Mes chers frères et sœurs !
Une confession au début de cette homélie. L’évangile de ce dimanche est parmi les plus difficiles pour moi. Préparer cette homélie a été un exercice un peu rude car je me suis retrouvé devant une page d’évangile que je trouvé un peu bizarre ! Avouez qu’il est choquant de voir comment le commerçant riche du livre d’Amos, dans de la première lecture met en place toute une stratégie, en utilisant la religion, pour exploiter les pauvres ! Ca fait penser à ce qu’on appelle de nos jours « l’optimisation fiscale » : rien d’illégale mais tellement rusé et malhonnête e intelligent pour passer entre les mailles du filet du Fisc pour gagner beaucoup plus encore et moins payer d’impôts comme savent le faire les GAFA ou beaucoup d’autres grosses boites. Ce comportement provoque naturellement la colère de Dieu exprimée dans la première lecture. Aussi, dans l’évangile je trouve, à première vue, très choquant, d’entendre Jésus vanter et encenser un gérant malhonnête, rusé et corrompu.
Alors devant cette Parole de Dieu et regardant notre société, quelques affaires, faits et personnages me sont venus spontanément à l’esprit : affaires Balkany, Bygmalion, des scandales et malversations financières, avec quelques mafieux qui veulent blanchir l’argent sale au Vatican qu’on a appelé Vatilix dans lesquels pape François a essayé de mettre de l’ordre, les Panama Papers….Vous pouvez penser à tous les fraudeurs du Fisc ou aux prises illégalesd’intérêt que l’actualité judiciaire nous rappelle de temps en temps… ! Nous en avons tous un peu marre de tous ces donneurs de leçon appelant au respect de la Loi mais qui planquent leur argent aux Bahamas, aux Iles Caïmans et autres paradis fiscaux près de chez nous comme la Suisse ou le Luxembourg… Dans ce contexte, il est normal que nous soyons choqués par cet évangile qui semble faire la part belle à gérant corrompu et malhonnête….
Devant la tentation de l’argent, s’il vous plaît, ne surestimons pas notre force et intégrité morale, car nous tous plus ou moins faibles et fragiles. L’argent nous fait parfois oublier les grands principes auxquels nous croyons comme la justice, la vérité, l’honnêteté et que nous enseignons à nos enfants. Nous ne sommes pas toujours capables de maîtriser notre appétit au gain et de résister à l’attrait de la richesse. Du coup, de manière inconsciente, sans le vouloir, et parfois même, malheureusement de manière, délibérée et choisie, nous accumulons et trichons pour avoir un peu plus d’argent chaque jour….oubliant qu’à notre mort, ni billet, ni chéquier, ni coffre ne nous suivra pas dans la tombe. Ne nous faisons pas d’illusion : l’attrait de l’argent est très puissant, et comme nous dit l’évangile de ce dimanche, si nous ne faisons pas attention, nous risquons de tomber dans son piège en devenant, de manière sournoise, un peu plus malhonnête chaque jour.
Pour comprendre le sens profond du message de cet l’évangile qui peut nous choquer, essayons de dépasser le caractère scandaleux du récit et regarder le contexte de cette parabole. La course au pouvoir et le succès économique, la prétendue sécurité que nous octroie l’argent et les biens matériels…tout cela risque de nous faire oublier combien l’argent est capable de nous appauvrir humainement et spirituellement. Quand l’argent atteint notre cœur, le siège de l’amour et des sentiments, il peut nous rendre « insensibles et durs comme pierre ». N’avez-vous jamais rencontré dans votre famille ou entourage des gens qui ne pensent qu’à gagner l’argent, pour qui tous ceux pour qui tous les coups sont permis pour augmenter et grossier leurs comptes en banque.
L’argent a le pouvoir de nous rendre esclaves et aveugles, au point de nous empêcher de voir qu’il y a des pauvres autour de nous. Certaines personnes tellement riches donnent parfois l’impression de vivre dans « leurs bulles ». On se demande si nous habitons la même planète, confrontés aux mêmes problèmes de famine, de chômage, de crise écologique, énergétique… On parle actuellement d’inflation, de crise énergétique, des prix des denrées alimentaires qui ont explosé à cause de la guerre en Ukraine. Le contexte économique nous oblige à la sobriété, à faire attention notre consommation de gaz et électricité, nos déplacements en voiture… mais je sais que certaines personnes ne se sentent pas tellement concernées et qu’ils vont continuer à vivre dans l’opulence. Alors que le nombre de gens vivant sous le seuil de la pauvreté augmente dans le monde, le Magazine Forbes nous dit que le nombre des milliardaires ne fait que multiplier chaque année.
Il a été notifié au gérant malhonnête son licenciement pour mauvaise gestion, qui est une faute grave ! Avant de partir, il manipule les comptes pour en tirer profit avant son licenciement. Dans la première lecture, le prophète Amos nous présente, en réprouvant son attitude, un homme qui ne pense qu’au profit en faisant de la spéculation financière : « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets du froment ! » Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits ».
Loin du sens premier, Jésus ne fait pas l’éloge ni la louange du gestionnaire malhonnête de l’évangile. Ce qu’il souligne ici, c’est cette grande capacité que cultivent les enfants des ténèbres, c’est-à-dire, ceux qui ne pensent qu’à la vie terrestre à faire des bénéfices, à gagner plus. Les enfants de la lumière, c’est-à-dire nous tous avons reçu la lumière du baptême, sommes appelés à cultiver les mêmes capacités, les mêmes astuces pour nourrir en eux le désir du ciel et gagner la vie éternelle. Grâce à un process très intelligent, une stratégie ingénieuse, le gérant malhonnête se rend compte qu’il faut « assurer ses arrières », comme on dit, en se faisant quelques amis ! Alors, le pourcentage qu’il devait mettre dans sa poche sur la dette des travailleurs, il fait tout pour le perdre et s’attirer ainsi un peu de sympathie. Cela lui sera utile quand il sera licencié. Ainsi, il ne sera pas rejeté par tout le monde car quelques travailleurs qui lui resteront un peu reconnaissants.
C’est à ce niveau qu’intervient l’enseignement de Jésus. En observant cet homme malhonnête, Jésus nous demander aussi d’être aussi « rusés », d’être aussi intelligents et ingénieux pour obtenir et chercher notre salut, la vie éternelle. Nous utilisons notre intelligence pour faire le mal, pour accumuler et gagner plus d’argent ! Pourquoi ne pas utiliser la même intelligence et ingéniosité pour faire le bien autour de soi, pour rendre les autres un peu plus heureux, rendre notre monde un peu meilleur. Si toute cette énergie déployée pour exploiter les autres et faire du profit dans notre monde économique ultra libéral était pareillement déployée au service du bien commun, pour lutter contre la pauvreté, les maladies, l’exclusion, faire et consolider la paix entre les peuples… c’est sûr que notre monde serait déjà un peu le ciel car serait devenu un peu le paradis car nous serions certainement plus heureux les uns et les autres.
Le Seigneur nous dit : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles ». Demandons au Seigneur de nous à ne jamais oublier la dimension précaire, périssable de l’argent pour rechercher la vraie richesse impérissable, celle qui nous fera obtenir le salut et la vie éternelle. Amen.