Mes frères et sœurs ! Les saints sont de gens comme vous et moi !
Alors que dans nos sociétés actuellement, on veut de plus en plus de séparatisme, refusant le mélange entre peuples et culture, personnes des origines différentes, où il y la tentation du repli identitaire, tentés de rester avec les gens qui nous ressemblent, pensent comme nous, ont la même couleur de peau que nous, partageant la même sensibilité politique spirituelle et religieuse, la fête de la Toussaint nous présente un tableau différent. Il est difficile d’imaginer un monde plus coloré, plus varié, à la fois uni et différent que le Ciel qui accueille cette foule immense qu’on ne peut dénombrer.
Et je rêve du moment où il en sera de même dans nos communautés ecclésiales, c’est-à-dire, quand dans l’Eglise et dans nos communautés locales, il y aura vraiment un peu de tout, comme cette foule des saints que nous célébrons aujourd’hui. L’Eglise sera alors cette famille-de Dieu que notre archevêque appelle de tous ses vœux, une famille où il y a un peu de tout : de la personne manuelle à l’intellectuel-universitaire, de l’ingénieur au bricoleur, du grand patron ou le cadre sup au simple ouvrier en bâtiment, de bébé baptisé dimanche dernier à la personne âgée malade en soin palliatifs ou en fin de vie dans sa maison de retraite, laïcs et prêtres, des SGDF au Scouts d’Europe, du châtelain ou baron au « sans-domicile fixe », du petit blond au petit noir d’origine sénégalaise….
Ce mélange serait une belle manifestation de ce que le Christ veut réaliser : faire de tous les peuples une seule famille des saints. Jésus ne veut pas que son Eglise soit une caste privilégiée, de quelques d’élus dont seraient exclues certaines personnes qui n’entrent pas dans les cases et ne répondent pas aux normes et conditions fixées.
Jésus a voulu que tous, sans exclusion ni discrimination, puissent trouver leur place dans l’Eglise, car tous sont appelés la sainteté par le baptême, tous appelés à entrer en communion avec Lui pour partager sa divinité parce qu’il a lui-même partagé notre humanité. Jésus nous montre la beauté de la diversité à partir du choix de ses disciples. Il est parti d’un groupe de quatre pêcheurs qui sont André, Pierre, Jacques et Jean, très différents les uns des autres mais proches Jean-Baptiste. Ensuite, il se lance dans l’enseignement avec Nathanaël, un fils d’Israël en qui il n’y avait pas d’artifice, puis appelle Matthieu, un publicain, subalterne de Zachée que nous avons contemplé dimanche dernier. Il y ajoute quelques Zélotes (résistants contre les Romains) tel que Simon que nous avons fêté vendredi dernier et Judas Iscariote. Il a pris des juifs et grecs…et chose surprenante pour son époque et sa culture, il a aussi pris dans ce groupe des femmes-disciples dont des pécheresses, comme Marie Madeleine, la Samaritaine…. ! La Bible et toute l’histoire de salut sont remplies de ces visages d’hommes et de femmes, témoins de foi, d’amour et d’espérance. Chacun d’eux avait sa propre histoire, son propre tempérament, mais ils ont rendu témoignage à Dieu par leur vie.
Réjouissons-nous dans l’Eglise d’avoir tous ces saints, tous différents comme nous tous aujourd’hui, mais vivant de la même Bonne Nouvelle dont ils se sont nourris et dont ils ont témoigné, chacun à sa manière. Ils sont tellement différents qu’il nous semble même paradoxal de les savoir membres de la même grande famille. Les saints de Dieu sont comme nous parce que tous différents, mais, comme nous et avec nous, ils boivent tous à la même source.
A la profondeur de la pensée théologique de Saint Augustin fait écho la vie monastique de saint Benoît. Au tempérament fougueux du prédicateur saint Dominique correspond l’âme séraphique et humble de Saint François, le « Poverello d’Assise » et sainte Claire d’Assise. L’esprit bagarreur et rigoureux de saint Ignace de Loyola est atténué par la vie rebelle de saint Philippe Néri, l’infatigable zèle missionnaire de saint François Xavier trouve une âme dans le Carmel de Thérèse à Lisieux. A une sainte Mère Teresa vivant parmi les pauvres de Calcutta correspond Maximilien Kolbe dans les camps de concentration nazie. A la rigueur morale et à l’esprit d’affrontement d’un Padre Pion de Pietralcina fait écho l’humble figure d’un paysan plein d’humour qu’est saint Jean XXIII. La jeunesse du bienheureux Carlo Acutis mort à 15 ans, ou de sainte Germaine de Pibrac, de sainte Bernadette, des jeunes saints-martyrs jeunes d’Afrique Noir comme Kizito, Sebyera, Anuarite renvoie à d’autres saints et saintes morts très âgés après une longue vie de fidélité au Seigneur.
A travers ces quelques contrastes, nous sommes pleinement dans la variété de l’Eglise d’hier et d’aujourd’hui, une variété d’hommes et de femmes témoins du même Evangile du Christ, mais chacun avec son caractère, ses talents, ses limites et faiblesses comme chacun de nous. Cependant tous ces saints ont cherché une chose : aimer et à faire la volonté de Dieu.
Nous ne célébrons pas que les saints connus, et mentionnés sur le calendrier liturgique de l’Eglise. Il y a beaucoup d’anonymes parmi eux. C’est cette foule immense d’inconnus que nous célébrons aujourd’hui. Ils ne sont connus de personne, mais dans le silence et cachés dans leur quotidien, ils ont dit oui au Seigneur, parfois même sans le savoir ni même s’en apercevoir.
La fête de la Toussaint me fait penser aux nombreuses grands-mères dont le pape François, comme la sienne qui lui disait que dans la vie, il faut chercher à progresser chaque jour ! Le pape aime rappeler leur importance dans la vie des enfants, les amoureux de la vie, les mères courageuses dans certains pays en guerre comme l’Ukraine ou le Kivu et même celles qui sont nos voisines de quartiers et dans nos propres familles… Pensons à tous les défenseurs de la vraie liberté, la vraie justice, ceux qui luttent pour l’unité et le développement humain et social, à tous ces pères de famille totalement donnés pour leurs enfants, à ces prêtres, simples et humbles curés de campagnes, parfois seul, dans la solitude dans ces territoires déserts, oubliés parfois de la hiérarchie mais qui, avec beaucoup de zèle missionnaire ont gardé et gardent et transmettent la lumière de la Foi. Je pense à toutes ces religieuses au service des enfants, des personnes âgées, des malades….
Nous célébrons tous ces saints d’aujourd’hui qui ne font rien d’extraordinaire que leur devoir de père, de mère, de fils ou fille, de religieux, de professionnel de santé… mais qui le font avec beaucoup d’amour, de simplicité et une grande joie.
Attention cependant ! Les saints ne sont pas des héros. Les héros n’ont pas de place dans l’Eglise ni dans le Ciel. Nous voulons des saints, hommes et femmes comme vous et moi, gens ordinaires qui auraient rougi s’ils se savaient célébrés solennellement dans cette grande fête de tous les Saints. Laissons-les rougir aujourd’hui au moins en leur faisant ce tort. Mais n’oublions pas que leur grand désir, c’est de nous aider à cheminer nous aussi, pour être en communion avec eux. Cherchons à les imiter, dans notre quotidien, en vivant simplement les chose, non pas par devoir mais par amour. Seigneur, donne-nous de nombreux saints ! Donne-nous de devenir des saints. Amen.