) dont personne ne peut mettre en doute la volonté de réformer l’Eglise entière, en appelle chaque jour à une conversion pastorale. Mais il nous rappelle que pour réformer l’Eglise, nous devons vivre une conversion personnelle !!! Si chacun de nous se convertit chaque jour, c’est toute la communauté qui va bouger en devenant meilleure en vivant l’Evangile. Le paradoxe, c’est que nous attendons toujours que ce soit les autres à se convertir en premier.

Tous, nous avons des défauts et vices que nous trainons comme des boulets, et Dieu sait combien nous avons du mal à nous en débarrasser. Jésus nous invite à ne pas désespérer de nous-mêmes ni des autres parce qu’il nous donne toujours la possibilité de nous convertir et de recommencer. Pensez à la femme adultère trainée à terre et que tout le monde voulait lapider. Il a suffi d’une question de Jésus appelant les bourreaux à regarder chacun sa propre vie en face pour que cette femme soit sauvée, les accusateurs quittant le lieu un à un : « Que celui parmi vous qui n’a jamais péché soit le premier à lui jeter la pierre ! »

Alors, devons-nous nous résigner, nous taire ? Pour ne pas courir le risque de mal juger, devons-nous éviter tout jugement, permettant ainsi aux ténèbres de brouiller toute chose ?  Certes non ! Jésus lui-même nous donne un critère : jugeons à partir des fruits que produit l’arbre, en assumant le même regard bienveillant de Dieu. Si notre cœur est bon, comme Dieu l’a créé, nous aurons des paroles qui construisent, des actions qui encouragent, des gestes qui donnent espérance.

Ben Sirac le Sage dans la première lecture nous rappelle que la bouche parle de l’abondance du cœur. Nos paroles révèlent nos sentiments « C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre ; ainsi la parole fait connaître les sentiments. Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé, c’est alors qu’on pourra le juger ». Si nos pensées sont sombres, négatives, cela se traduit dans nos propos.

Avant l’entrée en carême, Jésus nous secoue, et c’est bien qu’il en soit ainsi. Il ne nous caresse pas dans le sens du poil, mais nous rappelle que nous avons encore un long chemin à parcours, du travail de conversion à opérer sur nous-même. Seulement si nous accueillons sa grâce que nous pouvons accueillir nos propres fragilités, accepter celles des autres, et par la suite, nous convertir et aider aussi à devenir meilleurs. Seigneur Jésus, sois notre seul Guide et Maître et guéris-nous de nos aveuglements. Amen