Montre l’amour de Dieu débordant en toi et par toi en aimant ton prochain comme toi-même
Mes chers frères et sœurs !
Dimanche dernier, en nous disant de « rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », Jésus nous rappelait ce qu’est la vraie laïcité. Une semaine plus tard, il vient nous rappeler le primat de l’amour sur la Loi : l’amour envers Dieu et celui envers notre prochain au cœur de notre vie personnelle, familiale et ecclésiale.
L’amour de Dieu et celui du prochain sont deux commandements qu’on ne peut séparer. L’amour de Dieu n’est pas seulement le paradigme ou le modèle de l’amour du prochain. L’amour de Dieu est la raison, l’origine, la sourceet le fondement de l’amour du prochain. Le chrétien devrait dire « J’aime mon prochain, quel qu’il soit, parce que j’aime Jésus-Christ ». D’ailleurs, je ne peux aimer le prochain que parce que je me sais aimé par le Christ. Pour aimer les autres, il faut se savoir aimé d’abord. Quelqu’un qui se croit mal aimé saura difficilement aimer les autres. Même les psys nous le disent. Convaincu d’être aimé de Dieu de manière inconditionnelle, je peux alors aimer moi aussi, car l’amour du Christ déborde en moi pour jaillir sur les autres. C’est le syllogisme logique de l’amour chrétien. Si l’amour du Christ n’était pas la source de notre amour, nous serions dans l’habituelle distinction-séparation entre les gens que nous pouvons ou devons aimer et ceux que nous ne sommes pas obligés d’aimer et qui ne méritent pas notre amour. Vous savez mieux que moi que nous avons humainement dix mille raisons objectives et subjectives de haïr certaines personnes.
Pense un peu à ton frère, ta sœur qui t’a arnaqué lors du partage de l’héritage après les décès de vos parents. Comment l’aimer franchement alors qu’il s’était octroyé la part du lion, en profitant d’un moment de faiblesse des parents encore malades, pour faire signer un testament qui ne t’accordait presque rien. Quand nous visitons les familles en deuil, nous rencontrons souvent ces déchirements. Un fourbe-rusé comme celui-là, il n’est pas possible humainement de l’aimer. En ce moment de crise d’emploi et de restructuration dans nos entreprises, pense à ce collège qui t’a piqué le poste que tu occupais depuis plus de 10 ans, un poste où tu n’as pas failli, que tu méritais objectivement, mais qui lui a été donné simplement parce qu’il ou elle était fils ou fille de, parachuté, protégé ou pistonné par quelqu’un là-haut dans la hiérarchie à qui il ou elle se vendait. Devant un tel ou une telle collègue, il est naturellement humain de ressentir dégoût et antipathie. Pense à ton curé, à ce prêtre de ta paroisse dont tu penses, à tort ou à raison, qu’il déconstruit de que tu as construit pendant des décennies et dont tu désapprouve les la vision pastorale, ou l’autre dont la soutane te donne presque mal au ventre ! Pense à ton voisin de l’appartement d’au-dessus qui, parce qu’il ne peut plus sortir le soir à cause du couvre-feu, fait la fête, met la musique la musique, toute la nuit au point de t’empêcher de fermer l’œil après le vendredi soir après une semaine de fatigue et de stresse…et est tellement gonflé qu’il ne lui est jamais venue l’idée de s’excuser après de toi. Pense à ton voisin retraité qui tond la pelouse exactement au moment où ton bébé de quelques mois doit faire sa sieste…. Je m’arrête là, vous laissant le soin de poursuivre cette litanie des personnes que nous trouvons objectivement, subjectivement, humainementdétestables. Et pourtant mes amis, les raisons qui nous poussent à aimer ne sont pas d’abord et seulement humaines : c’est l’amour du Christ pour moi et mon amour pour le Christ qui suscite et soutient tout type d’amour vrai dans ma vie de chaque jour.
Heureusement qu’Il nous aime Lui, le premier ! Et nous alors ? Sommes-nous vraiment convaincus que l’amour de Dieu est premier qu’il est plus grand que tout autre amour, et que cet Amour suscite et soutient notre amour dans nos différentes relations amoureuses ? Saint Jean nous dit que Dieu est Amour. Et pourtant, saint Jean connaît aussi les pièges de l’amour, les contradictions et l’hypocrisie de la grande rhétorique de l’amour, une rhétorique tellement facile qu’on l’entend à temps et à contretemps, qui dit à la fois l’amour et son contraire. C’est ainsi qu’il nous met en garde en disant : « Si quelqu’un dit : « j’aime Dieu », mais qu’il hait son frère, celui-là est un menteur. Celui qui n’aime pas son propre frère qu’il voit ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas (1Jn4, 20). Et encore il nous dit, « mes enfants, aimez-vous, non pas avec des discours et des paroles, mais en actes et en vérité ».
Aimer Dieu et aimer son prochain est un binôme inséparable. L’amour envers Dieu et celui envers le prochain sont ordonnés l’un à l’autre. Le premier fonde le second, et le second confirme ou dément le premier. Un amour pur envers Dieu est un concept abstrait, et pire encore, c’est une illusion. Je connais un homme qui se prend pour un vrai mystique, mais qui est incapable de dire à quelqu’un « je t’aime ». Ce mystique amoureux absolu de Dieu soutient qu’on ne peut dire « je t’aime » qu’à Dieu seul, car les amours humains rendent esclaves et seul l’amour envers Dieu libère. Ce monsieur convaincu d’aimer Dieu de manière absolue, de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces a choisi la voie absolue : la vie contemplative.
Malheureusement pour lui, même dans les monastères, il y a aussi des frères à aimer, qui valident ou invalident, vérifient la crédibilité-vérité de notre amour envers Dieu. Et du coup, notre ami a pérégriné dans une dizaine des monastères sans y trouver son bonheur. Il a fini dans un séminaire diocésain et est devenu prêtre dans une paroisse de campagne, avec une dizaine de clochers, et là encore, il a du mal, il est malheureux parce qu’il n’a toujours pas compris que tout l’amour qu’il prétend avoir pour Dieu, le Seigneur lui demande d’en témoigner auprès de ses paroissiens, qui ne sont, disons-le franchement, pas toujours sympathiques envers lui ! Aux dernières nouvelles….il est allé voir son évêque et lui demande de décharger du ministère car il veut quitter le sacerdoce pour se marier ! Il pense avoir rencontré l’amour…mais j’ai peur qu’il oublie que là aussi, l’amour envers Dieu sera incarné dans l’amour qu’il devra témoigner à cette femme (qui n’est pas un ange tombé du ciel) et des enfants (parfois insupportables pas toujours mignons).
L’amour envers Dieu doit s’incarner car Dieu le premier, pour montrer son amour pour nous, a embrassé notre humanité. Celui qui veut se passer de l’amour des autres se condamne forcement à la tristesse et à une vie sans saveur. Nous avons été créés comme êtres de relations et c’est dans dans la relation que nous nous réalisons. Cela vaut aussi pour les prêtres, religieux et religieuses ! J’ai été interpellé par le fait que quand vous regardez la vie de certains prêtres, religieux ou religieuses, vous avez parfois l’impression de voir des gens sans cœur, incapables d’éprouver un minimum d’affection, d’avoir de masses de pierre devant vous. Le pape François avait dit aux religieuses lors d’une audience qu’elles ne devaient pas donner l’impression d’être tristes comme des vieilles filles aigries par la vie, mais d’être heureuses comme des mères grâce à leur maternité spirituelle de leur cœur.
Cet évangile fait penser au chap 25 de Matthieu dans lequel le Christ nous parle de sa venue dans la gloire pour le jugement dernier : Jésus dit aux uns et aux autres : « Ce que vous avez fait ou n’avez pas fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ou à moi non plus vous ne l’avez fait ». C’est concrètement que nous manifestons notre amour ou non-amour envers Dieu.
L’incarnation du Christ nous dit que Dieu a pris chair pour révéler son amour, un amour qui souffre, pleure, rit…, a connu la fatigue, a supporté les déceptions, la fuite des disciples, la trahison de Judas, le reniement de Pierre, a souffert des calculs pervers de la politique et de la religion, l’ambiguïté des alliances, la violence physique et morale…. Mais cet Amour-Dieu s’est donné jusqu’au bout ! Notre amour pour Dieu doit prendre corps, s’incarner à travers les visages donnés dans l’entourage familial, ecclésial, professionnel. Notre amour est appelé aussi à se donner jusqu’au bout, même si les conditions humaines familiales, professionnelles, sociales, ecclésiales y sont parfois défavorables. L’effort spirituel que je vous propose pour la semaine : de penser à la personne (une seule) que nous détestons le plus (nous en avons tous) et faire un geste d’amour envers elle : un appel, un mail, un texto, une salutation ou petit sourire au travail ! Si cela nous coûte le Seigneur nous y aidera ! Ce n’est seulement par ces petits ou grands efforts que nous apprenons à aimer en vérité. Amen.