Mes chers frères et sœurs !

Le chapitre 6 de l’évangile selon saint Jean reporte un discours prononcé par Jésus après la multiplication des pains. Ce discours est comme une explication du grand miracle qui venait d’être accompli. Jésus y rappelle le sens de l’eucharistie, parce que dans son évangile, saint Jean ne parle pas de l’institution de l’eucharistie mais seulement du lavement des pieds.

Je vais reprendre quelques versets des paroles du Christ : « Moi, je suis le pain de la vie.  Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde… Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » (Jn 6, 48-51 ;54-56)

La suite nous décrit le vide qui s’était fait autour de Jésus : « À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? »  Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »

Nous retrouvons la réponse à toutes ces questions lors de la Dernière Cène : « Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit, le leur donna, et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude.  Faites cela en mémoire de moi »

Nous avons là des paroles dites et des gestes posés comme tels depuis plus de deux mille ans, chaque jour, chaque dimanche lors de la célébration de la messe, en obéissant ainsi à l’ordre donné par Jésus. Chaque messe célébrée rend actuelle et réalise ce qui s’est passée lors de la dernière Cène, sanctifiant ainsi l’assemblée qui célèbre. La question importante est de savoir pourquoi avons-nous besoin d’une fête particulière pour ce que nous célébrons chaque jour à la messe ? En fait, nous savons tous le risque d’un geste posé chaque : tomber dans l’habitude, dans la routine et perdre tout son sens et sa signification. Trop de familiarité avec une personne, un geste, un rite risque de nous perdre de vue qui est cette personne, quel est le sens profond de tel geste ou rite. Par exemple, quelqu’un qui habite Lourdes, Fatima ou Rome risque de sous-estimer la place imminente de ces lieux saints alors qu’au bout du monde, on rêve d’y venir en pèlerinage.

L’eucharistie coure le même risque. C’est pour cette raison que l’Eglise a institué la fête du très saint sacrement pour réveiller nos âmes, nos consciences et nous rappeler que chaque fois que la messe est célébrée, c’est Jésus lui-même qui se rend réellement présent dans son corps et son sang à travers le pain et le vin consacrés. C’est le concept théologique de la transsubstantiation c’est-à-dire, la fait que le pain et le vin deviennent réellement le corps et le sang du Christ.

Le Concile Vatican II rappelle que l’eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne qui y puise sa force et sa vitalité pour s’engager dans le monde et porter du fruit. La messe est la modalité par excellence par laquelle Jésus se donne à nous. Alors, si c’est le cas, comment est-il possible qu’il soit difficile de participer massivement et avec foi à l’eucharistie ? Nous entendons parfois comme raisons ou excuses que nos messes ennuyeuses, les assemblées pas toujours sympathiques et accueillantes, les homélies pas toujours brillantes et de qualité, nos chants ne sont pas assez joyeux et dynamiques…

Ces raisons et excuses sont compréhensibles, mais insuffisantes car elles oublient ce qu’est vraiment la messe : lieu où Jésus lui-même se donne, indépendamment des chants, de l’assemblée, de l’homélie, de l’accueil des assemblées…. D’ailleurs, c’est parce que ce qui se réalise à la messe est tellement énorme et important que nous devons soigner et célébrer avec foi et joie, fournir des efforts pour que nos chants, nos gestes, nos paroles, nos homélies pour être à la hauteur de l’enjeu de la messe.

Des gens viennent demander le mariage, le baptême, ou un autre service à l’Eglise et qui disent : « j’ai la foi, mais je n’ai pas besoin, je ne sens pas le besoin d’aller à la messe ! ».  Ce sont des paroles des anorexiques de la foi : la personne victime d’anorexie ne sent ni le besoin ni l’envie de manger…Son corps privé de nourriture dépérit à petit feu s’en rendre compte. Il suffit pourtant alors de manger un peu pour avoir encore un peu force et vigueur. De même, certains baptisés sont devenus « anorexiques dans leur vie de foi » parce qu’ils n’ont perdu l’envie, le besoin plus envie de participer à la messe, se privant ainsi de cette nourriture essentielle pour grandir dans la relation avec Dieu et avec les autres membres de l’Eglise. Nous avons besoin de cette nourriture pour avancer dans la vie notre vie et affronter certaines épreuves de la vie par la force que Dieu seul peut nous donner.

Participer à la même eucharistie, communier à la même coupe, au même pain eucharistique resserre nos liens fraternels et fait de nous les membres unis formant le même Corps du Christ. Malheureusement, que des divisions entre chrétiens à cause leur caractère, leur responsabilité, les petites jalousies, querelles de pouvoir, les égos forts, les appartenances politiques, surtout en ce moment des élections. On se catégorise chrétien de gauche ou de droite, conservateurs, progressistes, conciliaires, enthousiastes, observants, traditionnalistes.  Même les prêtres n’échappent pas à ces divisions : il suffit de participer à un repas ou une réunion pastorale entre prêtres pour s’en rendre compte : parfois les tons montent, des débats houleux sur la tradition, l’orthodoxie, la fidélité aux rubriques du Missel, la sensibilité liturgique, les options pastorales différentes… ! Et pourtant, nous célébrons tous la même eucharistie qui construit l’unité et nous invite à remettre le Christ au centre de notre vie. L’Eglise n’est un club de gens parfaits, mais une communauté des gens différents réunis autour du Christ et nourris du même pain et abreuvés à la même coupe. L’eucharistie est un catalyseur d’unité et de communion, malgré nos différences.

Tel est la signification de la fête du Saint Sacrement. La question importante n’est pas la langue, la formulation, le rite, la forme liturgiquemais grâce de la foi. Il serait mille fois mieux que nos assemblées soient plus accueillantes, chants plus joyeux, plus beaux et plus dynamiques, les homélies plus percutantes et édifiantes ! Attention cependant ! Ne nous faisons pas d’illusion ! De gens ne viennent pas à la messe simplement faute la grâce de foi que c’est Jésus lui-même qui est présent et se donne à nous dans le pain et le vin consacrés. Que la fête de ce jour ravive en nous une foi ardente devant l’eucharistie. Amen