Mes chers frères et sœurs !

A Béthanie, dans la maison de Marthe et Marie dimanche dernier, nous avons découvert la nécessaire complémentaritéentre l’action et la contemplation, entre la prière et le service, entre l’écoute de la Parole et l’attention aux frères et sœurs. Ce dimanche, la Parole de Dieu veut mettre un accent particuliersur un seul élément de ce binôme. Cet élément est souligné dans l’attitude de Marie à Béthanie : nous asseoir pourpouvoir écouter Jésus. Il s’agit de la dimension de l’intériorité qui manque souvent à nos vies tellementmouvementées, stressées, overbookées… à cause de toutes les sollicitations qui nous entourent et du rythme vertigineux que la société nous impose. Le théologien Dietrich Bonhoeffer dit que « la prière ne remplace pas l’action mais c’est une action que rien ne remplace ».  

Ce dimanche, la parole de Dieu rappelle l’importance de la prière, de l’intériorité et le silence… Attention : la prière ici ne doit pas être réduite à l’ennuyeuse répétition de quelques paroles ou formules, comme quand nous rappelons que nous « disons notre prière, nous récitons le bréviaire ou le chapelet ». L’essentiel dans l’enseignement d’aujourd’hui, c’est le fait que notre prière doit s’enraciner dans une relation d’amitié et de confiance avec le Seigneur.

Nous le découvrons dès la première lecture. Deux villes, Sodome et Gomorrhe qui, toute proportion gardée, ont en commun avec nos sociétés actuelles, d’être marquées par la violence et le plaisir de la chair. A Sodome, on a presque perdu la notion morale du bien : ce qui compte pour les habitants de Sodome, comme dans nos sociétés actuelles, c’est l’hédonisme. Je n’entrerai pas dans les subtilités philosophiques de l’hédonisme. Par hédonisme, j’entends le fait de chercher à satisfaire nos désirs et plaisirs les plus élémentaires et immédiats, en particulier ceux de la chair ou du corpsSodome et Gomorrhe sont dépravées, d’après ce que dit la Genèse : Dieu est en colère et décide de détruireces deux villes ! Là, j’entends des réactions : « Oh, c’est quoi ce, Dieu méchant, pas tolérant qui décide de détruire une ville ! » Là n’est pas l’essentiel de mon propos, nous pouvons y revenir une autre fois.

Ce qui est le plus important ici, à mon avis, et c’est ce que je voudrais que vous reteniez, c’est cette relation de profonde amitié et confiance qui unit Dieu et Abraham : ils sont tellement amis et confiants que Dieu a décidé d’ouvrir son cœur à Abraham en lui confiant son projet de détruire Sodome la dépravée. C’est une relation de cœur à cœur, une totale confiance mutuelle. En apprenant le projet de Dieu, Abraham a le cœur brisé de tristesse ! Il se rappelle de Loth son neveu vit à Sodome avec toute sa famille. Ils s’étaient brouillés avec lui pour des questions matérielles, avant de se séparer en chemin. Mais Abraham n’a pas de rancœur ! Il ne veut pas la mort ou le malheur de son cousin avec qui il a des relations tendues, contrairement à nous qui nous réjouissons des malheurs de ceux que ne nous n’aimons pas.

L’affection, l’amitié et la confiance poussent Abraham à entamer des tractations et négociations avec Dieu pour sauver Sodome. Abraham négocie mais malheureusement il n’y a pas dix justes dans cette ville qui finalement sera détruite. Abraham a tout tenté, il a intercédé et prié pour le salut de Sodome. C’est cela la prière : un dialogue intimeavec Dieu, une discussion, un échange de point de vue et d’opinions, une écoute mutuelle. La prière n’est pas une liste de paroles à réciter, une tentative pour corrompre Dieu, une litanie de porte-bonheur à déclamer, une séquence de vœux pieux ! La vraie prière est faite avant tout d’écoute et de confiance : écoute de Dieu qui ouvre son cœur et intercession de notre part pour le salut du monde, comme le fait Abraham pour Sodome et Gomorrhe.

Nous avons parfois ont un regard manichéen sur le monde, trouvant parmi nos frères et sœurs certains qui sontbons et les saints, – dont nous faisons partie évidemment, etd’autres qui sont mauvais et méchants dont nous désironsconsciemment ou inconsciemment la disparition ! La Parole de Dieu de cde dimanche nous interdit de prendre en haine le monde même quand il nous semble aller à sa propre perte. L’exemple d’Abraham nous invite à aimer notre monde, à ouvrir notre cœur au Seigneur dans la prière pour le lui confier, lui demander de le sauver, comme le fait Abraham,grâce aux belles choses, au meilleur dont le monde est aussi capable et pardonner le pire qui risque parfois de le détruire. Nous devons toujours espérer et travailler pour le salut du monde au lieu de le condamner sans cesse et l’envoyant en enfer et à sa propre perte.

Il y a autre aspect de la prière qui est souligné dans cet évangile. C’est la découverte du visage de Dieu comme notre Père. Dans la prière, nous ne nous adressons pas à un despote, un tyran capricieux, un puissant terroriste qui nous fout la trouille et que nous devons convaincre à tout prix pour qu’il nous laisse en vie, comme on peut négocier avec Poutine le tyran pour qu’il ne nous coupe pas le gaz et ne bloque les céréales boquées en Ukraine et dont nous avons besoin. Pour nous chrétiens, en Jésus, nous sommes devenus fils et filles de Dieu, comme nous le rappelle saint Paul. Dieu nous traite comme ses enfants bienaimés et il veut notre bonheur ! Dieune peut pas ne pas que nous aimer ! Cela fait appel à notre confiance filiale. Dans notre prière, nous devons nous adresser à Dieu avec confiance et sans peur.

Nos prières ne sont pas souvent exaucées parce qu’elles ne sont pas adressées à la bonne personne. Nous nous trompons parfois de destinataire dans la prière : au lieu de nous adresser à un Père aimant, nous nous adressons souvent à un patron, ou à un tuteur antipathique devant qui nous revendiquons nos bons droits ! L’unique et splendide prièreenseignée par Jésus lui-même souligne la confiance absoluedans la prière. Celle-ci doit être pleine de bon sens, concrète, affectueuse, joyeuse, confiante, persévérante et réaliste. « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

Pour terminer, revenons au début de l’évangile : « Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demand: « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. ». A la base du Notre Père, il y a un désir des disciples : « Apprends-nous à prier ». Ce désir d’apprendre naît d’un témoignage. Les disciples ont vu Jésus en prière. Si nous voulons que nos proches et amis aiment la prière, témoignons auprès d’eux de notre propre vie deprière. Par exemple, pendant ces vacances d’été, vous vous retrouvez en famille, quelque part, dans une location ou votre maison de campagne ! Vous y êtes avec des gens plus ou moins ou pas du tout croyants. Première attitude, plus facile, pour ne pas choquer et pour faire bonne figure vous vous abstenez de prier, de lire la Parole de Dieu, d’aller à la messe. Deuxième attitude, plus couteuse : vous leurdites, « je vous laisse quelques minutes, je pars prier », « je pars à la messe ! Qui veut venir avec moi ? On se rejoint sinon pour le déjeuner» Si vous ne le faites pas, vos amis et parents ne comprendront jamais combien la prière, la messe sont importantes pour vous. Notre témoignage peut provoquer le désir de ceux qui nous entourent. Je ne vous demande pas d’imposer votre prière aux autres… mais simplement de ne pas taire ou cacher votre vie de foi pour ne pas choquer les autres ou pour faire bonne figure.

La prière est un exercice très difficile et nécessite un apprentissage. Voici quelques points indispensables. D’abord être nous-même : pieux, saint ou pécheur, dans la prière, sois toi-même, sois en vérité ! Impossible porter un masque devant Dieu. Il nous connait dans tous les détails, alors, inutile de faire du cinéma devant Dieu. La prière a aussi besoin de temps : 5 minutes pour commencer, un temps qui te semble plus propice et favorable, le portable et la tablette éteints. La prière a aussi besoin de lieu : ta chambre, ton coin prière, le métro ou le transport en commun, la pause déjeuner. La prière a besoin de parole à écouter : c’est toujours mieux de partir de l’évangile du jour. La prière a besoin d’une parole à dire : présenter au Seigneur les personnes concrètes, les choses qui nous préoccupent, nos remerciements pour tout ce que Dieu nous donne. Le Maître qui nous apprend à prier, c’est le Saint Esprit, qui nous permet de nous adresser à Dieu en toute confiance, en l’appelant : « abba », c’est-à-dire « papa ». En cette période d’été et chaque jour, le Saint Esprit fasse de nousdes, témoins de foi et de prière. Amen.