Mes chers frères et sœurs !

Après la résurrection, Jésus est apparu plusieurs fois à ses disciples. Ce dimanche, c’est au bord du lac de Tibériade qu’il leur apparaît. Dans ce récit, trois éléments sont pour moi importants.

D’abord, les disciples sont dans le brouillard et la nuit.  Ils sont encore dans le deuil de la mort de Jésus et ne savent pas en sortir. Ils ont perdu Jésus, mort sur la croix et sont convaincus qu’il est enfermé dans le tombeau que lui avait offert Joseph d’Arimathie. Comme les disciples d’Emmaüs quittant Jérusalem pour revenir à leur vie d’avant au village, les autres disciples sont retournés à la vie d’avant leur rencontre avec Jésus qu’ils ont suivi pendant trois ans. Ils ont même repris leur profession d’avant. Beaucoup parmi eux étaient des gens de la mer qui vivaient de la pêche, et donc, ils ressortent leurs filets de pêche pour s’assurer un peu de quoi vivre.

Mais, les choses ne se passent pas comme auparavant ! Est-ce parce qu’ils avaient fait un break de trois ans, depuis qu’ils ont tout laissé pour suivre Jésus. Ont-ils oublié ou perdu quelques bons réflexes du métier ? Avaient-ils perdu l’expérience acquise avant. C’est comme quelqu’un qui a arrêté de travailler pendant quelques années et qui est obligé de reprendre le boulot. Il lui faut alors une petite mise à jour, remise à niveau, une petite formation pour être dans les clous. Est-ce que c’est ce qu’il fallait pour les apôtres ? Je n’en sais rien. Un sportif, aussi talentueux soit-il, ayant arrêté de s’entraîner pendant quelques années, ne peut s’aventurer sur le terrain pour une compétition sans une période d’entrainement suffisante. Même au niveau spirituel, il est très difficile de reprendre et tenir une heure de prière silencieuse ou d’oraison quand on a arrêté de le faire pendant quelques mois.

Les apôtres étaient de gens bien expérimentés dans leur métier de pêcheurs mais il se fait quand ils reprennent, cette nuit-là, ils n’ont rien pris. Tristes, ils se sentent vides, typique de quelqu’un qui déprime. Jésus leur manque et c’est par défaut qu’ils ont repris leur ancien job. Ils le font à contre cœur, parce qu’ils pensent ne pas avoir d’autres choix. Cette nuit infructueuse a été trop longue pour eux. C’est la nuit de celui qui ne se fait plus confiance, qui sent sa vie toute plongée dans le brouillard. Les disciples pensent toujours que Jésus est enfermé dans son tombeau, tellement pris dans le brouillard intérieur qu’ils ne sont même pas capables de voir le jour qui se lève. Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien. « Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. » Jésus est déjà ressuscité, est juste là, en face d’eux mais ils ne réussissent pas à percevoir sa présence.

Ensuite, il y a l’expérience de la finitude, de la pauvreté et de nos besoins. Pour se manifester, Jésus s’appuie sur les sentiments négatifs et les besoins que nous avons. Souvent, lorsque nous sommes dans le besoin et que nous faisons l’expérience de notre finitude et de la pauvreté, nous sommes plus disponibles pour accueillir. Une assemblée venue pour des funérailles écoutent plus que ceux qui viennent faire la fiesta du mariage ou du baptême.

Jésus leur dit « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » leur demande Jésus. Il sait bien que les disciples n’ont rien à manger mais il veut qu’ils prennent conscience de leur finitude, leur pauvreté, leur rien. Seulement après cette prise de conscience que Jésus pourra remplir le vide qu’ils portent en eux. Même spirituellement, aussi longtemps que nous pensons que nous suffisons à nous-mêmes, nous ne laissons aucune place aux autres et à Dieu. Les sociétés qui sont dans la précarité, la guerre, matériellement pauvres, donnent un peu plus de place à Dieu plus que les sociétés riches économiquement qui pensent se suffire et n’ont pas besoin de Dieu.

« Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! ». Au moins l’un d’eux, celui qui était resté aux pieds de la croix avec la sainte Vierge, reconnait le Seigneur Jésus ressuscité qui est là ! Et pourtant, ils tous avaient bien discuté et échangé avec lui mais personne n’a pas pu le reconnaître. Que c’est bizarre ! Peu importe ! La joie est revenue dans les cœurs des apôtres, le même l’enthousiasme du départ, quand ils avaient décidé de tout quitter et tout d’abandonner pour suivre Jésus. Pierre semble presque la tête, comme lors de la transfiguration ! Il saute de la barque, presque déshabillé et nage une centaine de 100m pour aller à la rencontre de Jésus. Revoir Jésus vivant permet aux disciples, comme à chaque apparition du ressuscité, de passer de la tristesse à la joie.

Enfin, il y a l’abandon dans confiance. Pierre qui avait renié Jésus trois fois au cours du procès était torturé dans son cœur par la culpabilité et les remords. Jésus veut toucher et soigner son cœur de ses blessures. Il lui demande trois fois s’il l’aime ! « M’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. ». Pierre a craqué ! Pleurer fait du bien et permet de faire sortir toutes ces joyeuses ou douloureuses que nous portons en nous. Pierre s’est rappelé son triple reniement, mais Jésus lui a donné la possibilité de lui renouveler son amour, son amitié et de lui confier une mission. Comme quoi, le Seigneur ne confie pas des missions aux gens parfaits, mais leur nous demande de compter sur sa grâce. Pierre l’a compris, et maintenant, il choisit de s’abandonner et de faire confiance à Jésus.

Jésus conclut en disant à Pierre : « Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » C’est comme pour dire à Pierre « quand tu étais jeune et croyais ne compter que sur toi-même en faisant ce que tu voulais, facilement tu te plantais et tu tombais. Maintenant que tu as pris conscience de ta fragilité, tu devras t’abandonner en toute confiance et compter sur moi. C’est le sens de la vie chrétienne, de la mission dans l’Eglise : nous sommes tous fragile et nous avons besoin de nous abandonner aux mains du Seigneur, comme nous l’apprend saint Charles de Foucault : s’abandonner parce que  sûrs et confaints dans l’Amour infini  du Père.

Chaque fois que nous voulons nous débrouiller tout seul sans le Seigneur, c’est alors que nous nous trompons et commettons de grosses erreurs qui nous font souffrir. Quand nous faisons confiance au Seigneur et aux autres, alors nous apprenons à nous abandonner. Mais ce n’est pas toujours facile de s’abandonner et de lâcher prise. Pour le moment, efforçons-nous de suivre Jésus pour ne pas le perdre de vue au quotidien. Demandons la grâce de la confiance et de l’abandon. Amen