Chers frères et sœurs, l’Évangile que nous avons proclamé nous rappelle que nous sommes dans l’attente du Seigneur. Il nous l’annonce lui-même : il reviendra dans la puissance avec une grande gloire. Lui est Dieu en personne, il est le Créateur et le Rédempteur, il a tout en créé en six jours, il a tout recréé en trois jours par sa mort et sa résurrection, et il reviendra en un jour. Sa puissance s’exprime progressivement dans notre histoire et à son retour elle sera pleinement manifestée.

Elle sera pleinement manifestée à son retour et donc il ne pourra y avoir aucun contraste à sa gloire et à sa puissance au moment de sa venue. Dans l’attente de ce jour nous sommes appelés à vivre dans la foi, dans l’espérance et la charité.

Nous vivons dans la foi mais peut-on véritablement vivre dans l’espérance et la charité si nous imaginons que l’histoire – notre histoire personnelle et universelle – consiste à traverser une mer de douleurs et de calamités dans l’attente de sa venue ?

Le Seigneur nous le dit au début de son discours – dont nous avons à présent entendu seulement ce qui correspond à la fin – il y aura des guerres et des désordres, mais ce ne sera pas encore la fin. Si on vous dit : Le temps est proche, ne les croyez pas ne marchez pas derrière eux, ce n’est pas encore la fin.

Le fonds de commerce du Seigneur n’est pas la peur, l’angoisse, la détresse, sa venue n’est pas annoncée par des catastrophes. Ce sont les faux messies qui à l’occasion des guerres nous disent que la fin est proche.

Alors quel sera le signe annonciateur de sa venue ? le Seigneur nous le dit dans l’évangile que nous avons proclamé aujourd’hui. Mais pour le comprendre il faut le replacer dans son contexte.

Nous avons proclamé l’évangile de Luc, il s’agit de l’évangile que nous proclamerons particulièrement durant toute cette nouvelle année liturgique. Luc est grec d’origine et il a suivi saint Paul dans sa mission auprès des païens, auprès de peuples de culture grecque principalement. Et son évangile en est marqué, il est adressé particulièrement à des personnes de culture, de mentalité grecque. Comme chaque évangile il naît dans un contexte et avec une adresse qui lui est particulière, d’où les légères différences d’expression d’un évangile à l’autre – légères mais qui ont leur importance.

Quel est le contexte donc ? tout simplement celui de la magie. La magie est la réalité la plus répandue dans le monde grec, en lien à la fois avec la médecine, qu’elle détourne, la religion et l’astrologie qu’elle détourne également. La magie prétend gouverner sur les éléments de la nature à partir d’un culte – à cette époque solaire, le soleil est considéré comme un dieu – et surtout à travers l’invocation d’esprits, nous dirions aujourd’hui de démons.

Cette volonté de domination cependant n’appartient pas seulement à l’Antiquité mais nous la retrouvons jusqu’à aujourd’hui. Volonté de domination qui s’exprime à travers l’usage que nous faisons de la science et de la technologie. Nous voulons dominer les uns sur les autres, les nations les unes sur les autres, et surtout sur la nature dans son ensemble et l’exploiter.

Quand le Seigneur annonce des signes dans le soleil, la lune, les étoiles, que les nations et les personnes seront dans la frayeur à cause du tumulte des flots, que les puissances célestes seront ébranlées, tout cela signifie que les forces qui sont celles de la magie à son époque vont être ébranlées, que ces forces qui ne peuvent pas nous sauver vont perdre leur pouvoir d’illusion et que les personnes qui ont mis leur confiance dans ces forces seront désemparées parce que tout leur semblera incontrôlable.

Et de même de nos jours nous le voyons, comme à chaque époque certainement, qu’en réalité notre illusion de pouvoir tout contrôler se révèle à chaque fois pour ce qu’elle est, une volonté de domination qui ne porte qu’à la frustration.

Ce qui annonce la venue du Seigneur ce ne sont pas à proprement parler des catastrophes mais cette perte de puissance et de capacité à illusionner des forces qui ne peuvent nous donner le salut. Elles se dressent les unes après les autres mais les unes après les autres elles perdent leur pouvoir. C’est cela qui est pour nous un signe d’espérance et qui nous annonce la venue du Seigneur, jusqu’à ce que toutes ces illusions soient définitivement perdues.

Donc nous vivons dans la foi et dans l’espérance si nous savons lire les signes qui nous entourent, les signes de notre temps, si nous savons les interpréter.

Et le Seigneur nous enseigne aussi à vivre dans la charité. Il nous avertit que nos contemporains qui n’ont pas la même espérance attendent le salut de cette domination sur chaque chose, pour eux il s’agit du salut. Et quand ils sont désillusionnés, souvent ils cherchent une nouvelle illusion ou bien ils sombrent dans l’alcoolisme, ou d’autres addictions, per le sentiment d’impuissance et de frustration qui les domine.

Le Seigneur nous enseigne à prendre conscience de la détresse de chacun, d’en comprendre les causes, pour témoigner devant chacun d’une autre voie que celle de la domination. Il nous enseigne à prier en tout temps pour savoir vivre véritablement dans la foi, dans l’espérance et la charité en sachant reconnaitre les signes de sa venue pour se mettre au service de la création et du bien de chaque personne et ainsi l’annoncer véritablement.