Mc 10,46-52
Chers frères et sœurs, vous vous souvenez des paroles de Jésus en conclusion de l’Évangile que nous avons proclamé dimanche dernier : Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir ; et il enseigne à ses disciples que celui parmi eux qui veut être grand sera le dernier et le serviteur de tous.
Et l’Évangile que nous avons proclamé aujourd’hui – et qui suit immédiatement ces paroles de Jésus – est là pour illustrer ce que cela signifie servir et non être servi, être le dernier et le serviteur de tous…
L’Évangile trouve important d’illustrer les paroles de Jésus, puisque nous pouvons très bien entendre ces paroles, les trouver belles et les appliquer, mais tout en nous cherchant nous-mêmes, notre gloire personnelle dans le service, tout en cherchant à nous donner le beau rôle.
Et quand nous lisons l’Évangile – je fais cette remarque générale – nous devons nous intéresser aux personnes présentes, pas directement à Jésus, si nous voulons comprendre le comportement de Jésus et ses paroles, nous devons nous intéresser avant tout aux personnes présentes, avec lesquelles Jésus est en relation.
Si nous allons directement à Jésus en réalité nous formons des malentendus, nous allons dans le mur, comme on dit familièrement.
Nous nous trouvons en présence de Jésus et d’une foule considérable, des disciples et de Bartimée, nous dit l’Évangile.
Nous devons nous intéresser à la foule, aux personnes de cette foule, l’Évangile nous donne des indications, il nous donne toujours des indications. Il nous dit que quand Bartimée demande aux personnes de cette foule quelle est la cause de cette agitation on lui répond que c’est Jésus le Nazaréen qui passe, Jésus de Nazareth.
Jésus de Nazareth c’est une formule très sobre, neutre, comme on appellerait n’importe qui d’autre avec son nom et la ville d’origine.
Si on parle d’un homme de notre ville on dit Un tel fils de, comme Bartimée fils de Timée, si on parle d’un homme d’une autre ville on dit Un tel de telle ville, c’est la désignation à minima.
Tandis que Bartimée de son côté appelle Jésus : Fils de David, c’est-à-dire le Messie, et il dit : Aies pitié de moi, il lui adresse une prière. Le contraste est saisissant !
Cela veut dire que pour la foule Jésus n’est pas le Messie.
Alors pourquoi le suit-elle ? il faut imaginer que c’est par curiosité. Il est célèbre et surtout il est sur le point d’entrer à Jérusalem, et la curiosité croit à mesure qu’il s’approche de la capitale religieuse, il y a une tension et avec elle une curiosité croissante.
Donc c’est une foule qui n’est pas bienveillante et qui n’est pas malveillante non plus, qui est curieuse. Et Jésus va répondre à cette curiosité avec les paroles de la profession de foi de Bartimée.
Quand Bartimée crie : Fils de David, accompagné de la prière qu’il lui adresse, Jésus demeure sans réaction non pas par indifférence mais pour faire entendre à tous la profession de foi de Bartimée, qui coopère et crie de plus en plus fort. Jésus et Bartimée font entendre cette profession de foi à ceux qui dans la foule voudront l’entendre et commencer à réagir.
Et puis quand il dit Appelez-le, pour qu’ils aillent le chercher, ce n’est pas par froideur que Jésus ne va pas à lui mais pour impliquer les personnes qui le veulent dans la foule, pour les faire participer personnellement à la requête de Bartimée et au salut donné par Jésus.
Et en effet il y a des personnes qui s’avancent et qui vont chercher Bartimée avec enthousiasme !
Donc on commence à voir ce que cela signifie être au service. Cela signifie manifester la confiance envers les personnes, leur faire entendre une profession de foi sincère et leur donner de participer, d’être actifs dans le salut.
Et nous voyons aussi ce que cela signifie ne pas être servi. Nous voyons que le comportement de Jésus peut être compris de travers, il peut être mal jugé. Jésus peut être considéré comme indifférent alors qu’il est tout sauf indifférent.
Il peut être jugé comme froid et distant alors qu’il veut laisser la place à d’autres d’agir et de s’exprimer dans le salut que lui-même donne et lui seul peut donner.
C’est un malentendu qui se retrouve souvent parmi les personnes qui sont loin de la foi et même parmi les disciples du Seigneur, le sentiment que Dieu est indifférent, qu’il ne répond pas à nos appels, qu’il n’intervient pas pour faire cesser les injustices. Donc même s’il existe, ce Dieu ne nous intéresse pas.
Et parfois on trouve ce malentendu même dans des commentaires de l’Écriture – je le dis pour montrer à quel point Jésus s’expose à être mal compris. Des théologiens ont parfois dit que Jésus ne va pas vers Bartimée et fait venir Bartimée à lui parce qu’il est Dieu et il ne convient pas que ce soit lui qui vienne à Bartimée mais le contraire.
Donc Jésus s’expose aux malentendus – mais avec lui tous ses disciples sont exposés aux malentendus, tous connaissent des moments où leur comportement est mal interprété.
Donc voilà ce que cela signifie servir et ne pas être servi, c’est être souvent mécompris…
Et puis nous devons regarder le comportement de Bartimée parce qu’il est pour nous l’exemple du disciple, celui qui est pleinement disciple, qui est le dernier et le serviteur de tous.
Sa profession de foi est très forte, il dit de Jésus qu’il est le Messie, et puis il le prie : Aie pitié de moi. Lui qui est aveugle – paradoxalement – c’est lui qui reconnait en Jésus Dieu qui est présent parmi nous, qui vient au-devant de nos nécessités.
Et puis il répète sa profession de foi sans se décourager, sans prendre le silence de Jésus pour de l’indifférence, et en pressentant que sa profession de foi a une raison d’être qui va au-delà de lui.
Et quand il arrive auprès de Jésus il l’appelle maître mais avec un terme affectueux, Rabbouni, qui démontre qu’il n’a vu dans le comportement de Jésus aucune froideur et qu’il comprend que Jésus est en train d’agir et d’enseigner.
C’est cela qui représente un témoignage de foi, ce ne sont pas les prodiges. C’est d’une part la confiance que Jésus manifeste envers chaque personne sans exception. Il voit en chacun une personne créée à image de Dieu, destinée à devenir fils et fille de Dieu, il a confiance dans la bonté et la profondeur de vérité de chaque personne, malgré tous les malentendus que son apparente passivité peut engendrer.
Il fait confiance à chaque personne pour cheminer, pour entendre les professions de foi des disciples et participer, quand est donnée l’occasion, à l’œuvre du salut.
Et puis à cette confiance du Seigneur correspond la confiance des disciples, la confiance qu’ils partagent envers leur Seigneur et envers son œuvre, la confiance dans l’œuvre de la grâce dans la vie de chacun par le moyen d’eux-mêmes, de leur coopération et de leur profession de foi.