L’imposition des cendres est un geste propre et spécifique de l’entrée en Carême ! Après l’homélie, le prêtre bénit les cendres et nous les impose sur la tête en disant : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne nouvelle », ou bien « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière ! » Ce rite nous fait comprendre le sens même de l’appel du prophète Joël dans la première lecture, appel toujours d’actualité et garde toute sa valeur salutaire pour nous aujourd’hui : nos gestes extérieurs de piété doivent correspondre à la sincérité de l’âme et la cohérence de nos actes : « oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux ! » A quoi sert, en effet, de déchirer ses habits si notre cœur reste loin du Seigneur et du prochain, c’est-à-dire, du bien et de la justice ? Ce qui compte, c’est de revenir à Dieu et au prochain, avec un cœur sincèrement repenti.

Ce temps de Carême est un « temps favorable », une occasion propice pour reprendre un chemin de conversion, un ajustement de tout notre être à l’Amour de Dieu et du prochain.  IL nous appelle à rejeter toutes ces idoles séduisantes qui, en dépit d’une vie de foi, éloignent les chrétiens du Seigneur et du prochain. Le psaume pénitentielle 50 nous invite à regarder notre vie en reconnaissant ce qui nous éloigne concrètement de Dieu et des autres : « Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre toi, et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. »  On ne peut demander pardon que pour un péché précis et clair que nous reconnaissons. Il y a quelques jours, quelqu’un est venu me demander pardon mais il n’était pas en mesure de m’expliquer pour quelle faute il demandait pardon. Du coup, j’ai compris que c’était simplement une manière de tourner la page, sans désir et volonté réels de ne plus commettre la même faute ! La conversion est concrète !

Le vrai chrétien est conscient de ses fautes, de ses défauts, et le temps du carême comme temps de conversion nous appelle à regarder les concrètement pour y travailler et laisser le Seigneur nous remodeler comme il le fit à la création avant que le Malin ne nous coupe de Lui. La conversion fait de nous de nous une nouvelle création, comme dit le psalmiste : « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face ne me reprends pas ton esprit saint ».

Un autre aspect important du carême est ce qui est exprimé dans la prière d’ouverture : « Accorde-nous, Seigneur, de savoir commencer saintement, par une journée de jeûne, notre entrainement au combat spirituel : que nos privations nous rendent plus fort pour lutter contre l’esprit du mal ». On parle ici d’être plus fort, de s’entraîner…. d’armes de pénitence et de combat contre l’esprit du mal…. Il ne s’agit pas des combats comme ceux auxquels on assiste impuissants en Ukraine, dans le Kivu en RDC ou au Sahel.  Ce que nous devons combattre pendant le carême, c’est le mal qui trouve sa racine dans notre cœur. Chaque jour, et pas seulement pendant le carême, (mais particulièrement), le chrétien doit lutter, comme le Christ lui-même l’a fait dans le désert où, pendant 40 jours où il fut tenté par le Diable, puis, dans le Jardin de Gethsémani quand il repoussa l’extrême tentation en acceptant jusqu’au bout de faire la volonté du Père. Ce combat spirituel est mené contre le péché et contre le prince du mal, et il touche tout notre être, corps et âme. C’est un combat qui demande une vigilance permanente.

Saint Augustin dit que celui qui veut avancer et grandir dans l’amour de Dieu et sa miséricorde ne peut se contenter de se libérer des péchés graves et mortels, mais il doit faire la vérité en reconnaissant aussi les péchés moins graves. Très souvent, lorsque quelqu’un veut se convertir, il focalise toutes ses forces sur les péchés capitaux, les plus grandes fautes, oubliant au passage tous des petits péchés qui peuvent aussi nous conduire à la mort. C’est comme le soldat qui s’attaque aux chars de combat, aux armements lourds, oubliant les petits soldats qui peuvent le tuer à bout portant. Nous pensons avoir fait le ménage en débarrassant notre maison de la poubelle qui sentait déjà mauvais, en amenant les encombrants à la déchetterie…. Mais nous oublions cette poussière qui, avec les jours, s’entasse, pollue et salit tout dans la maison au point de devenir un danger pour notre propre santé ! De même, nous aussi, pendant ce temps de carême, nous sommes appelés à nous convertir en s’attaquant aux grands défauts et vices, sans oublier les petits vices qui peuvent passer inaperçus.

C’est toute la vie chrétienne qui est un combat permanent. Restons vigilants sans jamais baisser la garde. Saint Pierre, nous le rappelle : « Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui avec la force de la foi ! » Nous sommes appelés à rester éveillés. Lutter contre toute formed’égoïsme, de haine, mourir à nous-même pour vivre en Dieu, tel est le programme que chaque disciple est appelé à embrasser avec humilité, patience, générosité et persévérance. Être disciple du Christ, c’est désirer et construire la paix autour de nous, dans nos communautés, nos familles, entre les peuples, avec Dieu et avec nos frères et sœurs parce que si Jésus a accepté de souffrir, c’est pour nous réconcilier les uns les autres. Devant une guerre qui menace notre monde actuellement, la réponse chrétienne est d’abord celle de la prière, de la solidarité, du partage.  Bâtissons des petits ponts quand nous sommes témoins de conflits autour de nous !

L’amour doit se traduire par des gestes concrets envers le prochain, et tout particulièrement envers les pauvres et ceux qui souffrent. Je me rappelle avec émotion nos « apostolats » quand nous étions au KT : mettre de côté quelques sous pendant le carême pour aller rendre visiter aux prisonniers et aux malades dans les dispensaires, hôpitaux et prisons de Bukavu, aller aider à restaurer et construire les maisons des pauvres dans les quartiers, bidonvilles et villages autour de la ville de Bukavu….! On se privait de pain, de petits loisirs, pas pour épargner, mais dans le but de partager concrètement avec les pauvres et ceux qui souffrent. Comme dit notre archevêque, Mgr Guy de Kérimel, dans son message de carême, le carême doit nous décentrer de nous-même pour nous ouvrir aux autres et à Dieu. Puissions-nous développer cette proximité avec Lui et avec nos frères et sœurs pendant ce temps qui nous conduit au plus Grand Mystère de notre Foi !