Chers frères et sœurs, l’Évangile nous dit que le peuple était là à regarder, le peuple qui une heure ou deux auparavant criait Crucifie-le, maintenant a commencé à se repentir et ne crie plus.

Il observe. Il ne s’agit pas de voyeurisme, mais d’apprentissage, le peuple recueille l’enseignement que le Seigneur lui donne, comme il l’a toujours fait, ou plutôt l’enseignement que cette scène lui donne dans son ensemble.

Tous sont tournés vers le Seigneur et tous parlent du salut, les uns en raillant les autres non, mais tous parlent du salut. Là nous voyons que notre Seigneur est vraiment le roi de l’univers, le roi par excellence, tous regardent vers lui et attendent de lui le salut.

Traditionnellement, on attend d’un roi qu’il nous apporte la justice et la paix : de Jésus on n’attend rien de moins que le salut. Et le Seigneur dit au bon larron Aujourd’hui tu seras avec moi au paradis…

Au temps où Jésus enseigne et où l’Évangile a été composé, dans l’Antiquité, on pense que les morts séjournent sous terre. Et beaucoup de peuples antiques, notamment les Grecs – et l’Évangile de Luc est adressé plus particulièrement à des personnes de culture grecque – pensent que dans un endroit reculé du séjour des morts se trouvent aussi le séjour des bienheureux.

Nous, nous nous représentons le paradis au ciel, ce qui est juste théologiquement, puisque le paradis cela signifie être avec Dieu. Mais au temps de l’Évangile la théologie chrétienne n’est pas encore développée et le peuple qui reçoit cette annonce pense à un paradis qui se trouve sous terre…

La question qui se pose pour les peuples de l’Antiquité c’est : comment traverser le royaume des morts pour rejoindre le séjour des bienheureux ? Et la réponse leur était donnée par des mystères, les plus connus sont les mystères d’Éleusis, c’est-à-dire à travers une initiation assez compliquée.

D’abord il faut rappeler que c’était inimaginable qu’un criminel entre dans le séjour des bienheureux, mais dans tous les cas il fallait une initiation pour y entrer.

Pour être initié il fallait voir différents tableaux comme au théâtre à travers lesquels on découvrait comment traverser le séjour des morts, comment éviter les pièges, il y avait des monstres surnaturels auxquels on échappait grâce à des formules secrètes, on y apprenait qu’il y avait des divinités dont il fallait connaitre les noms secrets pour pouvoir passer etc…

Donc c’était surtout très compliqué et réservé à des initiés. Avec le Seigneur c’est entièrement différent, il ne s’agit pas d’initiation secrète, ni de parcours compliqué avec des pièges, de formules secrètes… C’est dans le dialogue du Seigneur avec le bon larron que le peuple en observant apprend comment entrer dans le Royaume de Dieu.

D’abord le bon larron dit à son compagnon Tu ne crains pas le Seigneur !

La première chose c’est craindre le Seigneur, reconnaitre que Dieu est l’unique, le Très-Haut, que lui seul a créé toute chose, qu’il est le seul saint, le seul à être vraiment juste, le seul bon, le seul à qui il faut toujours chercher à plaire.

Ensuite le bon larron dit à son compagnon Pour nous c’est juste si nous sommes punis… Donc il reconnait qu’il est pécheur, qu’il a fauté, c’est la deuxième chose.

Et puis il dit à Jésus Souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton royaume… Il lui demande la grâce d’entrer dans son royaume, il la demande à Jésus comme un don gratuit, il ne considère pas qu’il mérite d’y entrer.

C’est seulement trois choses simples dans leur principe, ce sont trois choses seulement et en même temps elles n’en forment qu’une : c’est par l’humilité que nous entrons dans le paradis.

Reconnaitre Dieu, nous reconnaitre pécheurs, demander à Jésus la grâce d’entrer dans le royaume : avoir cette humilité. Cet Évangile est plein d’espérance, le royaume est accessible à tous, c’est même un criminel qui y entre le premier !

Et puis c’est un Évangile plein d’espérance aussi pour un autre motif.

Parce que le contexte des mystères pour connaitre le chemin qui mène au séjour des bienheureux est très important. Pensez-y, du moment que le contexte de l’Évangile est celui des mystères qui nous révèlent ce qui se passe après la mort et comment aller jusqu’au séjour des bienheureux, cela signifie que cet enseignement de l’Évangile vaut pour notre vie mais aussi et surtout pour notre mort.

Cela signifie qu’une fois que nous sommes morts, nous pouvons encore faire ce qui nous a été enseigné : reconnaitre Dieu, nous reconnaitre pécheurs et demander humblement à Jésus de nous donner la grâce d’entrer dans son Royaume. Le Seigneur nous donne et nous redonne la chance d’être accueilli dans son royaume !

Cette page de l’Évangile est pleine d’espérance, cependant elle contient aussi quelque chose d’inquiétant.

Tous ils regardent vers Jésus, tous parlent du salut, il n’y a rien qui les séparent du salut si ce n’est une seule chose qui est l’orgueil : l’orgueil suffit à boucher complètement le passage, à nous rendre entièrement sourds et aveugles à la Grâce.

Qu’est-ce que le larron malveillant a à perdre en acceptant le salut qui vient de Jésus ? et pourtant il est seulement occupé à l’insulter.

Mais c’est tout de même l’espoir qui l’emporte, les chefs après l’avoir raillé ont pu se convertir, comme les soldats. Nous savons par la tradition qu’un soldat s’est converti, celui qui a transpercé le côté de Jésus, un soldat du nom de Longius – nous trouvons sa statue dans la Basilique Saint-Pierre de Rome.

L’Évangile de Jean nous dit Ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé, ils regarderont vers – littéralement cela signifie : Ils se convertiront. Nous gardons l’espoir que la grâce de la conversion soit accueillie par chacun, nous prions le Christ roi de l’univers pour cela.

Comme nous dans notre jeunesse nous avons pu nous moquer du Seigneur ou de ses disciples, et le Seigneur nous a donné la grâce de le connaitre personnellement et de nous reconnaitre pécheurs. Demandons cette grâce pour chacun, pour toute la famille humaine, pour notre monde qui est tellement en quête de salut…