Mes chers frères et sœurs !
« J’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » S’adressant ainsi à la communauté de Corinthe, saint Paul rappelle ce qui, à notre époque, a pris une connotation tellement négative à cause de certaines dérives, et qui s’appelle, la tradition. Ce n’est pas un compliment quand on traite un prêtre de « tradi », ou « traditionnaliste ». C’est presque une injure dans certains milieux, et un grand compliment d’autres milieux. Tout dépend de sa sensibilité. Pourtant, il y a des traditions familiales, des choses qui se transmettent de générations en générations ! Quand j’étais petit et que nous allions en vacances chez les grands parents, ils nous apprenaient, et nous devions apprendre par coeur l’arbre généalogique de la famille, certains événements familiaux transmis oralement, et parfois matériellement. Le but était de nous faire comprendre d’où venait notre famille, quelle était l’histoire de notre clan, de notre tribu, quel rôle avaient joué tel et tel ancêtre dans l’histoire familiale… Pour cela, il fallait dire la vérité, ne rien inventer, mais répéter. La préoccupation principale des parents et grands-parents était de transmettre fidèlement la tradition pour ne pas oublier nos racines.
Dans la vie ecclésiale, on parle de Tradition, c’est-à-dire, le contenu de notre foi tel qu’il a été transmis fidèlement depuis la naissance de l’Eglise. Il s’agit des trésors qui font que nous sommes là aujourd’hui, des trésors que nous avons reçus depuis plus de 2000 ans et que nous sommes chargés de transmettre. Parmi ces trésors, il y a celui de l’eucharistie. Certes, les messes célébrées aux premiers siècles, avec des grandes miches de pain, de vraies carafes de vin, dans les maisons privées, avec de très petites assemblées ou dans les catacombes étaientt différentes des messes célébrées dans les basiliques majeures comme Saint Pierre de Rome ou Saint Jean de Latran à Rome. Les messes vécues à Bukavu pendant les vacances, avec beaucoup de chants et de danses, dans une culture différente ne sont pas les mêmes que celle que je célèbre ici, à Tournefeuille ou Lardenne, dans une culture différente !
Pourtant, dans toutes ces messes, quelles que soient la culture et l’époque, il y a une structure commune avec les différentes parties : accueil, liturgie de la parole, liturgie eucharistique et envoi. Dans toutes ces messes, il y a la même matière, le pain de blé non fermenté, du vin de raisin, avec les mêmes gestes et les mêmes paroles que même le pape ne peut pas inventer, sans prendre le risque d’altérer ou de rendre la messe invalide. Cette structure, la matière, les paroles et les gestes sont ce qui constitue la tradition eucharistie qui nous vient de Jésus lui-même et inventé par personne. Quand le prêtre et l’assemblée respectent cette tradition, dans la matière, les paroles et la forme, dans leur substance, le pain et le vin deviennent réellement mais mystérieusement le corps et le sang du Christ, le même Jésus que la Vierge Marie avait conçu et mis au monde. C’est ce que nous appelons le Saint Sacrement.
Pour reconnaitre le Christ présent dans le pain et le vin consacrés, nous n’avons pas besoin des nos 5 sens physiques qui ne peuvent se limiter qu’à la matière et à la forme. Nous avons plutôt besoin des oreilles de l’âme, c’est-à-dire, de la foi pour le reconnaitre. Ce n’est pas nous, notre foi ou absence de foi qui faisons que le pain et le vin consacrés deviennent corps et sang du Christ. Ils le sont réellement quand la messe est célébrée par le prêtre, indépendamment de nous. Recevoir l’eucharistie sans y croire est sacrilège ! Cependant, celui qui les reçoit avec foi reçoit l’immortalité, car Jésus dit que « ma chair est la vraie nourriture, mon sang la vraie boisson et celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui et je le ressusciterai au dernier jour ».
Saint Paul, l’apôtre de seconde zone, lui qui n’a pas connu ni vécu avec Jésus, tient cependant à rassurer ses paroissiens de Corinthe. Il leur raconte l’essentiel qui atteste de l’authenticité de sa prédication, affirmant qu’il l’a lui-même reçu. Ce qu’il raconte, c’est la Dernière Cène, le dernier repas du Christ avec ses disciples, qui devient la première eucharistie, la première messe que Jésus nous demande de revivre : « Faites cela en mémoire de moi » Cela veut dire, si vous voulez que je sois là, refaites sans cesse cela, n’arrêtes pas de célébrer la messe ! Et depuis lors, de génération en génération, nous faisons cela en mémoire du Christ, fermes dans la foi que Jésus est mystérieusement mais réellement présent chaque fois que nous célébrons la messe. Dans chaque eucharistie, Jésus est là, présent et se donne à nous.
Cette année, le récit d’évangile qui nous est donné pour la fête du Saint sacrement est la multiplication des pains et des poissions raconté par saint Luc. Ce miracle laisse entrevoir en filigrane la célébration eucharistique probablement telle qu’elle était célébrée au sein de sa propre communauté à laquelle appartenait saint Luc. Jésus accomplit un miracle en utilisant le pain, comme lors de la dernière Cène. Le poisson, pour la première communauté ecclésiale était le signe de reconnaissance des premiers chrétiens persécutés. Saint Luc nous rappelle dans ce récit que le plus grand des miracles n’est pas tant d’avoir donné à manger à toute cette foule rassemblée. Le plus grand miracle s’accomplit aujourd’hui, pour nos âmes, par cette présence de Jésus qui se donne toujours à nous dans le pain et le vin consacrés. Jésus vient combler cette faim et soif profondes de nos âmes en se donnant à nous, mais dans le but de nous apprendre à devenir, à notre tour, pain rompu et donné pour les autres.
En fin de compte, le message principal de la fête du Corpus Domini est celui-ci : pendant célébration de la messe, même quand elle nous semble bâclée, torturée… Jésus est là présent, il prend le risque de se donner en se faisant pain rompu. Si tel est le cas, si nous en prenons conscience, si nous l’absorbons dans la foi, alors, aucun prétexte, aucune excuse, ne devrait nous empêcher d’y aller. Même quand les messes paraissent ennuyeuses, les homélies longues et pas intéressantes, même quand les chants ne sont ni beaux ni dynamiques… Jésus est là. Rappelons-nous que Jésus veut se donner à travers tout ce que nous mettons en œuvre pendant la messe. Notre mission est de mettre le paquet afin que nos messes soient belles, attirantes, pleines, solaires, fortes, priantes, recueilliesparce que l’eucharistie est la source et le sommet de notre foi. Je me dis même que nous devrions mettre le paquet sur la préparation de la messe, en célébrer moins mais très belles, priantes, dynamisantes au lieu d’en multiplier avec moins de moyens parce que chacun veut sa messe, dans sa paroisse, à l’horaire qui lui convient.
Cette prise de conscience devrait partir d’abord du prêtre sans lequel il n’est pas possible de célébrer l’eucharistie. Il est l’instrument, le pont dont se sert Jésus pour se donner aux autres membres de son corps que sont tous les fidèles assemblés pour célébrer avec lui. Je vous invite à prier pour les prêtres afin qu’il ne célèbre jamais la messe avec routine ni habitude, mais comme l’accueil de ce miracle de l’Amour infini toujours nouveau qui se donne au cours de la messe. Je vous invite à prier aussi pour tous ces enfants qui, depuis l’Ascension ont fait leur première communion dans nos communautés et dans l’Eglise. Puisse Jésus présent dans le pain et le vin consacrés soutenir à jamais nos esprits et nos corps et nous donne la guérison. Amen.