Mes chers frères et sœurs !

Faisons une petite enquête ! Qui parmi nous ici présents n’a jamais eu des soucis en lien avec l’argent ? (moi très souvent) Nous tous, même les plus fortunés parmi nous, nous avons tous probablement été confrontés un jour à la question de la gestion, le manque, les conflits et tension en lien avec l’argent ou les biens matériels. Être en conflit à cause de l’argent, de l’héritage ou des biens matériels… est une réalité dont nous faisons l’expérience très souvent malheureusement dans nos familles.

Combien d’amitiés cassées, des liens familiaux transformés en haine viscérale à cause de l’argent, pour quelques mètres-carré d’appartement, des meubles ou de la vaisselle laissés par les défunts parents ? Comme c’est horrible de voir que la douleur du deuil amplifiée par la haine et les querelles entre les enfants, lors des funérailles ! Pensons à la guerre que se font certains époux, quand malheureusement survient le divorce, pour le partage des biens matériels.

En famille comme avec les amis, il faut qu’il y ait de la justice et de l’équité, avant de les transformer en solidarité ! On ne peut pas, au nom de l’amitié, accepter de subir l’injustice de quelques membres de famille. Il y dans toutes les communautés quelques durs qui pensent qu’ils peuvent écraser tout le monde. Parfois, il nous faut mettre les pieds dans les plats pour leur dire que ça suffit et ne pas laisser certains écraser les autres. Essayons cependant de résoudre ces conflits directement, à l’amiable, en évitant dans la mesure du possible d’y mêler les juges et avocats.

Dans l’évangile, Jésus refuse d’être le médiateur dans un conflit d’héritage. Il refuse de se mêler à cette affaire pour nous laisser « discerner par nous-même ce qui est juste ». Nous ne pouvons pas demander sans arrêt à Dieu de faire à notre place ce que nous sommes capables de faire par nous-même. Avec Dieu, nous sommes parfois comme ces gamins qui doivent toujours faire recours aux parents ou à la maitresse pour résoudre leurs petits différends et querelles sur l’usage des jouets ou le partage du goûter. Je viens de passer une semaine dans les Pouilles avec des amis et leurs deux enfants. J’ai été impressionné par la capacité qu’ont les enfants à s’embêter et demander l’intervention des parents. Parfois même, c’est celui qui embête le premier qui crie et pleure plus fort que l’autre… et puis, ils peuvent passer de la querelle, des larmes à la grande joie en l’intervalle de quelques secondes ! J’ai compris que parfois, quand les enfants vous sollicitent dans leurs querelles, faire la sourde oreille, comme si l’on n’avait rien entendu, peut- être la meilleure solution et ça passe quelques minutes après !

Jésus refuse parce qu’il nous fait confiance : nous sommes suffisamment intelligents pour prendre soin les uns des autres, pour savoir que l’injustice cause des guerres et des conflits, que laisser mourir de famine et de soif des enfants à Gaza ne peut qu’amplifier les rancoeurs et la haine, qu’exploiter indéfiniment la planète conduit à sa destruction et à notre disparition…. Dieu est le Créateur de tout ce qui existe, mais la gestion de la création est confiée à notre responsabilité. Il suffit juste du bon sens pour comprendre ce qui est bon pour l’économie, la justice, la paix, la solidarité : il suffit de voir la réalité, d’écouter notre cœur, suivre notre conscience éclairée.

Jésus sait que derrière cette demande de médiation, il y a un conflit autour de l’argent. Il en profite alors pour faire une petite catéchèse sur la richesse. En France, et dans les milieux catho en particulier, nous avons une pudeur presque naturelle à parler d’argent, considéré parfois comme quelque chose d’un « peu dangereux », « un peu sale », « un peu ambiguë ». Nous sommes embarrassés et gênés pour parler d’argent, de notre salaire….  Comme c’est compliqué au curé de parler de la quête, de faire un appel au don, une relance du Denier de l’Eglise… Trop facile de suspecter celui qui est riche et l’accuser presque spontanément d’être malhonnête comme ceux qui pensent que tous les patrons de « pourris ».

Ce n’est pas cela le message de cette parabole. Jésus ne dit pas que la richesse est sale ou impure. Il prévient simplement que la richesse peut être dangereuse. Il suffit de regarder ce « pauvre-homme-riche » de la parabole. C’est un grand travailleur. Il n’est pas décrit comme malhonnête ! Il veut profiter tranquillement du fruit de son labeur. Je pense que c’est normal qu’un retraité se fasse plaisir et profite un peu après des années de dur labeur. La mort annoncée de cet homme n’est pas une punition, mais un événement possible, toujours dans l’ordre des choses parce que toutes les créatures finissent naturellement par mourir. Pourquoi va-t-il mourir ? Quelles sont les causes de sa mort annoncée ? Trop de stress, trop de travail, trop de cigarette, d’alcool, de drogue, trop de pollution, la maladie, une fusillade, un accident de voiture ! Peu importe la cause. Il faut simplement y penser. La mort n’est pas une punition de Dieu.

Jésus nous avertit : la richesse promet ce qu’elle ne peut jamais donner. C’est illusoire de penser que les biens matériels peuvent combler notre cœur ! La sagesse de Qohéleth nous prévient : « En effet, que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? Tous ses jours sont autant de souffrances, ses occupations sont autant de tourments : même la nuit, son cœur n’a pas de repos. Cela aussi n’est que vanité. » Alors, inutile de chercher à accumuler des richesses terrestres, mais, comme dit Jésus, cherchons d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste nous sera donné en surcroit.  Saint Paul nous invite à changer profondément de stratégie et de priorité : « Frères, si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu.  Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. »

Vouloir combler la soif profonde de notre cœur par les biens matériels, peut être comparable à celui a tellement soif au risque de s’abreuver d’eau insalubre.  Dans notre cœur il y a une soif d’absolu qu’aucune richesse ne peut combler. A nous de discerner ce qui est vraiment essentiel et nous rappeler que nous sommes pèlerins, que la richesse est parfois trompeuse, que celui qui a reçu de la Providence un peu de richesse s’en serve pour accumuler un peu de trésors au Ciel en aidant les frères et sœurs pauvres, comme dit cette bénédiction finale du mariage: « Soyez dans le monde des témoins de l’amour de Dieu : Ouvrez votre porte aux malheureux et aux pauvres qui vous recevront un jour avec reconnaissance dans la maison du Père ».

Au lieu de nous faire une leçon de morale sur la richesse ou la pauvreté, Jésus fait appel à notre conscience ! Au lieu de nous culpabiliser, Jésus nous rappelle que le matériel est marqué par la finitude et le côté précaire… Seule la vie éternelle demeure. Que le Saint Esprit nous aide à comprendre que notre cœur n’a pas besoin d’être rempli par les biens matériels mais par l’Amour : celui qui nous vient de Dieu et celui de nos frères et sœurs pèlerins et passagers avec nous ici-bas, tous enfants du même Père qui nous appelle ensemble au salut et bonheur de la vie éternelle qui sont la seule vraie richesse impérissable. Amen.