Mes chers frères et sœurs !

Nous avons écouté, dimanche dernier, l’évangile du récit de la multiplication des pains. Ce dernier finissait par le fait que Jésus s’est enfui, échappant ainsi à la foule qui voulait l’enlever pour faire de lui leur roi. Quel succès, dirions-nous ! Cependant, comme vous le savez, après l’apogée, vient le déclin. Aujourd’hui, l’évangile qui nous est proposé sonne pour Jésus comme le début de la fin, la chute, le déclin de popularité, la baisse dans les sondages, mais Jésus n’a rien vu venir.

Jésus en prend conscience, il encaisse cet échec qui marque aussi un changement de cap, un tournant dans sa mission. Il faut tirer leçon de nos échecs. Jésus lui aussi profite de cet échec pour opérer un changement de stratégie pastorale : désormais, il ne s’adressera plus aux grandes foules venues de partout : son enseignement sera désormais destiné à un groupe plus intime, restreint, un noyau plus resserré constitué du petit groupe de ses disciples. Lors d’une formation pastorale faite aux prêtres, on nous avait fait remarquer le danger que nous avons, nous prêtres, à nous occuper de tout le monde, les nombreuses foules qui arrivent et viennent pour la messe le dimanche, aux funérailles, baptêmes, mariage… au point que cela peut nous faire oublier de prendre soin de ces groupes restreints, les équipes qui collaborent étroitement avec nous dans la mission. Les disciples ont aussi besoin que Jésus s’occupe d’eux.

Jésus avait espéré que les foules seraient prêtes à faire un saut de qualité, le saut de la foi après la multiplication des pains.  Il se rend compte malheureusement que cette foule n’a rien compris au message de la multiplication des pains. L’effet du miracle du partage et de la générosité qui nous appelait à faire de même dans notre quotidien est vite tombé à l’eau car la  foule a compris exactement le contraire de ce que voulait Jésus : pour les gens, Jésus ne leur servait que de nourricier, un faiseur des miracles, un Dieu qui les nourrit gratuitement tout simplement. Déçu, Jésus décide de s’en aller et d’échapper à ces gens qui veulent faire de lui un roi ! Qui ne voterait pas pour un président, un premier ministre qui, au lieu d’augmenter les impôts et de serrer les vices, fait des cadeaux à tout le monde, et pas seulement aux plus riches ? Voici pourquoi cette foule cherche Jésus et le rejoint pendant qu’il cherchait à s’isoler dans la prière.

Jésus a décelé leurs petits calculs hypocrites. Ils lui disent : « Oh Jésus, tu nous as tellement manqué ! Nous t’avons cherché partout ! » Une opération de séduction calculée et pas sincère comme celle à laquelle nous assistons quand nos enfants, le conjoint veut obtenir quelque chose…! Quand vous voyez votre adolescent toujours râleur et turbulent s’approcher de vous avec douceur, vous câliner alors qu’il ne fait jamais une bise à personne… vous vous dites bien qu’il y a anguille sous roche ! Jésus a du mal à accepter ce côté manipulateur parce qu’il voit bien que la foule veut l’instrumentaliser : Il leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés ». Bref, ça suffit maintenant !  Je refuse de se faire avoir ! J’ai tout compris à votre petit jeu !

Vous le savez bien, spontanément, nous ne cherchons pas Dieu parce qu’Il nous indique le chemin pour grandir, pour aimer, mais pour qu’il résolve nos problèmes, sans nous fatiguer et nous faire attendre, le plus tôt possible. Nous avons parfois un comportement calculateur, commerçant et commercial avec le Seigneur.

Je vous donne un exemple ! Un jeune couple arrive au presbytère ! Ils habitent l’une de nos 5 paroisses ! Depuis mon arrivée, je ne les ai jamais vu à la messe ! Ils veulent se marier à l’église, et tout d’un coup, il se rappelle que Dieu existe, que se marier à l’église est quand même plus beaux que les 15 minutes passer devant monsieur le maire, entendre deux ou trois articles de lois et signer vite fait un bout de papier ! A un certain moment du dialogue, après avoir raconté leur histoire amoureuse, les péripéties et étapes de leur vie de couple, j’ose poser des questions touchant à la foi parce que c’est un sacrement qu’ils demandent. « C’est quand que vous avez été à l’église récemment ? » Leur réponse « Euh, je ne me rappelle plus ! C’était malheureusement aux funérailles de grands parents d’un copain… ! » et je poursuis « C’est quand est vous avez prié la dernière fois ?»  Réponse « Pour être honnête, je ne me souviens plus ! » Et pourtant vous voulez vous marier à l’Eglise, devant Dieu

En fait, Dieu n’a pas de place dans votre vie. Vous le cherchez parce que vous avez besoin de lui pour vous marier, comme cette foule qui cherche Jésus parce qu’elle veut manger. Ensuite, vous reviendrez à lui pour le baptême de votre enfant….et la dernière fois que vous reviendrez dans une église, c’est sera quand d’autres personnes vous y amèneront dans un cercueil pour les funérailles. Je caricature un peu mais il y a un peu de  pour ces gens qui ne se rappellent de Dieu et de l’Eglise que quand ils ont une demande à faire.

Pour beaucoup de gens malheureusement, Dieu existe seulement quand et s’il résout leurs problèmes. Nous arrivons à déterminer l’utilité de Dieu, à quoi il nous sert. C’est une vision utilitariste d’un Dieu au service de nos besoins.  Dans nos relations amicales et familiales, vous pouvez compter ceux qui s’approchent de vous, vous appellent, viennent vous voir que quand ils ont besoin de vos services ? A un certain moment, vous en avez marre et vous rayez cette personne de la liste de vos amis. Il en est de même pour le Seigneur, même si lui n’est pas capable de nous rayer sur la liste…car il est tellement grand dans son Amour que, même blessé par notre égoïsme, il nous appelle à nous convertir. On le voit dans l’attitude de Jésus. Il est déçu mais ne s’enferme pas dans sa déception ! Bien au contraire, il donne à la foule une voie de sortie digne par un enseignement qui rappelle ce qui est essentiel dans la vie.

« Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ». L’être humain est dévoré par la soif du succès, de la réussite, des biens matérielles.… Nous pouvons avoir tout l’agent du monde, tout le pouvoir et tous les succès… il restera toujours en nous une soif que rien, que personne ne pourra étancher. Et cette soif-là, seul Dieu peut l’étancher. Aujourd’hui, Jésus nous le dit : le seul pain qui rassasie vraiment, c’est moi qui peux vous le donner. Il nous dit qu’il est en personne le Pain vivant et vrai.

Alors, profitons des joies que la vie nous offre, des amours, les satisfactions, les vacances, plaisirs, les petits et grands succès…sans oublier que la plénitude du bonheur est ailleurs.  N’oublions pas chercher Dieu. Que le Seigneur nous convertisse et nous donne de le chercher, sans calculs, sans égoïsme, gratuitement, pour lui-même, lui qui est le Pain Vivant et Vrai qui nous donne la Vie.