Mes chers frères et sœurs !
Le Carême est un appel au changement de vie, mais nous savons que nous avons besoin de toute notre vie pour nous convertir. Chaque jour qui passe est un appel à changer de vie et à accueillir la lumière. La conversion dont nous avons besoin, c’est l’appel à purifier l’idée parfois approximative, limitée que nous avons de Dieu. Même nous les catholiques pratiquants et disciples de longue date. La conversion, c’est aussi oser aimer à la mesure de Dieu qui, comme un père plein d’amour, fait la fête quand il voit son fils perdu revenir à la maison. La conversion, c’est imiter la mesure sans mesure de ce Dieu grand et fou d’amour pour nous et qui ne se fatigue jamais de nous chercher. Nous pouvons comparer Dieu à un GPS : quand nous nous sommes trompés de route parce que n’avons pas suivi l’itinéraire qu’il nous a proposé au départ, le GPS réinitialise et recalcule le trajet pour nous proposer un autre itinéraire qui nous conduit à notre destination. De même, Dieu réinitialise sans cesse et ne se fatigue jamais de nous chercher pour nous conduire au salut.
Après le beau récit du père prodigue avec ses deux fils sans amour de dimanche dernier, saint Luc nous propose aujourd’hui une des plus belles paraboles de la miséricorde et de la tendresse divine. Saint Augustin note que cette parabole est tellement choquante, forte et paradoxale au point que les premiers chrétiens l’avaient presque effacée des textes et de leur mémoire. C’est l’histoire d’une femme adultère, dont nous ne savons pas le nom, prise en flagrance mais pardonnée sans condition. Pour ses accusateurs, elle est identifiée comme étant une pécheresse, une prostituée. Est-elle fiancée, mariée, heureuse, malheureuse dans sa vie personnelle ? Rien de sa vie n’intéresse ses délateurs prêts à l’exécuter au nom de Dieu et du respect de la Loi de Moïse. Remarquons aussi l’absence des témoins et de l’amant.
La Loi dit pourtant expressément qu’une personne peut être accusée d’adultère à la présence de deux témoins. Où sont-ils et qui sont-ils ? Et l’amant, personne ne demande ne demande de le voir. Leur a-t-il échappé ? lui est-il réservé un autre sort en tant qu’homme ? L’’évangile ne dit rien. Ces justiciers de Dieu veulent tout simplement la peau de la femme. Point.
La tension est à son paroxysme. La Loi de Moïse, brandie comme une arme, n’est même pas respectée par ceux qui prétendent la faire respecter avec cynisme et hypocrisie On le voit avec le contexte géopolitique : derrière des raisons nobles se cachent parfois des sentiments mesquins. Parfois on parle de la défense de la démocratie, la paix, alors que derrière, on veut défendre les intérêts économiques ou stratégiques.
La femme est jetée par terre, au centre des cris et de la rage de la foule. Parfois on cherche à être au centre de l’attention pour recevoir la gloire. Mais il y a des moments où être à la une de l’actualité, au centre de l’attention est un véritable enfer. Ici, elle est au centre, couchée par terre, devant ses juges qui l’ont déjà condamnée.
Jésus est appelé à exprimer son opinion en tant que rabbi ! A quoi bon, parce qu’elle est déjà jugée et condamnée. Jésus a compris que c’est un piège : si Jésus dit qu’il ne faut pas la lapider, il s’opposerait à la Loi de Moïse, ce qui est condamnable. S’il ordonne de la lapider, il contredit la loi romaine qui demande un procès : dans ce cas, Jésus ferait ainsi partie de tous les rebelles qui s’opposent à Rome. Pire encore, cela serait un démenti à sa vision d’un Dieu bon et miséricordieux.
La foule est folle de rage, manipulée par ceux qui veulent la condamnation de Jésus ce monsieur qui s’est improvisé prophète, rassemblant de plus en plus des foules et fréquentant des publicains, des pécheurs, des prostituées comme cette femme adultère.
Jésus s’abaisse et trace des signes par terre avec son doigt. Il se sait piégé. Il se tait et essaye de réfléchir contrairement à cette foule n’a pas manipulée. Jésus fait de gribouille. Dans la tradition sémitique, faire de gribouille était une façon de rassembler ses idées et contenir ses émotions. Jésus reste assis mais lève son regard. Sa réponse est devenue illustre, même pour les non croyants : « Que celui parmi vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». Certes, cette femme a péché. C’est évidement. Personne ne peut le nier. Mais qui parmi nous n’a jamais commis de péché ? Cette question est vraie raclée aux accusateurs ! Jésus ne nie pas la validité de la loi et ne justifie pas que l’adultère soit quelque chose de bien ! Il va au-delà, à la source, à l’origine de la Loi faite le bien et la vie de l’homme, non pour l’opprimer. C’est vrai que cette femme a péché, mais elle a une histoire, un nom, une dignité, même la dignité de se tromper, de se racheter, de se convertir, de devenir meilleure. Jésus appelle à faire la distinction entre le péché et le pécheur, chose que les accusateurs n’arrivent pas faire.
Jésus met aussi dans le jugement une variable inattendue pour les accusateurs : la miséricorde, cette attitude typique de Dieu qui regarde notre misère avec son cœur. Oui, cette femme a péché, mais nous sommes tous pécheurs et valons plus que notre péché. C’est pour cela que l’Eglise est contre la peine de mort. Cette femme a bien péché, mais elle ne doit pas être clouée et identifiée à ses limites qu’elle peut changer si elle voit une autre issue. « Il se redressa et lui demanda :« Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Jésus a pardonné cette femme, comme il me pardonne aussi. Son pardon accordé m’appelle à la conversion, au changement de vie, à la conversion. Dieu nous appelle à faire de même. Nous pouvons aussi changer et devenir miséricordieux comme notre Père ! Nous pouvons aimer parce que nous sommes aimés de Dieu, pardonner parce que bénéficiaires de la miséricorde de Dieu. A l’approche des fêtes pascales, approchons-nous du cœur miséricordieux du Christ qui nous sauve, nous pardonne et nous appelle la conversion.