Chers frères et sœurs, les parents de Jésus le cherchent dans la caravane et puis dans Jérusalem et ils sont dans l’angoisse. Mais en réalité cette angoisse est déjà présente au préalable, en tout cas une angoisse similaire.

Elle est présente dans tout le peuple d’Israël, c’est cette angoisse qui est présente au fond du cœur de tout le peuple quand il monte chaque année au moment de la Pâque pour offrir des sacrifices dans le temple.

Vous vous souvenez que le peuple hébreu est sorti d’Égypte durant la nuit après que l’ange exterminateur est passé dans tout le pays d’Égypte et a fait périr tous les premiers-nés du peuple et du bétail. Mais les hébreux ont été épargnés parce qu’il leur a été commandé de badigeonner la porte de leur maison avec le sang de l’agneau.

Et depuis ils commémorent leur sortie d’Égypte en offrant un agneau au moment de la Pâque. Ils le font pour rappeler les hauts faits du Seigneur, pour exprimer leur reconnaissance, mais ils le font aussi pour continuer à éloigner le fléau de Dieu loin de leur propre famille – ils le font avec un fond d’angoisse.

Est-ce que Dieu ne va pas emporter mon enfant si je ne le fais pas ? l’angoisse dans le fond de leur cœur est toujours présente, elle peut même être le moteur principal de leur pèlerinage…

Par la suite, cette angoisse est conjurée par des rites, par un calendrier, par des sacrifices, par une routine et finalement par de l’indifférence. Il est paradoxal que l’on passe ainsi de l’angoisse à l’indifférence, mais c’est ce qui se passe souvent.

L’Évangile nous fait percevoir cette routine, il nous dit que les parents de Jésus se rendaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque, que lorsqu’il eut douze ans ils montèrent comme c’était leur coutume, et une fois les jours écoulés ils s’en retournaient – une fois les jours écoulés, pas avant, pas après, tout est bien réglé…

A l’adolescent Jésus cette angoisse doublée de routine et d’indifférence ne va pas du tout. Comme tout adolescent qui se respecte il va mettre en crise cette belle construction. Il n’accepte pas que l’on soit en rapport avec Dieu à travers la peur, la routine ou l’indifférence.

Je disais comme tout adolescent qui se respecte, parce que d’une manière ou d’une autre – chaque histoire est différente – mais d’une manière ou d’une autre c’est ce qui arrive dans chaque famille. C’est-à-dire que les parents disposent leur vie comme il leur semble meilleur, ils construisent un cadre dans lequel ils vont pouvoir faire face à leurs responsabilités et aider leurs enfants à grandir.

Mais il y a aussi des choses qu’ils laissent derrière eux, des peurs par exemple qu’ils ne veulent pas voir, ou bien des évènements de leur histoire auxquels ils ne veulent plus penser, des sacrifices qu’ils ont fait pour leur famille. Tout ça est derrière.

Et puis l’enfant tout d’abord voit ses parents comme des dieux, coupés de la réalité. Mais quand il grandit il les voit dans la vérité et avec ce qu’ils ont placé par devers eux, il les voit dans leur fragilité et cela les humanise – ils doivent accepter cela.

Les enfants un jour proche ou lointain seront reconnaissants pour tout ce qui leur a été donné, mais dans un premier temps ils mettent en crise le cadre qui leur est donné, ils en voient toutes les failles.

L’adolescent Jésus entend s’occuper des affaires de son Père, il entend nous faire découvrir qui est vraiment ce Dieu, il entend nous le faire connaitre comme un père pour nous, comme une mère, pas comme un être de peur.

Siméon l’avait prédit à Marie, Un glaive te transpercera l’âme pour que soient révélées les pensées de beaucoup de cœurs. Les cœurs sont dans la peur et dans l’indifférence par rapport à Dieu, c’est l’union intime de nombreux croyants et d’athées qui adorent et nient en réalité un même Dieu effrayant.

Quand nous irons en pèlerinage durant ce jubilé nous ne le ferons pas parce que nous craignons Dieu, ses représailles si nous ne le faisons pas. Nous le ferons comme dans ce temps de Noël pour aller à la source de la grâce, pour recevoir toujours dans notre vie cette nouveauté. Et ce pèlerinage que nous ferons est une image du pèlerinage de notre vie où nous sentons et reconnaissons nos propres limites.

Là aussi il y a une justice un peu surprenante, Marie et Joseph sont certainement ceux qui ont le moins en eux cette peur de Dieu et cette indifférence, et ce sont eux qui sont frappés par cet enseignement. Mais en même ils sont les membres à part entière de leur peuple et dans une certaine mesure ils connaissent cette peur, cette routine et cette indifférence envers Dieu.

Il est juste d’avoir des modèles, mais nous devons nous garder de trop idéaliser la sainte famille de Nazareth. Si nous exagérons cette idéalisation la sainte Famille devient abstraite, elle nous ne dit plus rien, nous la déshumanisons et nous nous déshumanisons – cela est très fréquent dans la foi chrétienne.

L’Évangile nous montre les limites de Marie et Joseph, ils ne comprennent pas les paroles que leur dit Jésus. Ils sont humains, ils sont limités et ils grandissent eux aussi.

L’enfant Jésus nous l’accueillons comme un enfant dans notre vie, durant cette période de Noël, c’est merveilleux. Mais nous devons savoir que cet enfant va grandir, il va devenir adolescent et nous mettre en crise. Il faut que nous acceptions cette crise quand elle se produira.

Si nous acceptons de reconnaitre nos limites, si nous recevons son enseignement, alors l’enfant Jésus rentrera avec nous dans la paix, il grandira dans notre vie en sagesse, en taille et en grâce et nous fera grandir avec lui.