Mes chers frères et sœurs !

Jésus est un missionnaire infatigable, qui se donnait sans compter, parcourant villages et villes pour enseignerguérir, annoncer la Bonne nouvelle du Royaume. Pour reprendre l’expression chère au pape François, Jésus est un missionnaire qui allait dans les périphéries d’Israël sans se fatiguer, passant de ville en ville, de village en village. Il fait infiniment plus qu’un prêtre de campagne qui doit couvrir une dizaine des villages, comme le père Joseph Dao qui s’en va dans le rural où il doit servir 17 clochers. Jésus ne compte pas les kilomètres. Cependant, même les grands travailleurs et missionnaires ont besoin de repos, de retrouver la famille, revenir aux sources, Jésus aussi revient à la maison.  Bientôt le père Josselin et Kouamé vont partir en vacances. Moi j’y était en janvier. Je pense aussi à tous ceux qui, en cette période des vacances, vont pouvoir se reposer un peu en famille, avec les amis, retrouver des gens qui vous n’avez pas vu depuis longtemps en plus à cause du la pandémie.

Dans l’évangile de ce dimanche, il est instructif de voir Jésus revenir à la maison ! Cela nous montre qu’il est profondément humain et que rien de ce que nous pouvons vivre ne lui est étranger ! Ce retour à Nazareth est une leçon pour ceux qui ne pensent ou ne peuvent prendre des vacances, faute de temps ou parce qu’ils pensent qu’il y a trop de boulot. En ce temps de vacances, pensons et prions toutes ces personnes qui vont partir ou revenir dans les lieux familiers, lieu de leur naissance, de leur enfance, lieu de souvenirs familiaux, des cousinades…. ces rassemblements familiaux que l’été nous donne l’occasion de vivre, mais  qui sont aussi parfois source de tension dans  nos familles.

Mais, même là aussi, nous devons annoncer la Bonne Nouvelle comme Jésus nous le montre à Nazareth ! Pour Jésus, tout lieu, même la famille, son village, sont aussi les lieux et les occasions favorable d’évangélisation.  Il a prêché dans sa Nazareth natale. Toutefois, l’évangile nous rappelle qu’évangéliser et témoigner de sa foi en famille et dans les lieux familiers n’est pas une tâche facile. Jésus qui suscitait enthousiasme, admiration et foi, celui devant qui s’émerveillaient les foules dans les autres villes, lui-même et son message ont du mal à passer dans son village natal. C’est l’occasion de formuler la célèbre maxime qui concerne tous les prophètes : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. » Si cela est arrivé à Jésus, le plus grand des prophètes, ce n’est pas étonnant que cela arrive aux prophètes lamda que nous sommes dans nos familles et nos Nazareth propres. Je me rappelle quand je suis revenu, après la profession religieuse, dans mon quartier habillé en soutane blanche, en été 2000. Je rencontre une camarade de lycée qui me dit : « Non, Joseph, tu es prêtre ! On aura tout vu ! ». Rassurez-vous je n’étais pas un mauvais garçon ! Mais pour cette collègue, c’était inconcevable de voir un camarade de classe devenir un religieux… et pourtant Dieu sait que je n’étais pas un mauvais garçon au lycée. Pensez à un journaliste, un grand patron ou un homme politique qui ose avouer publiquement, à la radio ou sur un plateau de télévision qu’il est chrétien, en France ! Il a signé sa mort médiatique et politique !

Dans la première lecture, nous contemplons la vocation du prophète Ezéchiel est qui marquée aussi par le refus du peuple. Le prophète Ezéchiel se rend compte très rapidement que Dieu l’appelle à prendre sa part au refus même de Dieu : « Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël, vers une nation rebelle qui s’est révoltée contre moi.  Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères se sont soulevés contre moi.  Les fils ont le visage dur, et le cœur obstiné ; c’est à eux que je t’envoie. »

Cela veut dire que chaque prophète est appelé pour porter et sentir dans sa propre chair le refus de Dieu, de la part des hommes et des femmes de son temps, au point d’être nous-même rejetés. C’est une manière de porter sa croix, de participer à humiliation que Jésus a subie. Si nous n’en avez pas encore fait l’expérience du refus, cela veut dire que votre maturité prophétique n’est pas encore arrivée. En observant les habitants de Nazareth devant les miracles, la sagesse et la prédication de Jésus, nous recevons quelques leçons pour nous aujourd’hui, en ce moment où Jésus nous redit que nous devons témoigner de lui chez nos amis et dans nos familles en cette période d’été.

L’évangile nous dit que dans la synagogue de Nazareth, « nombreux étaient frappaient d’étonnement ». Ils se rendent compte qu’il y a quelque chose de nouveau. C’est comme quand nous allez proposer, en rentrant chez vous pour le déjeuner de faire un bénédicité, ou bien ce soir, en sollicitant toute la famille pour faire une petite prière avant d’aller au lit. Cette demande va en émerveiller certains, mais d’autres risquent de vous prendre pour un fanatique.surtout si  les gens prétendent vous connaître trop bien ! « Non, ce n’est pas lui. Il doit être sous la coupe du curé, d’un groupe chrétien », encore si l’on ne dit pas que vous faites partie d’une secte ! Trop connu pour être un prophète ! La prétendue connaissance que les habitants de Nazareth ont de l‘enfant du pays devient un obstacle à la réception de la nouveauté de ses paroles et de ses actions. Marc conclut par une formule lapidaire : « Et ils étaient profondément choqués à son sujet. »

Pour la première fois, Jésus est appelé « charpentier » dans l’évangile de saint Marc. Ce qualificatif, dans la bouche de ses concitoyens exprime plus qu’un simple attribut : En Israël, presque tous possédaient un petit lopin de terre à cultiver pour se nourrir. Celui qui l’avait perdu pour diverses raisons, pour survivre, devait faire faire de petits boulots modestes. Parmi ces petits boulots, il y avait des petites réparations, du bricolage avec du bois : un travail d’artisan qui ne gagnait pas beaucoup d’argent et que personne n’avait envie de faire. Ce boulot, Jésus l’avait appris de son père Joseph. Aujourd’hui, pensons à tous ces métiers et travaux qui sont méprisés, qui laissent à désirer et que personne ne voudrait voir faire son enfant. La pandémie nous a révélé tous ces métiers, jadis méprisés, mais que nous avons découvert comme essentiel. Lors de notre dernier conseil pastoral de doyenné, un monsieur travaillant chez Airbus nous a rappelé que grâce à la pandémie, ils ont finalement pu connaitre, échanger et remercier la personne qui nettoyait les chaises dans le self de l’entreprise.

« N’est-il pas le charpentier ? » Cette expression nous dit aussi ce que furent les 30 ans de la vie cachée de Jésus à Nazareth avant sa mission publique : une existence absolument anonyme comme n’importe qui, à tel point que, pour les Nazaréens, cela est incompatible avec ce que Jésus fait des miracles, enseigne avec assurance et autorité. Ils n’ont jamais vu les grands rabbins, bien connus et beaucoup mieux instruits, faire cela, et ce ne peut être possible pour un simple charpentier. En plus, les gens savent bien de quelle famille il provient. « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ?  Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? »

L’émerveillement du départ s’efface devant cette connaissance trop commune et familière. Les cœurs se ferment au lieu de s’ouvrir à la foi.  Ne laissons pas Dieu devenir trop familier, tellement habituel, tellement proche, tellement commun au point de nous fermer à toute nouveauté qu’il peut apporter dans nos vies. Nous courons le risque que Dieu devienne tellement familier de nous, par nos missions, l’eucharistie, les études, la lecture de sa Parole au point de bloquer en nous la disponibilité intérieure à toute nouveauté qu’il veut nous proposer pour nous émerveiller. Ne devenons pas de experts de la religion, du rite liturgique, de la pastorale, de l’eucharistie dominicale ou quotidienne, de la prière communautaire, mais ouvrons-nous à ce Dieu tellement proche, mais toujours nouveau et dont l’amour se renouvelle pour nous chaque matin.

Que cette eucharistie nous obtienne la grâce de ne pas nous habituer au Seigneur, mais de nous émerveiller sans cesse de la nouveauté de son Amour, de l’actualité permanente de sa Parole et de qu’il fait en nous, par nous, pour nous et autour de nous. Amen.