Mes chers frères et sœurs
Dimanche dernier, Jésus nous rappelait la série des difficultés et les fiascos auxquels s’attend un prophète qui témoigne et prêche dans un milieu trop connu « un prophète n’est méprisé que dans sa maison, sa parenté, sa propre famille ». Pourtant, ce mépris dont nous pouvons être victimes et autres obstacles ne doivent pas nous empêcher d’annoncer la Bonne Nouvelle dans nos familles, villages, villes, et cercles trop familiers. Accueillie ou rejetée, la Parole de Dieu que nous proclamons garde toute sa puissance même si nous ne constatons pas des résultats immédiats, car, comme dit le pape François, le temps est plus important que l’espace. Les fruits arrivent parfois longtemps après, même si ce sont d’autres personnes qui les récolteront : certains sèment, d’autre arrosent, et plus tard, ce sont d’autres qui récoltent les fruits, mais dans tout cela, c’est Dieu qui est à l’œuvre car c’est lui qui donne la croissance !
Pour nous montrer qu’il ne faut jamais baisser les bras ni se décourager, ce même Jésus qui a fait l’expérience de l’échec dimanche dernier dans son propre village, aujourd’hui il nous donne une leçon : quand vous avez fait une expérience et que vous avez trouvé que cela ne marche pas, au lieu de laisser tomber et de vous décourager, il nous faut changer de stratégie, tester une autre méthode et se faire aider.
Aujourd’hui, Jésus appelle les Douze et les envoie en mission deux par deux. Chaque fois que Dieu nous appelle, il nous met sur un chemin, nous fait voyager. Un chrétien ne s’installe jamais dans une vie bien tranquille, mais il doit cheminer, se bousculer, avoir toujours de perspectives, des objectifs nouveaux, ouvrir de nouveaux sentiers parce que la mission ne peut vieillir mais se renouvelle car le Dieu que nous annonçons est une actualité toujours nouvelle. Le pape François nous rappelle sans arrêt que si nous voulons que le Christ soit connu et aimé, nous devons être des disciples-missionnaires qui vivent une conversion à la fois personnelle et pastorale. La mission qui nous est confiée est toujours nouvelle même si son contenu est le même hier, aujourd’hui et demain : le Christ Ressuscité. Penser la vie chrétienne, pastorale et ecclésiale de manière statique, immuable, nostalgique, figée dans le passé risque faire mourir l’Eglise. La mission nous oblige forcément à faire des déplacements, des conversions, et à tenir compte du contexte spatio-temporel en mutation dans lequel le Christ se donne.
Jésus envoie ses disciples deux à deux, et non pas seul, un à un ! La première mission est sans parole. C’est d’abord le témoignage d’être, de marcher et de travailler ensemble, l’un à côté de l’autre en unissant les forces. Quand nous étions séminaristes, lors de nos sorties de dimanche après-midi, on nous disait de respecter ce principe : ne jamais sortir seul, mais toujours en groupe, au moins à deux. C’est pour cette raison que les congrégations n’envoient jamais un seul membre quelque part, dans une paroisse, mais toujours à deux ou trois. Un scoop ! Il se peut qu’il y ait une communauté de trois religieuses qui s’installe à Saint Simon, sur notre ensemble paroissial dans les prochains mois. Priez pour cela. Les démarches sont en cours par le diocèse.
La première chose qui donne envie de se joindre à une équipe en pastorale, quelle qu’elle soit, c’est la qualité des relations fraternelles entre les membres. Voyez comme ils s’aiment, disaient les gens quand ils voyaient les premiers chrétiens à Jérusalem. Une mission vraiment chrétienne et ecclésiale ne peut se vivre dans la solitude, seul dans son coin. Jésus envoie ses apôtres deux par deux parce qu’il sait qu’ils sont différents et qu’ils doivent mettre leurs différences au service du même projet, se soutenir pour pallier aux fragilités mutuelles et profiter des charismes et dons les uns des autres. Saint Paul nous rappelle que nous sommes tous membres du même corps et que chaque membre est appelé à travailler pour le bien du corps entier, et c’est l’harmonie entre les différents membres qui permet au corps d’être en bonne santé.
Travailler seul, c’est courir le risque de faire mourir la mission et faire obstacle à la croissance de Parole de Dieu et de l’Eglise. Le père François Chaubet, curé de Cugnaux et Villeneuve parle souvent des chrétiens engagés qui font la pastorale du Pin parasol : seul, efficace, qui fait de l’ombre surtout quand il fait chaud… mais qui ne laisse rien pousser à côté de lui. J’entends parfois des paroissiens pleurer et se plaindre du manque de nouveaux membres, de la pauvreté des équipes et services… mais en même temps, ces mêmes gens sont incapables de laisser une petite place à un nouveau qui arrive pour aider. Nous faisons ainsi fuir tous ceux qui voudraient s’engager.
Un autre point important dans cette pédagogie missionnaire est celui-ci : « il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton » ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Non seulement il y a l’ami qui nous soutient, mais Jésus nous conseille aussi de nous appuyer sur le bâton du pèlerin et du missionnaire, un bâton pour s’y appuyer quand nous sommes fatigués. Ces disciples partent sans rien, dépouillés. La semaine dernière, je discutais avec le père Joseph Dao qui fait les cartons actuellement. Il me disait : « C’est difficile et compliqué de faire les cartons quand on a fait 13 ans quelque part : on accumule ! » Et pourtant, nous savons tous combien il vit simplement et de très peu. Il nous faut faire le tri, jeter… Même les prêtres ne sont pas vaccinés contre la tentation d’amasser habits, livres, meubles… J’ai fait la même expérience il y a deux ans, après avoir passé 9 ans dans une paroisse : on amasse sans le savoir et on se rend compte que nous avons des choses qui encombrent et que nous n’avons pas touchées depuis des années. Cela reflète notre manque de confiance. Pensez à toutes les assurances et garanties que nous souscrivons : assurance vie, assurance voyage, annulation, panne, garantie pour tel appareil… Le Seigneur nous appelle à lui faire confiance et faire confiance en la générosité des gens qui nous entourent. Je sais par expérience que qui fait confiance au Seigneur ne manque de rien : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien ». Même pendant ces vacances d’été, essayons d’être légers.
Très souvent, par orgueil sûrement, nous pensons que la mission dépend principalement de nos grands moyens au point d’oublier que c’est le Seigneur qui nous envoie qui est le premier protagoniste de la mission qu’il nous confie. C’est d’abord son œuvre. La pauvreté, même en pastorale, est une belle la grâce ! Quand on sait qu’on est pauvre, on est modeste et humble, on cherche de l’aide, on appelle les gens, on sait s’appuyer sur les autres. Combien des gens sont allés s’investir dans une autre paroisse parce que, quand ils ont proposé leurs services dans leur paroisses territoriales, on leur a dit qu’on n’avait pas besoin d’eux…. Plus on est riche, plus on croit n’avoir besoin de rien et ni de personne, dans la vie et en pastorale, on étouffe les charismes et on appauvrit l’Eglise. Puisse le Seigneur nous donner cette grâce de la confiance, du dépouillement et de cette pauvreté qui nous rendent tellement riches de Dieu et des autres. Amen.