La foi dans le Ressuscité nous sauve de la mort.
La mort est forte et puissante, mais rappelons-nous que Dieu est plus fort et puissant que la mort. C’est cette évidence qui nous permet d’avancer quand nous traversons la dure épreuve du deuil. En mourant sur la croix et ressuscitant le troisième jour, Jésus nous montre qu’il est plus fort que la mort qu’il a vaincu par ce mystère de notre foi qui nous réunit aujourd’hui. En pensant ces derniers temps aux membres de ma propre famille et à mes amis qui sont morts cette année, à ces nombreuses personnes pour qui nous prions aujourd’hui en cette Commémoration des Fidèles défunts, nous réalisons combien la foi est une force, un grand soutien. C’est la plus grande richesse qui nous permet d’affronter « l’angoissante question du mystère » de la mort.
Toutes les sociétés au monde, à travers toute l’histoire de l’humanité, expriment chacune à sa manière, sa propre culture et croyance de la mort et de l’au-delà. A chaque époque de l’histoire de l’humanité, se pose la question du mystère de la mort, même si chaque société et culture en donnent une réponse différente. Quelle serait la meilleure réponse à ce grand mystère de la mort ? La réponse que nous donnons à la question du mystère de la mort est toujours en lien avec le sens que nous donnons à notre vie. Notre vision de la vie conditionne forcément notre vision de la mort. « Dis-moi comment tu vis, je te dirais comment tu conçois la mort ! ». Plus nous donnons du sens à notre vie présente, moins la question de la mort est plus problématique.
Dans notre société avec ses multiples progrès qui nous permettent d’améliorer notre « qualité de la vie », prolonge de manière étonnante l’espérance de vie, la mort n’est plus considérée comme l’accomplissement d’une vie, aussi brève soit-elle. Au contraire, dans nos sociétés développées, dans lesquelles tout nous promet une immortalité terrestre, la mort a perdu toute signification, mais elle est devenue aussi plus dramatique qu’à n’importe quelle époque de l’histoire. Plus que jamais, l’homme de notre temps, croyant ou non, cherche le sens de la vie d’ici-bas, et celle à venir. C’est cela que nous rappelle le Concile Vatican II, dans Gaudium et Spes 10 : « Il en est d’autres qui, désespérant du sens de la vie, exaltent les audacieux qui, jugeant l’existence humaine dénuée par elle-même de toute signification, tentent de lui donner, par leur seule inspiration, toute sa signification. Néanmoins, le nombre croît de ceux qui, face à l’évolution présente du monde, se posent les questions les plus fondamentales ou les perçoivent avec une acuité nouvelle. Qu’est-ce que l’homme ? Que signifient la souffrance, le mal, la mort, qui subsistent malgré tant de progrès ? À quoi bon ces victoires payées d’un si grand prix ? Que peut apporter l’homme à la société ? Que peut-il en attendre ? Qu’adviendra-t-il après cette vie ? »
La culture actuelle nous pousse en considérer la mort comme un échec, le plus dramatique des échecs, l’échec total. Cependant, en regardant les sociétés dans nos villages il y a un peu plus de cinquante ans, chez les paysans dans les sociétés agricoles, celles dans lesquelles ont grandi la plupart des personnes du troisième âge d’aujourd’hui, ou celles où sont nées la plupart des défunts pour qui nous prions, nous nous rendons compte qu’il y avait une certaine familiarité avec la mort. Nous vivons cela aussi dans les sociétés qualifiées de « traditionnelles », en Afrique.
Ces anciens n’avaient pas toute la richesse et les progrès dont nous jouissons actuellement. Leur mode de vie simple et empli de foi les aidait à ne pas considérer la mort comme un échec, même si elle a toujours été, même pour eux un drame, la cause de beaucoup de tristesse. Pour les anciens, la mort était, comme elle est pour nous aussi aujourd’hui, l’expression du caractère précaire et finie de l’existence humaine. Cependant, la mort était aussi perçue comme la porte, la condition nécessaire, l’opportunité pour aller dans cet au-delà de la vie présente, cette vie infiniment meilleure que celle à laquelle nous nous attachons ici-bas tellement, une vie dans laquelle, comme dit une oraison des funérailles, il n’y a plus ni deuil, ni larmes, ni douleur, mais seulement la paix et la joie avec le Christ et le saint Esprit. Nos grands-parents n’avaient pas nos canons actuels d’efficacité, de performance, de perfection, d’esthétique exaspérée, du plaisir immédiat et disponible à tout moment, du tout est possible ici et maintenant…et c’est pour cela qu’ils avaient moins peur de la mort que nous autres aujourd’hui.
Nos anciens avaient aussi un autre plus, celui de la foi chrétienne qui venait donner un sens nouveau et éclairer cette culture déjà très riche. C’est cela que nous demandons au Seigneur aujourd’hui « pour nous les vivants ». C’est seulement dans la foi personnelle en Jésus Christ Ressuscité que nous pouvons trouver une réponse à l’énigme de la mort. Loin de nous présenter une réponse conceptuelle, la foi chrétienne nous présente un Visage, celui du Crucifié, qui a aimé jusqu’au bout, et qui est Ressuscité. C’est le Christ Ressuscité qui nous rassure devant la mort, nous rappelant que devant la mort, il est avec nous et qu’avec lui, la mort qui était signe et manifestation de l’échec total, devient une porte ouverte à l’éternité.
Jésus Ressuscité nous dit que devant les échecs et les chutes de la vie, il y a toujours l’espérance en Dieu qui n’est pas Juge-justicier, mais Dieu Père plein d’amour et de miséricorde qui ne veut la perte d’aucun de ses enfants.
C’est vers ce Père plein d’Amour que nous nous tournons aujourd’hui, en lui demandant de prendre soin des défunts que nous pleurons. Lui qui est puissant dans son Amour, qu’Il leur donne de vivre ce que nos yeux de chair ne peuvent voir et que notre intelligence n’arrive pas encore à comprendre. Qu’Il nous donne la grâce de la Foi, de l’Espérance et de l’Amour, qui nous permettra de contempler son Visage, pour l’éternité, avec tous ceux qui nous ont précédés auprès de lui et pour qui nous prions aujourd’hui. Amen.