Mes chers et sœurs !
Au temps de Jésus, en Israël, tout le monde, attendait le messie. Mais, personne alors n’aurait pu s’imaginer que le messie puisse venir d’un petit village paumé comme Nazareth ! Rien de bon ne pouvait provenir de ce petit village de Galilée, et moins encore, un prophète ! Ce mépris pour Nazareth est exprimé clairement dans la discussion entre les premiers disciples de Jésus, Philippe et Nathanaël (Barthelemy), qui étaient alors disciples de Jean le Baptiste : « Philippe trouve Nathanaël et lui dit : « Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. » Nathanaël répliqua : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » Philippe répond : « Viens, et vois. » (Jn 1, 45-46).
On le verra aussi dans la discussion entre Nicodème et les pharisiens qui veulent arrêter Jésus mais n’y arrivent pas à cause de la foule. « Les pharisiens leur répliquèrent : « Alors, vous aussi, vous vous êtes laissé égarer ? Parmi les chefs du peuple et les pharisiens, y en a-t-il un seul qui ait cru en lui ? Quant à cette foule qui ne sait rien de la Loi, ce sont des maudits ! » Nicodème, l’un d’entre eux, celui qui était allé précédemment trouver Jésus, leur dit : « Notre Loi permet-elle de juger un homme sans l’entendre d’abord pour savoir ce qu’il a fait ? » Ils lui répondirent : « Serais-tu, toi aussi, de Galilée ? Cherche bien, et tu verras que jamais aucun prophète ne surgit de Galilée ! » (Jn 7, 48-52)
Le Messie attendu devait être quelqu’un de puissant, apportant un changement à la fois politique, miliaire et spirituel. Il était absurde, inaudible et invraisemblable de l’imaginer d’humble condition, née d’une femme très humble et être soumis aux soins d’une famille pauvre. Le peuple avait déjà oublié, comme nous le rappelait le père Cyprien Comte jeudi soir lors de notre conférence de l’Avent, que le prophète Michée avait déjà explicitement affirmé que le Messie serait de condition extrêmement humbles, au point naître, non pas à Nazareth, mais dans un coin plus perdu encore de la Judée, un village presque invisible sur la carte géographique et absents des références toponymiques : « Et toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois. Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu. Ils habiteront en sécurité, car désormais il sera grand jusqu’aux lointains de la terre » (Michée 5, 1, 3)
Bethléem, une petite bourgade perdue devient le centre de l’histoire du salut. Un solitaire logement de fortune, la mangeoire d’une ferme devient le symbole que nous avons tous dans nos maisons, la crèche de Noël qui rappelle ce lieu humble qui vit naître le roi de l’univers. Le temps de l’Avent montre comment Dieu transforme et donne une valeur inestimable aux petites choses, comme il exalte ce qui est communément méprisé. C’est cela que Marie chante dans le Magnificat : « Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. » (Lc1, 48-52).
Bethléem, un village insignifiant et abandonné, devient un lieu de pèlerinage où vont converger à la fois les bergers, les anges ainsi que les rois mages. Marie et Joseph, jusque-là ignorés des villageois qui n’ont pas voulu les accueillir dans leurs maisons et ou auberges, deviennent le centre de l’attention de tous parce que leur enfant, Jésus-Seigneur, les rend objets d’une admirable attention. Dieu est grand, non pas parce qu’il est impérieux et imposant, mais parce qu’il est capable de se faire petit sans réserve et qu’il donne grandeur et valeur inestimable aux choses petites et insignifiantes en apparence.
A une semaine de Noël, c’est le message que je vous donne: la joie de la fête de Noël ne dépendra pas du prix des cadeaux que vous allez vous échanger dans vos familles, avec vous amis, ni de la durée et la quantité de votre repas de Noël, ni des bouteilles de champagne que vous allez finir. Ce qui redonnera à Noël tout son sens, c’est l’amour avec lequel nous allez vous retrouver, les sentiments de joie simple, de pardon accordé, de réconciliation possible, de bienveillance décidée, d’orgueil maitrisé… Tels sont les cadeaux que Jésus nous apporte et qu’il nous demande de partager avec nos proches, comme nous le contemplons dans le mystère joyeux de la Visitation, la rencontre entre Marie et Elisabeth. On y voit transparaitre la joie partagée, la foi exprimée, l’humilité non feinte, la reconnaissance et la mise en valeur de l’autre !
Marie et Elisabeth partagent la joie de se retrouver, toutes deux reconnaissantes d’être destinataires d’une grâce extraordinaire à travers les enfants qu’elles portent, Jésus et Jean-Baptiste qui exultent de joie quand leurs mères se rencontrent. Est-ce que nous grands-parents et parents auront la même joie avec nos enfants heureux de se retrouver à Noël après tant d’éloignement dû aux conditions sanitaires ? J’imagine, malgré l’attention qu’on nous appelle à avoir pendant les fêtes à cause de la Covid, votre famille se retrouver : les petits enfants qui vont crier, courir dans tous les sens, chanter à tue-tête dans la maison familiale ou celle que vous avez louer en campagne pour vous réunir. Peut-être que ces cris et remue-ménage vont déranger certains parmi vous, surtout les grands ou arrière-grands-parents ? Mais, n’est-ce pas cela la manifestation de la vie lors de nos retrouvailles joyeuses en famille.
C’est comme à la messe le dimanche. Chaque eucharistie est comme une visitation. Nous nous retrouvons dans la joie, et les bruits, les cris, les pleurs, les courses, le remue-ménage des bébés et enfants sont le signe que l’Eglise est vraiment une famille rassemblée. Quand on parle de famille réunie dans la joie, il y a toujours cette possibilité que les enfants fassent un peu ou beaucoup de bruit. Je ne dis pas que le bruit des enfants est toujours agréable pendant la messe ! Mais leur bruit est signe de la vie et réjouissons-nous d’avoir ces enfants parmi nous ! En fait, si nous n’acceptons pas les tout-petits dans nos messes à causes de leurs bruits, cris et pleurs, nous risquons de ne plus jamais les revoir, et d’exclure de nombreuses familles de nos assemblées dominicales. Alors, comme Jésus et Jean-Baptiste qui se réjouissent lors de la rencontre de Marie et Elisabeth, soyons heureux de nous retrouver à la messe, dans la diversité de nos âges et sensibilités, avec la vie manifestée dans les bruits et cris des enfants.
La rencontre de Marie et Elisabeth me fait penser à un autre point. Ces deux femmes vivent en des lieux éloignés. Elisabeth vivant dans une région montagneuse, est plus âgée, à tel point qu’on pensait qu’elle était stérile à cause de son âge avancé. En plus, elle est enceinte ! Son âge et le fait qu’elle soit enceinte ne lui permettent pas de se déplacer, surtout pour de longue distance. Alors, c’est Marie, plus jeune, plus en forme qui se déplace et va rendre visite à Elisabeth. En plus, Marie reste avec Elisabeth pendant quelques mois pour pouvoir l’aider pendant ce temps où elle est fatiguée et attend l’accouchement.
Ceci me fait penser à nos familles ! En fait, les personnes âgées que sont nos parents et grands-parents ont naturellement du mal à se déplacer, à faire de grands voyages pour aller voir les enfants et petits-enfants. C’est aux plus jeunes dans nos familles de prendre l’initiative pour aller à la rencontre des plus âgés et d’aller les aider. Si nous ne pouvons pas nous déplacer pour aller à leur rencontre, n’oublions pas de manifester notre présence auprès de nos parents et grands-parents d’une manière ou d’une autre : une carte envoyée, un coup de téléphone… J’ai pu rencontrer ces derniers jours des personnes âgées vivant déjà l’angoisse terrible de la solitude des fêtes. Puissent les plus jeunes parmi nous imiter Marie qui rend visite à Elisabeth, plus fragile, plus âgés en lui apportant joie et soutien fatigué ! Puisse la joie de la visitation entre Marie, Elisabeth et leurs deux enfants rejaillir sur nos retrouvailles familiales pendant ces grandes fêtes qui approchent. Amen.