Mes chers frères et sœurs

La vie et la mort forment le binôme que nous ne pouvons séparer. Heidegger dit d’ailleurs qu’a dès que nous sommes jetés dans la vie, nous déjà aussi vieux pour mourir. Cela est dans présence dans la conscience des enfants. Un petit de 5 ans m’a demandé vendredi soir pourquoi il fallait que les gens meurent. Et j’avoue que la réponse n’est facile à donner à un enfant de 5 ans. Chacun de nous devrait se demander quelle densité de vie et quelle densité de mort est condensé dans son existence quotidienne ! Est-ce que je vis comme « un vivant » ou comme « un mort », c’est-à-dire, est-ce que je suis dans une culture de la vie en permettant à la vie de sedévelopper, de se diffuser, de se déployer, de grandir par mon action, mon amour, mon courage, les valeurs que j’incarne, ou alors, est-ce que je suis dans une culture de la  mort qui nous anéantit à  petit ou à grand feu parce que je permets à cette dernière d’être victorieuse, de s’installer dans mon cœur, dans la famille, dans l’Eglise et dans le monde.

A la suite de Jésus, nous sommes appelés à faire le choix de la vie car notre Dieu nous appelle à vivre pleinement, à partager sa vie, à vaincre la mort. Jésus ne veut pas que nousvivotions en perdant le goût à la vie à cause des épreuves. Les évangiles de ces deux derniers dimanches nous ont permis de contempler deux personnes qui ont aimé la vie, qui ont accueilli une vie nouvelle dans le Christ. Pensez aux évangiles des deux premiers scrutins. Une samaritaine blessée dans sa vie et sa dignité femme et de fille de Dieu, mais qui devientpleinement vivante et disciple missionnaire grâce à la rencontre avec Jésus… L’aveugle-né, écrasé par les ténèbres et les jugements, mais qui retrouve la vue et qui prend totalement sa vie en main. C’est cela que le Christ produit en nous lorsque nous le rencontrons : il nous rend pleinement vivants et acteurs de la vie.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille, et j’en sais quelque chose, surtout en cette période. Mais quelles que soient les épreuves que nous pouvons traverser, Jésus nous appelle à la vie, à la laisser se dilater en nous grâce à l’espérance qui permet de transfigurer nos épreuves. Voyez comment une épreuve qu’est la mort de son meilleur ami, est une occasion pour Jésus de manifester son amour pour Lazare, pour ses sœurs Marthe et Marie.

Le contexte de cet évangile est lourd ! Jésus traverse un moment d’épreuve, et il sent sa vie menacée par les chefs des prêtres, les scribes et les pharisiens. IL échappe quelques joursen allant se réfugier à Ephraïm ! Il a beaucoup trop d’ennemis qui l’attendent à Jérusalem. Comme cela nous arrive parfois, les épreuves s’accumulent et s’enchainent les unes après les autres. Nous avons tous parfois traversé une période comme celle-là. Son cousin Jean-Baptiste a été condamné à mort et exécuté par Hérode et Hérodiade. Son ami Lazare est très malade et Jésus aimerait bien aller le voir pour le réconforter. Mais, se rendre à Béthanie, en ce moment serait comme un suicide, car il risque d’y être arrêté et exécuté car les chefs de prêtres sont déjà à sa recherche : « Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » (Jn 10, 5-9).

Pour les disciples, un retour en Béthanie est presque une attitude suicidaire. Les disciples se demandent si Jésus est à ce point suicidaire au point de vouloir anticiper sa mort ! Mais son heure n’est pas encore venue. Alors, contre son gré et pour ne pas entraver le plan du Père, Jésus attend encore quelques jours avant d’aller à Béthanie où habitaient son amiLazare avec ses deux sœurs ! Marthe est la première à sortir de la maison et ses paroles sont une sorte de reproche à Jésus « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ».Même s’il avait été là, Jésus n’aurait pas empêché la mort deLazare. Même sur la croix, Jésus n’a pas empêché la mort du bon larron, mais il a accepté de mourir avec lui en lui promettant la victoire de la vie au Paradis. Même si Jésus fait partie de notre vie, notre foi n’est pas un vaccin contre la mort et la douleur car Jésus lui-même n’a pas refusé de les affronter. Jésus nous protège et nous sauve de la mort, mais pas toujours comme nous le voulons. Il le en acceptant d’embrasser la mort avec nous pour nous libérer de la mort éternelle.

Jésus appelle Marthe, et à travers elle, c’est nous tous qu’il appelle à la foi et à l’espérance même quand nous sommes touchés par la mort : « Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? »

La résurrection embrasse et dépasse notre petite vie biologique et terrestre qui va rarement au-delà d’un siècle, et cela malgré l’allongement de notre espérance de vie (merci les progrès !) mais la perspective d’une vie éternelle donnetoujours sens à notre vie terrestre. La vie éternelle est la lumière qui éclaire notre vie terrestre, car c’est aujourd’hui,ici et maintenant que nous préparons notre résurrection, qui est à la fois un don généreux de Dieu et un choix libre de notre part. La Parole de Dieu nous appelle sans cesse à poser un choix entre la  vie et la mort. A quelques jours de Pâques, avec ceux qui sont appelés au baptême, nous sommes appelés à ouvrir notre cœur à ce mystère de vie dans lequel nous plonge le baptême : mourir et ressusciter chaque jour avec Jésus pour une vie nouvelle avec Lui.

Quand Jésus arrive à la maison de Lazare, Marie, l’autre sœur était absente, et c’est Marthe qui fait le lien entre elle et Jésus. : « Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Le Seigneur t’appelle ! Quel beau message ! ON a toujours caricaturé Marthe comme la femme active qui n’a pas le temps de se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, tellement affairée aux affaires de ce monde.  Dans cet évangile, on voit bien que c’est elle qui fait le lien avec Jésus. Être chrétien, c’est aider les autres à réaliser qu’ils sont aussi appelés par le Christ.Combien sont nos frères et sœurs qui sont appelés, mais quin’arrivent pas à entendre cet appel faute des personnes qui font le lien comme Marthe, ou à cause des bruits, des pleurs, des douleurs, des sirènes idéologiques, des portables… qui étouffent la voix du Seigneur. Comme à Béthanie, nous sommes appelés à devenir des « Marthe » pour aider nos frères et sœurs , représentés ici par Marie, à accueillir l’appel de Jésus.

L’appel nous rejoint de diverses manières et à travers desmédiations comme à Béthanie. Marie, la sœur de Lazare se jette aux pieds de Jésus, manifestant à la fois sa confiance mais aussi la colère, la déception lui reprochant : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »

Pour la première fois, nous contemplons Jésus en larme :« Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. » Dieu n’a pas un cœur de pierre. Il n’’est ni impassible ni indifférent à nos joies et nos peines. Il se réjouit de nos joies, et pleure de nospeines, comme il a pleuré à Béthanie avec Marthe et Marie lors de la mort de Lazare. Nous pouvons donc lui dire nos joies en action de grâce et lui crier nos douleurs pour qu’ilse réjouisse ou pleure avec nous.

« Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! ». En ressuscitant Lazare, Jésus signe l’acte de sapropre condamnation à mort, car il y a quelques personnes qui vont tout balancer aux pharisiens : « Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait. Les grands prêtres et les pharisiens réunirent donc le Conseil suprême ; ils disaient : « Qu’allons-nous faire ? Cet homme accomplit un grand nombre de signes. »

Jésus sait que désormais ses paroles ne sont plus suffisantes. Ainsi, il nous conduit vers son Heure, vers l’acte suprême qu’il va poser pour nous, en donnant sa propre Vie, en accueillant la mort en croix. Sa vie donnée sur la croix devient la Source de vie pour chaque baptisé. C’est ce à quoi nous sommes appelés dans le baptême. Nous aussi, à la suite de Lazare, soyons vivants, vivons pleinement, généreusement,en donnant notre vie pour les autres ! A quelques deux semaines de Pâques, accueillons déjà la Vie éternelle que Jésus nous apporte par sa Passion, mort et résurrection que nous célébrons dans cette eucharistie.