Mes chers frères et sœurs !
Depuis quelques années, et surtout depuis le pape François, qui a publié l’exhortation apostolique « Amoris Laetitia » ou (La Joie de l’Amour), l’Eglise catholique porte une attention particulière aux couples séparés, divorcés, recomposés, ceux qui, après un divorce ou une séparation se sont reconstruits affectivement en commençant une nouvelle relation de manière plus ou moins stable. Ces formes de vie sont regroupées, canoniquement parlant, autour d’une expression, un peu malheureuse à mon avis !
On parle de situations matrimoniales « irrégulières ou difficiles ». En admettant le fait que derrière un amour qui finit, qui ne réussit pas à trouve une stabilité à l’intérieur de la société civile ou religieuse il puisse y avoir des difficultés et une série des souffrances qu’on n’a pas su dépasser, je me demande toujours quel est le critère de régularité ! Moi-même, pasteur de mon état, j’ai un peu de mal définir « régulière » la vie affective d’un couple ou d’une personne et « irrégulière » telle autre, parce que je ne sais pas toujours ce qui se passe dans la vie d’un couple. Notons au passage que chaque couple est unique, et lorsque l’on creuse un peu, nous nous rendons compte de la complexité de la vie de couple, surtout de nos jours ! En cas, je ne pense pas que la régularité, le bonheur et moins encore la sainteté d’une vie à deux soient donnés par un certificat religieux conservé depuis des années !
Rendons grâce au Seigneur pour tous les couples qui, entre mille difficultés, problèmes et épreuves, ont eu la grâce de conserver intact lien du mariage ! Essayons de dépasser la mentalité qui considère comme un problème, une difficulté ou une chose irrégulière la vie affective de ceux qui n’ont pas eu cette grâce, ou qui n’ont pas réussi à la conserver. Tout en dénonçant notre société qui n’aide pas à tenir le lien du mariage dans la durée, nous savons cependant que derrière certaines séparations il y a souvent des abus, de la violence, le manque de respect, des trahisons… et beaucoup de blessures. Ces sujets sont très délicats, et il est parfois plus facile de ne pas en parler.
Il y a une quinzaine d’années, lors d’une messe des familles dans une paroisse où je venais d’être nommé comme vicaire, il y avait ces mêmes lectures. Les catéchistes m’avaient alors proposé changer les textes, pour prendre des lectures plus douces et moins traumatisant pour les enfants et les parents présents et qui étaient pour la plupart dans ces situations dites « irrégulières ». On ne peut pas changer la Parole de Dieu simplement parce qu’elle touche là où ça fait mal ou quand elle met le doigt sur nos difficultés !
Les lectures de ce dimanche, avant même de parler de problème et difficultés, nous rappellent que la vie de couple, le mariage est d’abord et avant tout une très bonne nouvelle et fait partie du plan de Dieu. En témoigne l’émerveillement d’Adam quand Dieu lui amène Eve : « Avec la côte qu’il avait prise à l’homme, il façonna une femme et il l’amena vers l’homme. L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme – Ishsha –, elle qui fut tirée de l’homme – Ish. » À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. » Rappelons sans cesse, malgré la crise, et parce qu’il y a crise, que le mariage, la famille est une très bonne nouvelle pour l’Eglise et la société. C’est dommage qu’on parle du mariage seulement en termes de crise ou de problème.
Le plus important de ce texte, c’est la mise en valeur de la beauté du couple, de deux personnes créées différentes mais complémentaires : complémentaires malgré leur différence, deux personnes faites l’une pour l’autre pour s’entraider de manière harmonieuse, devenant une seule chair, chair de sa propre chair et os de ses propres os parce qu’entre ces personnes il y a quelque chose de grand qui les unit et qui s’appelle l’Amour. J’aime bien les animaux, mais aucun animal, même le plus fidèle des animaux de compagnie ne te donnera l’Amour que te donne une épouse ou un époux.
La Genèse relit la vie de couple à la lumière d’une situation originelle d’un homme et une femme qui vont passer graduellement de l’attirance réciproque en amitié, puis en affection, puis en amour, laissant le père et la mère pour former une unité et une communion profonde de cœur, de corps et d’esprit.
Telle est la nature du mariage, aujourd’hui encore et toujours. C’est ce que Jésus le rappelle aux pharisiens : « au commencement de la création » Dieu l’avait prévu ainsi. Tel est le projet originel de la création : que les deux soient une seule chair, une seule fragilité et une seule faiblesse, ou mieux encore, deux faiblesses et deux fragilités qui, mises ensemble, sont capables de donner solidité à la vie de couple. On n’épouse pas un ange tombé du ciel, mais un être fragile comme nous, et nos fragilités acceptées et mises ensemble deviennent une force. C’est cela la bonne nouvelle du mariage malgré les épreuves et la crise.
En couple, en famille, en Eglise, dans toute société, il faut des normes ! Evidemment ! On ne peut vivre dans une société sans normes. Mais n’oublions jamais que la norme, la loi par excellence, c’est l’Amour. Seulement l’amour peut t’aider à ne pas transformer celui ou celle que tu as aimé en ennemi à écraser au tribunal, lorsque malheureusement, il vous semble que, malgré tous les efforts, il n’est plus possible de continuer votre vie à deux. La guerre lors des divorces et séparations sont l’œuvre du Malin qui veut tuer l’amour dans notre cœur.
Dans cet évangile, Jésus nous rappelle que par-dessus tout, nous devons être très attentifs à nos enfants. L’amour et le bonheur des enfants doit être la priorité et le critère de nos décisions ! Pour faire souffrir son ex, l’enfant devient le jouet de nos rancœurs, de nos jalousies et notre guerre morbide. Ecoutons Jésus nous redire dans cet évangile « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains. »
Un enfant ne se demande pas si papa ou maman sont régulièrement mariés à l’église : il se demande seulement si ses parents l’aiment. Un enfant ne demande pas si la maman et le papa ont toujours été une seule chair et un seul esprit : il désire seulement que ses parents l’aiment, et si ses parents s’aiment, c’est encore mieux pour lui et pour toute la société. En rendant grâce pour la bonne nouvelle du mariage et de la famille, nous prions aussi pour eux qui sont éprouvés et blessés dans leur vie de couple. Amen.