Mes chers frères et sœurs !
Au cours de notre parcours du désert de Carême et dans cette montée vers Pâques, une grande lumière vient faire irruption pour éclairer nos ténèbres afin de nous permettre d’avancer et de vaincre la tentation d’arrêter le chemin entrepris de suivre Jésus jusqu’au bout ! C’est comme dans notre vie : Dieu fait irruption dans notre vie quand la foi et l’espérance nous disent que nous sommes capables de vaincre nos peurs et notre tentation de résignation, de baisser les bras devant les difficultés et les épreuves de la vie ! Dans cet épisode, plusieurs éléments montrent le don infini que Jésus fait à ses disciples. Essayons d’analyser ces éléments.
D’abord la montagne : dans la Bible, la montagne est le lieu de la théophanie, lieu de la présence et de la manifestation de Dieu. C’est le lieu par excellence de la rencontre avec Dieu pour écouter sa Parole comme cela s’est réalisé pour Moïse et Elie. Il y a ensuite la lumière resplendissante : c’est la lumière de Dieu. D’ailleurs, c’est Dieu lui-même. « Je suis la lumière du monde », nous dit Jésus : celui qui marche avec moi ne marche pas dans les ténèbres car il aura toujours la lumière de la vie. La nuée signalée dans ce récit manifeste aussi la présence de Dieu. Comme lors de la traversée de la mer Rouge, dans l’Exode, la nuée précédant le Peuple libéré signifiait la présence de Dieu qui l’accompagnait et le guidait. Dans cet épisode, il y a aussi une invitation en forme d’impératif, comme au jour du baptême de Jésus au Jourdain : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ! » C’est la voix du Père.
La Transfiguration du Christ semble une sorte de parenthèse sur notre cheminement « quasi tragique du Carême » : c’est comme si, dans une vallée de larmes et des souffrances, Jésus lui-même veut encourager ses disciples en leur faisant contempler la beauté de Dieu et sa gloire sur le mont Tabor, pour le préparer à ne pas perdre de vue la résurrection à venir après la passion et la mort ! C’est un appel à l’espérance quand nous sommes assaillis pas les épreuves de la vie.
Cependant, Jésus ne veut pas que ses trois disciples Pierre, Jacques et Jean qui vivent cette belle expérience de consolation et de douceur, en restent là : il leur faut revenir dans l’ordinaire, dans le train-train du quotidien pour témoigner de cette beauté de Dieu, même s’il leur est interdit d’en parler. Jésus ne veut pas que ses disciples, après avoir fait cette très belle expérience, qui est une sorte de paradis sur terre en restent là, dans leur joie égoïste sans s’engager ni se bouger pour les autres : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie ».
Jésus demande à ses trois disciples de vivre, de témoigner, de manifester la gloire de Dieu, cette gloire contemplée sur son visage resplendissant lors de transfiguration au Tabor. Jésus veut que ses disciples de faire une descente, et ne pas rester sur leur petit nuage. Les disciples doivent descendre du mont Tabor, rencontrer le peuple qui attend au pied du Tabor, mais pour ensuite faire une autre montée vers le Calvaire. Être chrétien, c’est entre dans ce mouvement de va-et-vient, mouvement alternant montée et descente, comme la vie de Jésus lui-même. L’expérience de la consolation de la transfiguration me fait penser à ces jeunes, comme Matthieu, un des lycéens de l’aumônerie de Tournefeuille qui étaient à Taizé la semaine dernière ! Après avoir vécu une très belle expérience pendant une semaine à Taizé, Matthieu m’a dit combien ils voulaient rester là, avec cette appréhension de revenir à la réalité quotidienne à la maison, au lycée et en paroisse ! Mais, comme au Tabor, Jésus les invite à revenir dans la vie ordinaire de la famille et reprendre la vie quotidienne pour témoigner de la joie qu’il leur a donner.
Le récit de la transfiguration nous dit qu’il est toujours possible d’être dans la joie et le bonheur aujourd’hui déjà malgré les combats spirituels et les épreuves que nous pouvons affronter, cette joie qui n’est pas euphorique mais simple et profonde que nous apporte ce Dieu qui donne sa vie par amour pour nous. Le temps du Carême nous invite d’ailleurs à regarder autour de nous ceux et celles qui ont du mal à être dans cette joie à cause de vicissitudes de la vie, des épreuves pour leur apporter aide, réconfort et consolation. C’est le sens de la solidarité que l’Eglise nous invite à intensifier pendant le Carême. Pour nous chrétiens, le bonheur n’est pas seulement dans l’au-delà, après la mort : la gloire de Dieu dont nous devons tous resplendir brille déjà dans notre histoire, et c’est cela dont nous devons témoigner malgré tout, même dans les épreuves et malgré notre faiblesse. Chacun de nous est invité à vivre et s’engager pour que la joie de la transfiguration resplendisse sur chaque visage humain, en particulier dans la vie de ceux qui ont du mal à faire l’expérience de la joie pascale à cause des difficultés de la vie.
Ce lien entre gloire et épreuve est évident dans deux pages fondamentales de la vie de Jésus : la transfiguration et l’agonie dans le Jardin de Gethsémani. Dans les deux cas, Jésus est accompagné par trois apôtres Pierre, Jacques et Jean. Dans les deux textes, Jésus se retire dans un endroit secret, dans la solitude, un lieu peu accessible aux regards curieux. Et dans les deux cas, les trois apôtres sont comme des spectateurs apeurés devant un grand mystère qui est dévoilé devant eux que de vrais et réels protagonistes maîtrisant la situation.
Au Jardin des Oliviers comme sur le Tabor, Jésus est le seul réellement présent, une présence qui rassure les disciples. En ce temps de Carême, et dans « tous les carêmes » de notre vie, Jésus nous invite à nous ouvrir à lui, à voir sa présence à nos côtés car il est le seul capable de transfigurer notre quotidien en y apportant un peu de sa lumière. Dieu seul est capable, si nous le laissons habiter notre vie, de transfigurer la routine de notre quotidien qui est parfois sans sel, sans saveur ni lumière. Pour ceux qui travaillent ; Dieu est le seul capable de transfigurer nos vas-en vient parfois routiniers et stressants entre la famille, la maison, le travail et autres engagements associatifs et ecclésiaux. Jésus veut mettre de la joie dans ce que nous faisons de manière routière et parfois sans amour, à la seule condition de le laisser réellement entrer dans tout ce que nous faisons.
Oui, Jésus veut réaliser sa transfiguration sur toutes les situations que nous vivons. La lumière du Christtransfiguré peut briller sur nos vêtements trempés de sueur de notre transpiration, mais sur lesquels nous mettons du déodorant à cause de cette obsession permanente d’apparaître, de donner certaine une image acceptable par la société alors qu’au fond de nous, nous sommes rongés et assaillis par le remord, l’angoisses et la honte à cause de nos fautes et fragilités. Jésus peut transfigurer nos visages défigurés par les injustices de tout genre, les discriminations, les maladies et autres soucis de la vie. Nos visages tristes peuvent croiser le regard resplendissant du Christ, les corps affaiblis et les muscles souffrants peuvent être touchés par la main douce et réconfortante de Dieu ! Les oreilles qui n’en peuvent plus d’entendre les paroles agressives et calomnieuses peuvent se reposer dans les paroles douces du Père qui nous invite à écouter la voix de son Fils, doux et humble de cœur.
Seigneur, en ce temps de Carême, vient transfigurer nos vies. Aide-nous aujourd’hui déjà à construire un monde qui reflète ta présence et ta gloire.