Mes chers frères et sœurs !
Nous concluons l’année liturgique avec le chapitre 25 de l’évangile selon saint Matthieu qui nous accompagné depuis le premier dimanche de l’Avent. Pendant les trois derniersdimanches, nous avons écoutés trois paraboles, celle de dix vierges avec leurs lampes attendant l’époux, nous rappelant que nous devons garder nos lampes allumées et avoir de l’amour en réserve dans nos cœurs pour attendre vraiment le Christ. Dimanche dernier, le Christ nous a rappelé que chacun de nous a reçu des talents à faire fructifier, et le talent par excellence, c’est l’amour que nous devons donner autour de nous : plus nous le donnons, plus il porte du fruit et si nous le cachons en terre ou le gardons pour nous seul, il ne donne pas de fruit. Et aujourd’hui, pour la fête du Christ-Roi de l’Univers, c’est encore l’amour qui nous est donné comme critère de jugement.
Pourquoi la fête du Christ-Roi de l’Univers ? En célébrant cette fête, l’Eglise ne manifeste aucune nostalgiemonarchiste ! Il parait dans les milieux catho en France, il y a pas mal de monde qui rêvent encore de monarchie. En parlant d’eux, quelqu’un les invitait à se tourner plus au Palais de l’Elysée qu’au Château de Versailles. Un opposant politique disait, pour provoquer : « inutile de vouloir restaurer la monarchie en France, car nous avons déjà un Roi Jupiter à l’Elysée ! » Je laisse un peu de côté la politique pour la laisser aux professionnels de la politique.
L’image du Christ Roi de l’Univers, un peu vieillotte, veut réaffirmer une donnée importante de la foi chrétienne : Jésus-Christ, le charpentier de Nazareth, ce juif marginal qui a vécu il y a plus de deux mille ans, condamné à mort et crucifié sous Ponce Pilate, ressuscité le troisième jour selon les Ecritures, c’est vraiment lui le Roi de l’Univers, l’Alphaet l’Oméga, le Premier et le Dernier, le début et celui qui a la dernière Parole qui donne la mesure et le sens à toute existence humaine. Cette fête nous rappelle que notre vie a un sens, une direction et que c’est un Roi plein d’amour, les bras ouverts que nous attendons ! Affirmer que Jésus est mon Roi, le Roi de l’Univers, cela pose la question de la place qu’il occupe dans mon quotidien ! Est-ce que je laisse Jésus, mon Roi, contrôler et gouverner ma propre vie ?
L’évangile de ce dimanche peut être choquant pour certains. Le climat décrit est tendu ! Nous avons un peu de mal avec cette vision d’un Dieu Juge implacable. Certains peintres, comme Michel-Ange dans la chapelle Sixtine, unChrist-Roi imposant et puissant. Qu’on le veuille ou pas, cet évangile qui parle du Jugement Dernier est une donnéeimportante de notre foi. Nous le disons chaque dimanche : « Il viendra dans la gloire juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin ». Nous avons parfois tendance à oublier parce que nous désirons inconsciemment professer la foi en un Dieu qui ne nous juge pas, mais qui est plein d’amour et de tendresse envers nous, qui nous caresse dans le sens du poil. L’évangile nous rappelle que Dieu nous aime, certes, mais qu’il nous jugera aussi sur l’amour dont nous témoignons au cours de notre vie ici-bas.
La clef de lecture de cet évangile est une donnée fondamentale de tout l’enseignement de Jésus et de l’Eglise. C’est ce que l’on appelle « option préférentielle » pour les plus faibles. Jésus, Bon Berger et Roi par excellence accueille les brebis qui l’ont reconnu à travers le visage du plus pauvre, du plus faible, du persécuté, de l’affamé, du malade, de l’assoiffé, de l’étranger. La Bible met en valeur sans cesse les gestes de compassion envers les petits, les faibles et les pauvres. Jésus dit explicitement que c’est de lui dont nous prenons soin en étant attentifs aux pauvres et aux faibles, à l’étranger, au prisonnier, à l’affamé… Jésus s’identifie lui-même à la personne écrasée par la vie. Nous voyons que cette identification est méconnue par ces gens tout surpris d’avoir fait du bien à Dieu, à travers le bien fait aux pauvres, sans le savoir. Le message de cet évangile est clair : la foi véritablement chrétienne doit changer notre mode de voir les autres et de vivre avec eux. Dieu est présent dans le visage défiguré du pauvre, de nos frères et sœurs. Et voyez bien que Jésus ne parle pas de « bons pauvres », « des pauvres gentils » ou des prisonniers innocents victimes d’une erreur judiciaire. Même dans le pauvre qui a tout perdu à cause de sa propre faute parce qu’il a trop dilapidé sa richesse ou dans le prisonnier meurtrier condamné à perpétuité, nous pouvons toujours reconnaitre quelques traces du visage de Dieu.
Dans cet évangile, il y a la répétition de la même idée au positif et au négatif. Dans la deuxième partie, (que nous préférons éviter d’entendre si nous avons le choix…et qui est laissée de côté par les familles en deuil en lors des célébrations des funérailles quand cette parabole est prise, pour ne mentionner que les côtés lumineux du défunt, au lieu de réaliser que ce même défunt a eu quelques zones d’ombres), Jésus affirme que celui qui ne le reconnait pas dans le pauvre, l’étranger, l’assoiffé, le malade et l’affamé sera jeté dans le feu de la Géhenne ! Oh, pardon ! Je sais que jechoque certains en parlant de la Géhenne, du feu de l’Enfer ! Il parait que beaucoup de chrétiens ne croient pas que l’Enfer existe ! Oui, il existe ! Jésus parle beaucoup dans les paraboles de la Géhenne de feu qui ne s’éteint pas, là où il y a les pleurs et des grincements de dents ! Mais de volonté est que personne n’aille en Enfer, mais au Paradis avec lui : « Or la volonté de mon père, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a confié, mais que je les ressuscite tous au dernier jour ». Si nous refusons librement de reconnaître et d’aimer Dieu à travers le frère et la sœur, l’Enfer est la destinée que nous choisissons.
Que va-t-il donc se produire à la fin des temps quand Jésus viendra juger les vivants et les morts, comme nous le disons dans le Credo ? Cela est écrit noir sur blanc dans l’évangile ! Mettons de côté ce petit tableau comptable où nous avons mentionné seulement le compte des messescélébrées ou vécues, d’heures de prières, des pèlerinages, des confessions, louanges et adorations, des rosaires…. Tout cela est bien, mais Jésus nous rappelle que cela est insuffisant. Le Roi de l’Univers et Juge nous demandera si pendant notre vie, nous l’avons reconnu dans le pauvre, le faible, la personne fragile, la personne âgée abandonnée dans une maison de retraite ou dans son appartement, le parent insupportable, l’étranger qui, de surcroit, n’est pas de votre religion… Oui, vous l’avez bien compris : le jugement dernier se fera sur les gestes d’amour posés ou pas au cours de notre pèlerinage sur terre.
La foi chrétienne est concrète et transforme notre vie. Il ne s’agit plus des paroles et des concepts, des grands discours théologiques, doctrinaux et spirituels. La prière véritable contamine et irrigue notre vie. Elle nous convertit en nous incitant à faire le bien autour de nous. La célébration eucharistique ne s’arrête pas à la sortie de l’église, mais elle se poursuit par le témoignage concret d’une vie donnée qui glorifie Jésus dans le quotidien avec la famille, les voisins, les collègues de travail, les membres de la communauté… Alors, oui, la prière, l’eucharistie, la confession, le rosaire, les pèlerinages, le jeûne, … sont des instruments de communion avec Jésus et avec nos frères et sœurs. Leur finalité est de faire de notre vie un lieu et un témoignage concret de foi. Si nous savons porter notre foi de l’intérieur d’une église à la vie dans la société, de l’intérieur à l’extérieur du cœur, du lointain au plus près en reconnaissant le visage de Jésus contemplé et adoré dans l’eucharistie dans les visages de nos frères et sœurs en humanité, alors, oui nous serons sauvés !
La royauté du Christ, Roi de l’Univers se manifeste dans nos gestes concrets à travers lesquels nous le construisons déjà ici et maintenant, en vivant notre vocation de baptisé car, à travers le baptême, nous partageons la dignité royale du Christ, serviteur et aimant. La royauté du Christ grandit chaque fois que nous savons aimer nos frères en étant des miroirs d’amour de Dieu et témoins crédibles de sa compassion pour nos frères et sœurs. Que cette eucharistie nous aide à avoir une foi concrète et aimante. Amen.