Mes chers frères et sœurs !
Il nous est probablement arrivé de traverser de périodes de notre vie où nous sommes comme plongés dans une nuit. Je ne parle pas ici cette nuit qui alterne avec le jour, une nuit qui peut être douce et intense, une nuit reposante et remplis de très beaux rêves. Il ne s’agit pas de la nuit éclairée par la lune et plein d’étoiles, nuit bienfaisante dont nous avons tous besoin pour refaire nos forces, reposer nos corps après une journée de travail,
Je parle ici de la nuit de l’esprit, celle de l’âme, de notre conscience. Un état dans lequel les ténèbres embrouillent nos choix et notre cheminement. C’est comme si nous cheminions dans le brouillard, sans pouvoir avancer ! Il s’agit d’une nuit intérieure que nous pouvons traverser sans nous y attendre vraiment, un état dans lequel nous nous sommes plongés après un événement difficile, un deuil, une difficulté professionnelle, un échec, une faute même. Une paroissienne m’a parlé témoigner récemment avoir vécu cette expérience avec tout ce qui s’est passé avec le Covid, l’histoire des vaccins, les tensions dans le milieu médical…. Tout cela a engourdi son âme, l’a mis dans un état de colère… et de grande fatigue pendant plusieurs mois. Quand nous traversons cette nuit, nous pouvons alors essayer de faire semblant, montrer que tout va bien !
Extérieurement, les gens peuvent continuer à voir le sourire sur notre visage, alors qu’il s’agit en réalité d’une illusion, car nous traversons une période obscure et que tout est engourdi en nous. Et malheureusement, lorsque nous sommes enracinés dans un monde des ténèbres, nous nous habituons petit à petit à l’absence de la lumière, comme le clochard qui tellement habitué à vivre dans la saleté faute de douche, volontairement ou involontairement, finit par haïr l’eau et se complaire dans la saleté.
Notre société, avec toutes les lois et les habitudes que nous prenons pour être dans le moule, et tout ce que nous bombardent les media mainstream, me fait penser très souvent à un monde qui s’est habitué aux ténèbres et qui refuse la lumière. Alors, nous choisissons la mort au lieu de choisir de la vie, le mal au lieu de choisir le bien. Pas besoin de vous donner les exemples ! Il suffit de regarder les choix politiques qui sont faits, dans le domaine de la vie, dans le domaine sociétal…et que nous considérons comme des progrès alors qu’en réalité il s’agit de régression. Ce sont les ténèbres qui obscurcissent notre âme et notre conscience qui nous font prendre le mal pour le bien en refusant la lumière du Seigneur qui vient mettre le projecteur sur le mal en nous.
Dans le prologue de l’évangile selon saint Jean, il est écrit : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom » (Jn 1, 4-9).
Jésus est notre lumière ! En l’accueillant, nous nous rendons compte des toutes ces ténèbres qui nous empêchent de voir clairement et qui mettent de la confusion en nous, en notre âme, en notre conscience. Cet accueil de Jésus est l’illumination dont l’aveugle-né fait l’expérience dans l’évangile de ce dimanche. Nous sommes aveuglés et c’est Jésus qui nous donne sa lumière et nous remet dans la lumière.
L’évangéliste saint Jean tente de décrire en quoi consiste la conversion, l’accueil de l’évangile, comme ces catéchumènes qui vivent leur deuxième scrutin en ce quatrième dimanche de carême. Une réelle illumination est comme pour quelqu’un qui, depuis la naissance dans une chambre fermée et dans le noir. Ça me fait penser à l’expérience que peuvent faire les otages. Si tout d’un coup, à l’improviste, quelqu’un ouvre la porte et laisse entrer la lumière, dans un premier temps celui qui était enfermé est ébloui par la lumière, mais ensuite, petit à petit, il voit les choses sous une autre forme : il voit les formes, les couleurs, la beauté de tout ce que nous pouvons voir, ou la laideurdu mal qui nous entoure aussi ! La lumière nous permet de nous émerveiller de ce que nous pouvons voir, de ce qui nous entoure mais que nous ne pouvions pas remarquer à cause des l’obscurité.
C’est cela que provoque Jésus quand il entre dans notre vie : il nous permet d’avoir une vie nouvelle quand nous l’accueillons réellement. C’est l’expérience que font ceux qui se convertissent, les catéchumènes ou les appelés au baptême ! L’un d’eux m’a dit récemment comment, à travers son cheminement, Jésus a apaisé son cœur et la guérissant de ses sauts d’humeur ! C’est l’expérience faite aussi par cet aveugle de naissance de l’évangile : mendiant et considéré, lui et ses parents, comme des pécheurs. Cet homme s’est habitué à mener une vie sans lumière ! Il depuis sa naissance subi à la fois les ténèbres et le jugement de la société. C’est ce qui nous arrive aussi, lorsque nous sommes suspendus aux paroles et aux jugement des autres, toujours attentifs à ce que pensent les autres pour nous y conformer, se comporter comme la société nous l’impose en allant toujours dans le sens de tout le monde, pour mériter l’approbation de ceux qui nous regardent !
L’aveugle de naissance a eu une grande chance que Jésus passe par là et qu’il a vu. Le regard de Jésus est différent du nôtre comme le souligne la première lecture : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » C’est comme cela que Dieu a fait le choix du roi David ! Non pas son apparence physique, mais son cœur ! De même, là où tout le monde voyait un aveugle de naissance, un mendiant et un pécheur, Jésus lui a vu un enfant de Dieu, appelé à revivre pleinement pour témoigner de lui et le glorifier dans la société. C’est cela que l’accueil de Jésus opère dans nos vies.
Dans la rencontre de Jésus avec l’aveugle-né, nous voyons se poser une liturgie des gestes simples et primitifs, avec le doigt, la salive censée contenir le souffle de vie et l’eau, signe du baptême qui purifie. L’illumination advient progressivement, graduellement, étape par étape, mais elle a commencé par une rencontre. Les catéchumènes ou les convertis témoignent tous de ces rencontres qui leur ont permis de faire l’expérience de Dieu. Cette rencontre avec Jésus a provoqué progressivement la conversion, un changement de vie tellement profond au point de surprendre l’entourage qui peut ne plus reconnaitre la même personne ! Est-ce vraiment lui, elle ? Elle tellement changé ! Oui, j’aimerais que nous soyons tous à mesure de chanter que Jésus a vraiment changé nos vies et a fait de nous de gens nouveaux, méconnus de l’entourage parce que convertis et différents de qui nous étions dans le passé. Si la foi en Jésus n’a pas changé notre vie, c’est signe qu’elle n’est que de façade, un coup de maquillage, qui n’a pas atteint notre être profond.
Au lieu de se réjouir et de danser pour ce que Dieu a opéré dans notre vie, les purs de la Loi et l’entourage peuvent mettre en cause notre conversion. Oui, il n’est pas étonnant que vos proches, vos collègues mettent en doute notre foi et notre conversion. C’est un classique ce qui arrive à l’aveugle-né, comme on peut le voir dans la discussion-procès tendue avec les docteurs de la Loi.
Maintenant qu’il est debout, qu’il y voit clair, il peut tenir tête et argumenter par lui-même, sans avoir besoin d’avocat autre que la lumière du saint Esprit. C’est ainsi que Jésus rassurait ses disciples devant la persécution et l’adversité : « On vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. » (Lc 21, 12-14).
La rencontre avec Jésus a fait du mendiant une créature nouvelle, libéré du jugement des autres et autonome dans la société. Le saint Esprit nous rend capables de rendre compte de notre foi, d’en témoigner comme on peut le voir à travers cet aveugle-né. Seigneur, toi notre Lumière, et donne-nous d’accueillir toujours ta lumière. Donne aux futurs baptisés d’accueillir et de demeurer dans ta lumière. Amen.